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Description des spectres d’impédance du système acier–béton

CHAPITRE I : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE

IV. TECHNIQUES D’ETUDE DE LA CORROSION DES ACIERS DANS LE BETON

IV.3 I MPEDANCE ELECTROCHIMIQUE DE L ’ INTERFACE ACIER BETON

IV.3.4 Description des spectres d’impédance du système acier–béton

Le spectre normal d’impédance d’un système acier-béton présente quatre zones (trois zones au minimum) distinctes sur une gamme de fréquence de 1 MHz à 1 mHz. (Figure I. 37)

Figure I. 37. Diagramme d’impédance de système acier béton selon Scuderi et al [115] a . Interprétation du demi-cercle à haute fréquence

A haute fréquence (f >1 KHz), un premier demi-cercle se forme, l’arc C dans la Figure I. 37, (ou 2 demi-cercles, les arcs C plus D). Il(s) définit les propriétés du béton [115, 116, 117] avec une capacité de faible valeur de 10-8 à 10-11 F [116].

Un spectre d’impédance à haute fréquence peut fournir les données physiques de microstructure suivantes :

- les deux points, R0 et Rb, d’intersection du demi-cercle avec l’axe réel ;

- la fréquence Wmax et la capacité pour lesquelles la partie imaginaire de l’impédance est maximale ;

- l’angle de dispersion Ө, qui représente la nature hétérogène du matériau, dont la valeur varie entre 0.7 et 0.9 pour les matériaux cimentaires [118, 119].

La détermination de la valeur exacte de R0 est très difficile car les appareils utilisés ne permettent pas de monter à très hautes fréquences (> 40 MHz). Des études [120, 121] ont proposé d’assimiler R0 à la résistance totale équivalente de la phase liquide et de la phase solide.

La résistance de la phase liquide est très petite par rapport à celle de la phase solide, donc on peut considérer que R0 est lié à la conductivité ionique de la solution interstitielle du réseau capillaire et à la porosité du milieu considéré [122, 123] par la relation :

R0 = К[1/(1-φ)σs] (45)

Où К = L/A (avec L épaisseur de béton et A la surface de l’acier), φ est la porosité du milieu poreux et σs estla conductivitéde la solution interstitielle. Cette formule est valable seulement pour les éprouvettes en forme de prisme droit.

On peut représenter la microstructure du béton selon l’illustration de la Figure I. 38 [117]. On peut distinguer trois phases : continue conductrice (CCP), discontinue conductrice (DCP) et la phase isolante (ICP).

Figure I. 38. Représentation schématique de microstructure de béton, d’après [117] La phase CCP représente la structure de micro-pores qui pourrait être en série avec les cavités capillaires interconnectées. La phase de DCP est formée par les micro-pores discontinus qui sont bloqués par les couches de C-S-H du béton (points de discontinuité DP). La matrice de ciment continue, composée de particules de pâte de ciment, agit comme la phase ICP isolante du béton.

La microstructure du béton peut être simplifiée, comme sur la Figure I. 39 dans laquelle les parties blanches représentent les pores et les parties noires la pâte de ciment et les granulats. Le rapport des aires blanches à l’ensemble des aires blanches et noires représente la porosité du béton φ.

Figure I. 39. Microstructure simplifiée de béton [117]

Les caractéristiques typiques des spectres d’impédances à des fréquences supérieures à 100 kHz, (Figure I. 39),peuvent être commentées [116, 120, 124] :

- avec le temps d’hydratation, Rb augmente énormément tandis que R0 augmente légèrement ;

- dans le cas de matériaux peu poreux, le demi-cercle capacitif de diamètre Rb apparaît beaucoup plus tôt. Ainsi Rb est plus grand pour les matériaux contenant la fumée de silice ;

- Cb diminue avec le temps d’hydratation ;

- R0 et Rb diminuent avec l’épaisseur de l’éprouvette. Si l’épaisseur de l’éprouvette diminue beaucoup, le demi-cercle caractérisé par Rb peut disparaître ;

- Rb est inversement proportionnel au rapport E/C ;

SONG a présenté les comportements montrés sur les Figure I. 38 et Figure I. 39, en s’appuyant sur ce diagramme typique d’impédance, Figure I. 40, de la façon suivante :

- l’hydratation de ciment, au contact de l’eau, est le processus par lequel le ciment devient un gel de C-S-H, L’expansion ou croissance du gel de C-S-H bloquerait la phase CCP, limiterait la phase DCP et augmenterait les DP. Tous ces changements pourraient augmenter la résistance des phases CCP et CP, ce qui conduirait à une augmentation de Rb et R0 avec le temps d’hydratation ;

