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1. BASES VERBALES PROPRES À L’IMPÉRATIF

1.1 DESCRIPTION ET INTERPRÉTATION DES BASES IMPÉRATIVES AI- ET SOI-

L’ancien français, prenant le relais du latin où ces tournures étaient devenues courantes, a maintenu l’emploi du subjonctif en proposition indépendante, avec des effets de sens s’apparentant à l’injonction, au souhait80. Toutes ces tournures, assez diverses, ne relèvent pas de notre étude. Cependant, de façon à établir précisément la continuité systématique dont les bases impératives ai- et soi- sont le signe dans la langue, nous nous intéresserons ici préalablement à un cas particulier de ces tours. Il s’agit des propositions indépendantes à la troisième personne engageant le plus souvent le sujet « Dieu » et un verbe transitif direct ou indirect au présent du subjonctif. Ces formules de sens optatif sont bien attestées et relativement variées en ancien français ; en voici trois exemples, tirés respectivement des trois premières coupes synchroniques de notre période :

Roland, 3358 Dient Franceis : « Damnedeus nos aït ! »

Robin, 12, le chevalier à Marion : Bergiere, Diex vous doinst bon jour !

Ovide 531, Jason à Médée : Si gart Dieux mon cors de meschief / Et si me doinst il traire à chief / Ceste besoigne à sauveté, / Com je sans nulle fausseté / Vous prendrai à feme et à per, / Se Diex vif m’en done eschaper.

80 Martin et Wilmet, 1980, p. 51, caractérisent pour le moyen français le lien entre l’emploi du subjonctif dans des propositions indépendantes et l’effet de sens injonctif ou optatif. Leur analyse peut tout à fait sur ce point être étendue en amont de l’histoire de la langue.

Le sujet « Dieu » apparaît ici sous différentes formes. Ce qui, du strict point de vue linguistique, nous semble fonder essentiellement la possibilité qu’il apparaisse comme sujet dans de telles formules, ce n’est pas tant son nom ou son identité, qui peuvent varier, que sa qualité universellement reconnue, dans l’univers de croyance considéré, de garant de l’efficacité pragmatique de la formule. D’autres personnages ou puissances spirituelles peuvent à l’occasion remplir ce rôle pragmatique de garant, et, par suite, la fonction syntaxique de sujet dans ces formules. En vertu de la nature référentielle du prédicat verbal au subjonctif, événement sur lequel la volonté humaine individuelle n’a pas de prise, et dont par conséquent, dans l’univers de croyance médiéval, seule une puissance surnaturelle peut décider, nous pouvons toutefois induire que l’ensemble de ces garants possibles est fortement déterminé et limité en langue même. La théologie médiévale, qui distingue absolument le Créateur des créatures, le monde invisible du visible81, s’incarne donc en quelque façon dans la langue.

A l’intérieur de l’ensemble des substantifs désignant en ancien français un être animé (pourvus du trait structural <+A>), convenons donc d’isoler ceux qui peuvent en effet assumer la fonction de sujet dans ces formules optatives à la troisième personne : nous dirons qu’ils sont pourvus du trait <+G>, trait qui les rend aptes en langue, et dans l’univers de croyance propre à cette époque, à être considérés comme les garants/sujets de telles formules, parce que l’être auquel il réfèrent est très littéralement pensé comme l’auteur possible de l’événement qu’exprime le prédicat verbal. Ainsi, « Dieu » ou « l’aversier » (le Diable) sont pourvus en ancien français du trait <+G>, alors que « Roland », « une bergiere », sont eux absolument dépourvus de ce trait, et ne peuvent remplacer de façon pertinente les substantifs <+G> dans ces formules.

