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Chapitre 3 : Dispersion et rhéo-physique

3.3. Organisation des agrégats sous cisaillement

3.3.2. Description de l’expérience de rhéo-SAXS

Les expériences de biréfringence ont permis de mettre en évidence un ordre orientationnel macroscopique à grande distance plus ou moins marqué en fonction des solvants et des concentrations. Afin de comprendre l’organisation microstructurale et faire le lien avec les observations macroscopiques, une expérience couplant la diffusion aux petits angles et la rhéologie a été réalisée sur la source de rayonnement synchrotron SOLEIL à Saint-Aubin, sur la ligne de lumière SWING. Cette source de lumière nous permet de sonder la matière sur des gammes de vecteurs d’onde plus

Figure 3. 14 : Viscosité relative en fonction de la fraction volumique de boehmite Pural SB3 dans les solvants pour un cisaillement de 10 s-1. Le comportement biréfringent est reporté. Les flèches bleues

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petites que celles balayées par le SAXS de laboratoire à IFPEN. De plus, le faisceau étant très brillant, la résolution temporelle est de l’ordre de la milliseconde ce qui nous permet de décrire des phénomènes extrêmement rapides.

3.3.2.1. Montage et échantillons analysés

Ligne de lumière et cellule de cisaillement

La figure 3. 15 présente l’intérieur de la ligne de lumière expérimentale équipée du rhéomètre (MCR 501 Anton Paar) intercalé entre l’arrivée du faisceau et le détecteur. La distance détecteur-échantillon est fixée à six mètres et la longueur d’onde du faisceau est de 0,11 nm.

La cellule de cisaillement a été spécialement conçue par Anton Paar dans le cadre d’une étude menée par l’équipe de M. Impéror-Clerc [154, 155] pour réaliser des expériences de rhéo-SAXS sur SWING. Cette cellule est de type Couette ou cylindres coaxiaux et de petite dimension (remplissage de 1,2 ml d’échantillon). Elle est constituée d’un rotor creux qui tourne à l’intérieur d’un stator fixe. Le rotor et le stator sont tous les deux en polycarbonate, transparents aux rayons X et compatibles avec nos solvants. Le rayon du rotor est de 9,75 mm et du stator de 10,25 mm permettant un entrefer de 500 µm (figure 3. 16 inspirée du schéma de [154, 155]). On définit le référentiel du laboratoire par xyz.

Le vrai atout de ce montage est de pouvoir effectuer simultanément des mesures rhéologiques d’une suspension en écoulement et des mesures de l’organisation des particules colloïdales dispersées dans différents solvants suivant différentes directions de vorticité.

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Figure 3. 16 : Schématisation de la cellule de cisaillement et des configurations radiale et tangentielle (inspirée de[154, 155]). Les flèches bleues indiquent le sens de l’écoulement (lignes de vitesse), la direction

perpendiculaire étant le gradient de vitesse.

Echantillons étudiés

Trois systèmes ont été étudiés : la boehmite dispersée dans l’eau, l’éthanol et le tert-butanol. Pour chacun de ces systèmes, six concentrations différentes ont été préparées. Dans le tableau 3. 1, nous avons testé les suspensions n° 2, 4, 5, 10, 14, 18 pour le système « eau », 1, 3, 4, 9, 11, 14 pour le système « éthanol », et 4, 6, 9, 11, 13, 14 pour le « tert-butanol » (fractions volumiques repérées *). L’échantillon (1,2 ml) est placé dans l’entrefer. Pour éviter l’évaporation de l’échantillon, une couronne de solvant faite sur mesure est installée autour de la cellule permettant la saturation de l’air en solvant (utilisée pour l’éthanol, qui est plus volatil).