- au début d’hydratation (premières heures), les particules de ciment ne sont pas suffisamment hydratées et leur expansion n’est pas assez importante. Tous les espaces entre particules sont remplis par l’eau, c'est-à-dire que la pâte de ciment est constituée essentiellement de la phase CCP et pratiquement pas de la phase DCP. Dans des bétons de faible porosité, quelques phases de CCP pourraient être rapidement

bloquées par des DP en se transformant en phases DCP. Un arc se formerait rapidement dans le processus d’hydratation ;

- la fumée de silice entre dans les micro-pores de la pâte de ciment. Ceci pourrait diminuer la porosité de la pâte de ciment et la résistance de CCP pourrait alors augmenter, en augmentant aussi Rb ;

- avec l’avancement de l’hydratation, de nouveaux DP se produisent et augmentent d’épaisseur. Ce comportement fait diminuer la capacité des DP, lié à Cb qui diminue avec le temps d’hydratation ;

- la résistance de la phase CCP et la résistance de la phase CP augmentent avec l’augmentation de l’épaisseur d’éprouvettes (L), et en conséquence, Rb et R0 augmenteront ;

- un rapport E/C élevé conduit à une porosité élevée, donc la résistance de la phase CCP et Rb pourraient diminuer avec l’augmentation de rapport E/C.

Figure I. 40. Diagramme typique d’impédance selon Song. [117] (fréquences > 100 KHz) b . Interprétation du demi-cercle aux fréquences intermédiaires

Un deuxième demi-cercle pourrait se produire aux fréquences intermédiaires (1 Hz < f < 1 KHz), l’arc B dans la figure I.37. Il y a plusieurs théories pour expliquer l’origine de ce demi- cercle.

Une étude effectuée par John et al, [105] a démontré que l’origine de ce demi-cercle était liée à la formation et à la croissance d’un film à la surface d’acier sans avoir précisé la nature de ce filme. Selon Wenger [116] et Zhang [125] ce film est un film passif à la surface de l’acier. D’autres études [126, 128] ont montré que ce demi-cercle ne pourrait se former que dans le cas où la surface d’acier était recouverte des produits issus du processus de corrosion.

L’apparition de ce demi-cercle selon les deux dernières études serait donc la conséquence de l’initiation de la corrosion et l’évolution des propriétés de la couche issue des produits de corrosion.

Par contre, Ford [7] a observé ce demi-cercle en effectuant des expériences sur un acier immergé dans une solution basique sans Ca(OH)2 et où les produits de corrosion sont absents.

Ford a relié l’apparition de ce demi-cercle à la capacité de la double couche électrochimique à la surface d’armature et au processus de transfert de charge et au processus de diffusion des ions en solution. Ce demi-cercle caractérise alors un processus électrochimique (résistance au transfert de charge / double couche électrochimique) qui se développe à l’interface acier- béton. Les valeurs de la capacité du spectre d’impédance sont de l’ordre de quelques µ F/cm². c . Interprétation du demi-cercle aux basses fréquences

Un troisième demi-cercle apparaît aux basses fréquences (f < 1Hz) [129, 130], l’arc A dans la figure I.37. Il existe encore des divergences concernant la gamme de fréquences nécessaire pour l’apparition de ce demi-cercle. Des chercheurs [106, 125, 127] estiment que les effets d’électrode apparaissent seulement à partir d’une fréquence inférieure à 10 Hz.

Néanmoins, le domaine de basses fréquences correspond aux phénomènes qui se développent à l’interface acier-béton [121, 130], la valeur de la capacité dans ce domaine est supérieure à 10-4 F/cm² [133]. Dans ce domaine de fréquence, l’épaisseur de béton d’enrobage n’a pas une vraie influence sur la réponse d’impédance [115, 116].

Wenger [116] a montré que le béton d’enrobage, qui peut ralentir la vitesse de diffusion des espèces réactives telles que l’oxygène et les ions chlores, perturbe la cinétique des réactions électrochimiques. D’autres explications ont été apportées par Ford [7] qui a précisé que des modifications sur la réponse d’impédance pourraient être dues à la réduction de la surface effective de l’acier au contact de la solution aqueuse.

La dimension et la taille de ce demi-cercle sont associées aux conditions de surface de l’armature étudiée :

- l’acier est à l’état passif.

- l’acier est à l’état actif. Acier à l’état passif

Le premier cas est caractérisé par un demi-cercle de grande dimension [130, 131] et peut être assimilé à un processus unique de la relaxation [132, 133]. Wenger a proposé qu’on puisse

caractériser le demi-cercle de grande dimension par deux demi-cercles. Le premier demi- cercle correspond au domaine de fréquences les plus élevées (de 10 à 1 Hz). Il est attribué au processus de relaxation lié à la capacité de la double couche électrochimique. Le deuxième demi-cercle correspond au domaine de fréquences les plus basses. Il est lié à l’influence de la relaxation du taux de recouvrement de l’adsorbât passivant de l’acier étudié. D’ailleurs, Wenger constate que l’application d’un troisième demi-cercle dans les domaines des fréquences inférieures à 10 mHz, qu’il assimile à un segment de droite linéaire formant un angle de 45° avec l’axe des réels dans les diagrammes d’impédance (Nyquist). Il attribue cette réponse aux processus de diffusion de l’oxygène à l’interface acier-béton.