Une étude particulière pourrait certainement montrer que ces propositions indépendantes engageant un sujet <+G> et un verbe transitif au subjonctif sont également bien représentées en amont dans l’histoire de la langue, en latin, en proto-français. Nous en voulons seulement pour preuve un indice tiré de l’un des textes les plus anciens de notre corpus, Li quatre livre des Reis, traduction en ancien français de la Vulgate. Voici la version latine d’une parole que Saül adresse à Jonathan, suivie de sa traduction en français du XIIe

siècle :

Liber primus Samuhelis XIV, 44, et ait Saul haec faciat mihi Deus et haec addat / quia morte morieris Ionathan

Reis XIV, 44, Respundi Saül : « Icel mal vienge sur mei ki venir deit sur tei, si tu n’en muerz, dan Jonathas ! »

Nous tirons de ce simple exemple deux enseignements. D’une part, ce genre de propositions indépendantes optatives à sujet <+G> et à verbe au subjonctif est en effet attesté en latin chrétien du Ve

81

Duby, 1996, p. 319 à 347 précise en historien comment cette distinction proclamée dans le Credo a pu fonder très précocement, dans la mentalité médiévale, un réseau d’analogie et d’harmonie.

siècle, au moins sous la plume de Saint Jérôme. Qu’il ait ou non été attesté auparavant dans la langue latine classique, il répond en tout cas au besoin de traduction non seulement d’imprécations comme celle-ci82

, mais aussi de bénédictions ou malédictions bibliques, récurrentes83 dans le texte hébraïque dont disposait Jérôme pour établir la version latine. D’autre part, on peut remarquer que l’ancien français ne traduit pas explicitement, dans cette occurrence, le sujet <+G> « Dex », ce qui tendrait à confirmer son statut particulier en langue : le garant pragmatique de l’imprécation est de référence si évidente qu’il en vient à être sous-entendu.

L’étude thématique que J. Trenel a consacré, sur une très large diachronie, au « rôle de l’élément biblique dans l’histoire de la langue des origines au XVe siècle »84 tâche d’étayer de façon générale l’hypothèse d’une influence lexicologique précoce et durable des différentes manifestations cultuelles et culturelles médiévales du texte biblique sur la langue vernaculaire. Il est en particulier hautement probable que ce type de formules optatives est devenu (ou resté) vivant et fréquent de façon continue pendant tout le Moyen-Age, y compris celui dont nous n’avons pas d’attestation écrite. Le statut culturel du texte biblique, son emploi liturgique universel dans l’Occident latin permettent d’induire que ces formules ont pu être assimilées de façon continue par les langues vernaculaires filles du latin (ce qui limitait les efforts de transposition), ou, du moins, si elles n’en sont pas l’origine unique, qu’elles les y ont accompagnées très favorablement, et en ont, pour une part, permis le développement. Cette hypothèse s’accorde au moins avec l’attestation statistique incontestable de ce genre de formules dans les contextes d’énonciation les plus banals (et non spécifiquement religieux) de l’ancien français classique (XIIe et XIIIe siècles).

Ces formules ont tout à fait pu se maintenir inchangées au sein d’une langue qui évoluait par ailleurs. Elles sont, par essence, conservatrices. L’on pourrait prendre comme argument d’appoint le cas de l’évolution diachronique d’un langue comme l’arabe sur, non plus sept, mais quatorze siècles. L’arabe nous est en effet une illustration vivante et incontestable de la possibilité linguistique d’une permanence continue, fortement attestée, et de la sécularisation de ce genre de formules optatives engageant un sujet <+G>. Des énoncés comme « Allah sallâm ealak » (« Dieu te garde, te protège »), ou encore « Allah hôd bétak », (littéralement : « Dieu prenne ta maison », le sens moderne est celui d’une désapprobation affaiblie, souvent

82 La Bible de Jérusalem, 12è éd., Paris, Editions du Cerf, 1988, signale dans une note à propos de Ruth, I, XVII, p. 309 toutes les occurrences dans le texte biblique de cette même formule : « C’est la formule du serment imprécatoire, cf. Nombres 5, 21 ; 1

Samuel 3, 17 ; 14, 44 <notre occurrence> ; 20, 13 ; 25, 22 ; 2 Samuel, 3, 9 ; 3, 35 ; 19, 14 ; 1 Rois, 2, 23 ; 2 Rois, 6, 31. En le

prononçant, on précisait les maux qu’on appelait sur la personne visée, mais, l’efficacité des malédictions étant redoutable, le narrateur use pour les rapporter de cette formule indéterminée. »

83 Citons simplement les formules neutres du type « Dieu te bénisse » dans des contextes aussi variés que Genèse 28, 3,

Nombres, 6, 24, Ruth, 2, 4, Psaume 67, 8, Jérémie, 31, 23.