Protocole de l’expérience

Après introduction de l’échantillon dans la cellule, les acquisitions SAXS et rhéologique (logiciel Rhéoplus) sont démarrées et synchronisées manuellement. Un cisaillement de 3000 s-1 est tout d’abord imposé suivi de six paliers de cisaillements décroissants jusqu’à 10 s-1 et trois paliers croissants de 10 s-1 à 3000 s-1 (figure 3. 17). Le cisaillement est ensuite stoppé et l’acquisition des spectres poursuivie pour observer la relaxation. La relaxation n’est pas présentée ici car il semble que l’inertie du rhéomètre lors de l’arrêt de celui-ci fausse les observations. Chaque palier de cisaillement dure trois minutes, pendant lesquelles dix acquisitions en radial et en tangentiel sont réalisées pour tirer un maximum d’informations sur l’organisation microscopique des échantillons. C’est-à-dire que le faisceau est focalisé sur le centre de la cellule (position radiale) puis le rhéomètre est déplacé de façon à ce que le faisceau ne traverse plus le rotor pour décrire un autre axe de vorticité (position tangentielle) (figure 3. 16). En radial, le faisceau incident traverse la cellule perpendiculairement aux lignes de vitesse, et est donc dans la même direction que le gradient de vitesse appliqué à l’entrefer. En tangentiel, le faisceau parcourt la cellule parallèlement au sens de l’écoulement et donc perpendiculairement au gradient de vitesse.

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Figure 3. 17 : Taux de cisaillement imposés pour une expérience de rhéo-SAXS sur un échantillon

3.3.2.2. Procédure de traitement des données SAXS

Une figure de diffusion ou pattern représente l’intensité diffusée en y et z sur le détecteur 2D. Lorsque l’objet observé est isotrope, le pattern est également isotrope (figure 3. 18 a). Pour tracer la courbe de l’intensité diffusée en fonction du vecteur d’onde q, on peut donc prendre la moyenne de l’intensité radiale diffusée sur 360°. La courbe relative à l’intensité diffusée en radiale est inférieure à celle relative à la position tangentielle car il y a plus d’épaisseur à traverser en radiale et une partie du rayonnement est absorbée par la matière. Les objets anisotropes quant à eux produisent des figures de diffusion anisotropes suivant l’horizontale ou la verticale (figure 3. 18 b). Pour rendre compte de cette anisotropie, on ne peut donc plus se contenter de faire la moyenne de l’intensité sur 360°, il est nécessaire de sectoriser la figure de diffusion en plusieurs petits domaines. Dans notre cas, nous avons sectorisé la figure de diffusion en faisant la moyenne angulaire sur 72 tranches de 5°. Puis, les courbes d’intensité diffusée à 90° (haut) et 180° (gauche) en fonction du vecteur d’onde sont tracées. Dans le cas d’un objet isotrope, les courbes « haut » et « gauche » se superposent en radial et tangentiel (figure 3. 18 a). En revanche, dès que la figure de diffusion devient anisotrope les courbes « haut » et « gauche » se séparent en radiale et/ou tangentiel (figure 3. 18 b). La croix sombre sur les figures de diffusion (visible ici sur les patterns en radial de la figure 3. 18) correspond au raccordement des quatre zones du détecteur. La zone noire oblique dans le quartier en haut à droite correspond au « beam stop », placé au centre du détecteur pour le protéger du faisceau direct et permet de mesurer le faisceau transmis. La remontée de l’intensité diffusée observée à petites valeurs de q en tangentiel à

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180° est attribuée à une diffusion parasite due au bord de cuve car la taille du faisceau est proche de la taille de l’entrefer.

Afin d’obtenir l’intensité diffusée propre aux particules, une moyenne est faite sur les dix images, corrigées de la transmission, du temps d’acquisition, de l’angle solide. Un masque est ensuite appliqué pour enlever la contribution du beamstop, puis le signal de la cuve remplie de solvant pur est soustrait.

Le traitement des données SAXS a été réalisé en collaboration avec le Laboratoire Interdisciplinaire des Environnements Continentaux (LIEC) de Nancy.