Wenger propose de lier le courant de passivation à la résistance de polarisation Rp, correspondant au diamètre du cercle, selon la relation :

Ip = (RT/2αcF)*(1/Rp) (46)

Où : F est la constante de Faraday (96500 C/mol), R la constante des gaz parfaits (8.314 J/mol.K), T la température absolue de l’expérience (K) et αc le coefficient de transfert de la réaction cathodique. Wenger a proposé une valeur de αc de 0.5.

D’autre part, Andrade et al [134] montre que le demi-cercle à très basse fréquence pourrait être associé à un processus de passivation à la surface de l’acier avec formation d’un couple d’oxydation – réduction de Fe2+ à Fe 3+ suivant la réaction :

3Fe3O4 ↔ 4γ Fe2O3 + Fe 2+ + 2 e-

Ce demi-cercle sera alors associé aux transformations du film passif.

Ford [7] a confirmé cet hypothèse, en estimant à partir de la réponse d’impédance, un ordre de grandeur de l’épaisseur de la couche d’oxyde eoxyde (d’environ 5 nm) et de la résistivité ρ (de

1012 Ω cm), selon les relations suivantes :

eoxyde = εr ε0 A/ C et ρ = RA/eoxyde (47)

Où : R est la résistance et C la capacité obtenues à partir du spectre d’impédance (diagrammes de Nyquist), A la surface d’acier, εr la constante diélectrique du milieu étudié et ε0 la constante diélectrique du vide.

Acier à l’état actif

Dans ce cas, la présence des ions chlores à la surface de l’acier joue un rôle très important en influençant la réponse d’impédance et en modifiant les mécanismes mis en jeu.

Afin de simplifier l’analyse de réponse à basses fréquences, des chercheurs [135, 136] ont associé la limite de basses fréquences du demi-cercle sur l’axe réel à la résistance de polarisation. Le courant de corrosion Icorr peut alors être estimé à partir de l’équation de Stern- Geary en supposant une corrosion uniforme de l’acier

Icorr = B/Rp

Où B est un paramètre dépendant des pentes de Tafel.

Les diamètres de demi-cercle dans le cas où l’acier est en état passif pourraient se déformer suite à la présence de chlorures sur la surface d’acier. Une diminution de diamètre peut être observée en fonction de temps d’exposition à la solution chlorée [5, 136].

Wenger propose d’associer Icorr au diamètre du premier demi-cercle caractérisant un processus de transfert de charge et Icorr sera inversement proportionnel à la résistance au transfert de charge selon la relation :

Icorr = K’/Rt (48)

Où K’ est un paramètre empirique, équivalent à un potentiel, dont l’ordre de grandeur varie entre 30 mV et 80 mV [130, 137].

Les courants de corrosion calculés à partir de la dernière relation sont plus grands que ceux calculés à partir de la relation de Stern-Geary, ce qui confirme l’hypothèse de Andrade [134] qui estime que les valeurs de Icorr obtenues de la relation de Stern-Geary sont très faibles. Ainsi, l’application de la relation de Stern-Geary suppose une corrosion uniforme à la surface d’électrode. Or, dans le cas de la corrosion d’acier dans le béton, la corrosion est localisée par piqûres. D’autre part, Andrade [138] confirme aussi que les valeurs des vitesses de corrosion déduites de la valeur de Rp (prise dans un spectre d’impédance) sont très faibles par rapport à celles mesurées par la méthode de perte de masse.

Selon Gu et Beaudoin [139], les données obtenues à partir d’un spectre d’impédance, et particulièrement la résistance de polarisation, permettent seulement d’avoir une caractérisation qualitative de la sévérité de corrosion de l’électrode étudiée.

Une autre approche d’analyse a été proposée par Hachani et al [128] qui proposent d’associer le paramètre de dispersion de demi-cercle à basses fréquence au degré de corrosion à la surface de l’électrode au lieu d’associer la vitesse de corrosion au rayon de ce demi-cercle. Selon eux, l’évolution de ce paramètre est plus en corrélation avec la sévérité de la corrosion à la surface de l’armature que l’évolution du diamètre du demi-cercle à basses fréquences.

Quand les valeurs de dispersion Ө sont supérieures à 0.9 la corrosion est négligeable, alors que quand Ө est inférieur à 0.6 la corrosion est déjà installée. Cette approche reste qualitative et aucune estimation de la cinétique de corrosion ne peut être effectuée.