84 Trenel, 1904. On se reportera en particulier aux p. 37 à 58 dans l’introduction de cette thèse, qui évoque très généralement les expressions bibliques passées dans la langue courante, ainsi qu’aux p. 268, et 318-320, où certaines expressions au subjonctif engageant <+G> sont relevées en diachronie.

même amusée, envers une faute vénielle), sont très courants et vivants aujourd’hui encore dans l’arabe de la rue. Toutes proportions gardées, ils nous donnent une idée de ce que pouvaient signifier pour l’homme du Moyen-Age les formules équivalentes, aujourd’hui rares ou disparues, de l’ancien français.

Or, un énoncé vivant en langue n’est précisément jamais isolé, tant qu’il reste vivant, du reste du système de la langue. Ces formules optatives sont des tournures actives engageant un sujet (<+G>) fortement déterminé. On peut supposer, de la même manière, qu’auront été vivantes et fréquentes, dans toute la période de transformation du latin en français, les différentes tournures passives85 correspondant à ces formules. Or voici, tirées de la coupe synchronique du XIIe siècle, quelques-unes de ces tournures. On reconnaîtra des traductions de la Vulgate, et, pour peu qu’on suive le même raisonnement, pareilles attestations culturellement marquées tendent à confirmer l’hypothèse du maintien continu, du latin au français, de l’usage de ces formules passives :

Reis XV, 13, E cume il vit Samuel, erranment li dist : « Beneit seies tu de nostre Seignur Deu, kar jo ai acumpli sun cumandement »

Perceval 1672, De toz les apostres de Rome / Soiez vos beneoiz, biau sire, / Qu’autel oï ma mere dire. Roland 1045, Seignurs Franceis, de Deu aiez vertut ! / El camp estez, que ne seium vencuz !

La langue marque ici la correspondance entre les tournures optatives actives à la troisième personne engageant un sujet <+G> et ces tournures passives à la deuxième personne par la conservation formelle du mode subjonctif86.

Certaines propriétés syntaxiques ou pragmatiques évidentes auraient pu cependant la déterminer à imposer dans ces tournures une base impérative, dérivant directement des étymons es(te), habe(te) : une apostrophe est le plus souvent adjointe au syntagme verbal ; la situation est celle d’une interlocution stricte, ce qui induit formellement une deuxième personne. Tous ces faits semblent indiquer que ces formules instituent elles-mêmes le sujet de leur procès. Ces tournures se distingueraient donc essentiellement de leurs équivalents optatifs actifs à la troisième personne évoqués plus haut.

85 Nous préférons parler de « tournure passive », c’est-à-dire d’un type de construction qui concerne la phrase entière, plutôt que de « passif » ou de « voix passive », termes qui laissent entendre d’une part que le phénomène ne recouvrirait qu’une simple flexion verbale, et, d’autre part, qu’il existerait systématiquement une équivalence bijective entre « actif » et « passif ». Sur cette question , voir Riegel, Pellat, Rioul, 1994, p. 433 à 444.

86 Pope, 1934, p. 299, qui semble considérer que la forme de subjonctif P3 seit d’ancien français dérive de la forme latine sit, justifie précisément la résistance de cette forme à la réfection analogique (qu’auraient subie exclusivement les autres termes du paradigme, < siam, sias, etc.) par le fait qu’elle « figures most frequently in speech, mainly on account of its use in imprecation and blessing (benedictus, maledictus sit !...) ». Nous sommes tout à fait en accord avec cette dernière remarque, mais nous ne saurions suivre l’auteur lorsqu’elle en induit, de façon assez mystérieuse, une différence profonde entre les rangs personnels 2 et 3. Des spécialistes postérieurs de morphologie historique comme La Chaussée, 1989, p. 199, ou Zink, 1989, p. 138, considèrent d’ailleurs que l’ensemble du paradigme, sans solution de continuité, dérive d’un paradigme latin reconstruit, siam,

On doit cependant prendre en compte ce qui rapproche ces formules de la prédication : ce sont des bénédictions ou des malédictions, elles s’apparentent donc, pour l’effet de sens, à une prédication, même si le repérage chronologique en reste imprécis, entre présent immédiat et avenir lointain. Ce caractère modal hybride a sans doute empêché la langue de décider tout à fait en imposant de façon exclusive les morphologies génétiques d’impératif dans ces formules : à la différence des formules-sources actives, ces tournures passives ne sauraient être classées de façon exclusive dans l’une ou l’autre modalité de phrase, institution ou prédication.

