À diplôme du supérieur donné, des inégalités d’accès à la qualification renforcées par le parcours d’études ?
2. Des trajectoires inclusives dans le système éducatif et sur le marché du travail ?
Tableau 2 ● Trajectoires et indicateurs d’insertion
TP Temps partiel ‐ Tx de Chômage TP CDI Déclassement (1) Salaire
BTS Industrie BTSI_BACGEN 7 % 6 % 64 % 30 % 1 506 BTSI_BACTECH 9 % 3 % 66 % 35 % 1 564 BTSI_BACPRO 9 % 3 % 72 % 38 % 1 584 BTS Tertiaire BTST_BACS 8 % 7 % 66 % 27 % 1 502 BTST_BACES 11 % 13 % 71 % 46 % 1 438 BTST_BACL 15 % 17 % 65 % 47 % 1 417 BTST_BACTECH 11 % 11 % 65 % 52 % 1 345 BTST_BACPRO 11 % 13 % 64 % 53 % 1 402 DUT Industrie DUTI_BACGEN 5 % 6 % 66 % 23 % 1 580 DUTI_BACTECHPRO 10 % 2 % 68 % 25 % 1 558 DUT Tertiaire DUTT_BACS 9 % 9 % 70 % 30 % 1 499 DUTT_BACESL 13 % 12 % 69 % 39 % 1 466 DUTT_BACTECHPRO 15 % 10 % 71 % 39 % 1 462 Lic. pro. Sc. Hum. et soc. LPSHS_DUT 7 % 5 % 69 % 30 % 1 629 LPSHS_BTS_BACGEN 3 % 2 % 75 % 22 % 1 628 LPSHS_BTS_BACTECHPRO 12 % 4 % 79 % 28 % 1 622 LPSHS_BAC 9 % 8 % 62 % 21 % 1 441 Lic. pro. Sc. et Tech. LPSC_DUT_BACGEN 8 % 3 % 81 % 12 % 1 700 LPSC_DUT_BACTECHPRO 12 % 3 % 90 % 7 % 1 751 LPSC_BTS_BACGEN 7 % 5 % 62 % 18 % 1 571 LPSC_BTS_BACTECHPRO 6 % 5 % 77 % 17 % 1 651 LPSC_AUTR 13 % 6 % 62 % 20 % 1 617 Lic. Gén. Sc. Hum. et soc. LGSHS_DUT 11 % 20 % 64 % 41 % 1 359 LGSHS_BTS 11 % 16 % 60 % 32 % 1 466 LGSHS_BACS 12 % 26 % 61 % 27 % 1 374 LGSHS_BACES 12 % 23 % 59 % 31 % 1 329 LGSHS_BACL 10 % 27 % 54 % 31 % 1 304 LGSHS_BACTECHPRO 11 % 20 % 64 % 39 % 1 324 Lic. Gén. Sc. et tech. LGSC_DUTBTS 3 % 8 % 77 % 18 % 1 727 LGSC_AUTR 6 % 19 % 63 % 20 % 1 441 Master. Sc. Hum. et soc. M2SHS_LP 21 % 6 % 70 % 47 % 1 858 M2SHS_AUTR_DUTBTS 8 % 3 % 77 % 42 % 1 961 M2SHS_LG_DUTBTS 7 % 2 % 75 % 45 % 2 023 M2SHS_LG_BACS 11 % 9 % 69 % 36 % 1 921 M2SHS_LG_BACES 8 % 12 % 66 % 41 % 1 886 M2SHS_LG_BACL 12 % 16 % 59 % 46 % 1 677 M2SHS_AUTR_BACS 9 % 6 % 73 % 25 % 2 076 M2SHS_AUTR_BACES 10 % 10 % 72 % 39 % 2 050 M2SHS_AUTR_BACL 12 % 6 % 62 % 46 % 1 754 M2SHS_AUTR_BACTECHPRO 14 % 22 % 60 % 37 % 1 746 Master Sc. et Tech. M2SC_LP 10 % 2 % 81 % 27 % 1 923 M2SC_AUTBAC3_DUTBTS 7 % 2 % 86 % 22 % 2 051 M2SC_LG 10 % 6 % 68 % 33 % 1 912 M2SC_AUTR 6 % 9 % 73 % 30 % 2 195 Ecole de commerce EC_LG_LP 7 % 8 % 88 % 41 % 2 264 EC_DUTBTS 10 % 87 % 40 % 2 247 EC_CPGE 5 % 0 % 94 % 19 % 2 625 EC_AUTR 9 % 2 % 87 % 37 % 2 393 Ecole d’ingénieur ING_DUT 4 % 1 % 90 % 8 % 2 345 ING_BTS 4 % 1 % 88 % 19 % 2 150 ING_M2 1 % 1 % 78 % 12 % 2 312 ING_LG 2 % 88 % 10 % 2 209 ING_CPGE 3 % 2 % 91 % 13 % 2 475 ING_AUTR 5 % 3 % 89 % 13 % 2 238 Source enquêtes Génération 2004 et 2010. Calculs de l’auteur.