Les deux bases subjonctives ai- et soi- sont donc ainsi devenues assez tôt, et très probablement continûment depuis le latin, aptes à traduire des énoncés pour lesquels la distinction institution/prédication n’a plus cours. Ces formules sont tout autant impératives que subjonctives. Leur statut modal est hybride. La langue ne leur a imposé de garder une forme subjonctive que parce qu’elle traduisent en diathèse passive ce qu’un subjonctif de souhait exprimait en diathèse active. Si l’on admet, comme nous avons essayé de le démontrer, que leur emploi continu, parallèle à celui des formules actives, a accompagné l’évolution du latin au français, force est alors de voir dans cet emploi l’une des causes syntagmatiques les plus probables de la morphologie subjonctive des bases impératives des deux verbes être et avoir.

A partir du moment où la morphologie subjonctive a été adoptée dans ce genre bien particulier de formules, elle a pu, en amont de notre diachronie d’étude, s’étendre à tous les cas où le procès qu’ont à exprimer être ou avoir n’engage pas la participation active et volontaire du sujet grammatical : là encore, la concurrence des bases impératives étymologiques latines n’était pas suffisante, et le principe d’économie paradigmatique a pu imposer ai- et soi-, déjà disponibles, dans tous ces cas plus généraux. Les bases ai- et

soi- se seraient ainsi étendues progressivement, à partir de ces propositions indépendantes « passivées »,

situées en deçà de la distinction institution/prédication, aux propositions indépendantes passives pour lesquelles la restitution d’une équivalence active n’est plus nécessairement possible. Un fait statistique observable sur notre corpus vient selon nous étayer cette hypothèse : au XIIe siècle, parmi toutes les formules indépendantes engageant ai- ou soi- , que la mention de l’argument <+G> y soit ou non explicite, celles qui expriment une réelle participation volontaire du sujet grammatical au procès sont encore très minoritaires. Cette situation évoluera en diachronie, mais il est par conséquent probable que ce sont bien les tours passifs qui ont fini par imposer et fixer à époque prélittéraire la morphologie subjonctive des paradigmes impératifs d’être et avoir dans la langue en général.

A partir de cette hypothèse explicative de l’emprunt précoce et continu par la langue d’une morphologie de subjonctif pour former le paradigme impératif de ces deux verbes, nous allons maintenant nous attacher en continuité aux autres occurences des bases impératives ai- et soi-, passives ou non, dans

la coupe synchronique du XIIe siècle. Nous commenterons aussi l’appariement de ces deux bases impératives dans l’histoire de la langue, que nous n’avons jusqu’ici fait que constater.

La diversité des garants était remarquable dans les occurrences précédentes : devenus dans chacune de ces phrases compléments facultatifs, ils conservaient toutefois le trait <+G> caractéristique. Dans les occurrences suivantes, comme dans la traduction d’imprécation de Reis citée plus haut, le garant <G+>, de référence évidente, n’apparaît plus en surface. On peut considérer qu’il est sous-entendu :

Adam 844 Tunc minabitur Figura serpenti, dicens : E tu, serpent, soiez maleit !

Perceval 723, Li vaslez par la main la prant, / A force le doi li estant, / Si a l’anel an son doi pris / Et le suen doi meïsmes mis, / Et dit : « Pucele, bien aiez ! »

Reis XXV, 33 Respundi David : « Benéit séit nostre Sire, ki Deus est de Israel, ki te enveiad ui encuntre mei, é benéite seit ta parole. E beneite seies tu ki guarid m’as que sanc n’espande a cest jur é que venjance n’en prenge de tun seignur. »

Dans toutes ces formules « passivées »87, la langue utilise comme support le verbe être, mais aussi le verbe avoir, dans la mesure où son sujet peut ne représenter qu’un simple site88. Les deux types de tournures, celles qui engagent ai- et celles qui engagent soi-, sont tout à fait parallèles syntaxiquement. L’on connaît la caractérisation convaincante qu’Emile Benveniste a su donner de la complémentarité lexicale générale de ces deux verbes89. Cette complémentarité ou cette commutabilité s’exerce de façon privilégiée en discours dans des phrases simples qui engagent soit être soit avoir sous aspect inaccompli90 : Jean Dubois, qui s’y est intéressé pour le français moderne signale ainsi la correspondance sémantique de structures comme :

1 il est (très) assoiffé il a (très) soif

il est assoiffé de vengeance il a soif de vengeance 2 il n’a pas de ressources il est sans ressources

3 il est spirituel il a de l’esprit

87 Nous maintenons une certaine réserve critique quant à l’emploi de ce terme : la « transposition passive » n’est pas a priori le fait conscient du locuteur, mais seulement une possibilité qu’offre la langue. Les formules « passivées » ne sont donc ainsi désignées que par commodité, pour les distinguer, au sein de l’ensemble plus large des formules passives, comme celles auxquelles on peut en effet faire correspondre une formule active.

88 Moignet, 1980, p. 106, distingue, parmi les verbes transitifs, entre « ceux dont la sémantèse s’apparente à celle d’avoir » et dont le « sujet est un site », et « ceux dont la sémantèse s’apparente à celle de faire, et dont le sujet peut être tenu, proprement, pour un agent. ». Il précise p. 104 que cette notion de « site », qui traduit l’une des propriétés sémantiques les plus abstraites de la fonction sujet, est empruntée à la thèse de J.-C. Chevalier, Verbe et phrase ; essai sur la voix en français et en espagnol, 1978.

89 Benveniste, 1966, p. 198-199.

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Nous examinerons, à la fin de cette description des bases impératives ai- et soi-, leur rôle sous aspect accompli, comme auxiliaires d’aspect.

4 cette pièce est bien éclairée cette pièce a un bon éclairage91

Nos tournures passivées d’ancien français semblent bien constituer un cas particulier de cette correspondance plus générale. Plusieurs points communs sont en effet repérables, qui fondent l’appariement des deux bases et leur capacité commune à traduire ces formules passives. Une analogie s’exerce ainsi directement entre la complémentation attributive de la base soi- et la complémentation transitive de la base

ai-. Ce complément direct reste dans l’un et l’autre cas très contraint sémantiquement, et l’on voit que l’élément axiologique explicite bien ou mal, qu’il soit lexicalement autonome ou engagé comme affixe dans un autre mot (beneit), en fait souvent partie explicitement.

On rencontre en ancien français d’autres formules passives engageant les bases soi- ou ai-, en particulier dans diverses expressions qui résultent d’une composition :

Adam 566 le diable à Eve : Manjue le, n’aiez dutance !

Guillaume 1562, Quant li vilains ot et entent / Que li enfes si doucement / Connoist les biens qu’il li a fais, / Se li dist : « Or soiés en pais, / Biax fix, que je vos i menti. / Lués maintenant me repenti / Que jou euc le mençoigne dite ; / Mais bien me devés clamer cuite, / Por çou que jou estoie iriés. / Vos n’en estes point empiriés / De cose que dite vous aie, / Car cols de lange ne fait plaie. / Soiés en pais, si remanés / Entour moi, et si aprenés / A gaaignier si com jou fis. »

Reis XII, 3 le peuple à Samuel : Quites estes é quites sééz.

Dans ces tournures passives, où le sujet ne représente qu’un simple site du procès, on peut encore considérer qu’il y a appariement par la langue des deux bases ai- et soi-. Le dernier cas correspond davantage à un emploi sémantiquement intermédiaire où le sujet tend à devenir l’agent volontaire du procès.

Nous devons signaler, dans la coupe synchronique suivante du XIIIe siècle, un exemple de morphologie génétique pour avoir dans ce type de tours :

Lancelot 52, Sire, fait li traïtes, n’avez garde, car ge an penserai mout bien.

Nous voyons dans l’existence d’une telle exception l’indice que l’analogie morphologique s’est bien