Une trajectoire inclusive dans le système éducatif est susceptible de ne pas l’être sur le marché du travail si la ségrégation sociale moindre dans le système éducatif est contrecarrée par une ségrégation à l’insertion. Afin d’aborder cette question, l’ensemble des trajectoires est confronté à la situation sur le marché du travail trois ans après la sortie du système éducatif des jeunes pour chacune d’entre elles. Cinq indicateurs sont retenus : le taux de chômage à la date d’enquête, puis pour les jeunes en emploi, la proportion de temps partiel, de jeunes en contrat à durée déterminée, l’accès à la qualification évalué via une norme de déclassement, et cette fois pour les seuls salariés, le salaire moyen. Les résultats seront commentés par diplôme final et pour chacune des trajectoires répertoriées comme inclusives dans le système éducatif. Tout d’abord pour les BTS industriels, les diplômés de bac professionnel n’ont pas d’écart significatif et important aux autres trajectoires sur tous les indicateurs, ils sont même un peu plus nombreux en proportion en CDI. La trajectoire reste donc inclusive sur le marché du travail. A contrario, pour les BTS tertiaires, les trajectoires bac technologique et bac professionnel se distinguent clairement des autres par un moindre accès à la qualification avec 52 % et 53 % de déclassés, soit au moins 5 à 6 % de jeunes de plus que les autres trajectoires qui n’atteignent pas la qualification de profession intermédiaire ou technicien. À noter que le pourcentage de déclassés pour la trajectoire des diplômés de bac S, plus dotée socialement, est de seulement 27 %. Le salaire est aussi un peu moins élevé pour les deux trajectoires inclusives.
Pour les DUT, les deux trajectoires inclusives du domaine tertiaire qui concerne les détenteurs de bacs ES, L, technologiques et professionnels pour quatre indicateurs sur cinq (excepté l’accès au CDI), la situation sur le marché du travail est nettement plus défavorable que pour la trajectoire des nettement plus dotés socialement (les bacs S). Très clairement, le caractère inclusif de ces trajectoires dans le système éducatif n’est pas confirmé sur le marché du travail.
Pour les licences professionnelles, les trois trajectoires inclusives dans le système éducatif le demeurent sur le marché du travail, seul le taux de chômage des diplômés de licence du domaine de spécialité SHS est un peu supérieur (3 %) à celui le plus élevé des autres trajectoires du même domaine. Il s’agit des parcours BTS ayant un bac général, par ailleurs d’origine sociale nettement supérieure (tableau 1). Globalement la licence professionnelle apparait donc relativement inclusive tant dans le système éducatif que sur le marché du travail.
Pour les sortants de licences générales du domaine SHS les résultats sont contrastés et surprenants a
priori pour les parcours ou figurent un DUT ou un BTS. En effet, les jeunes issus de la filière
universitaire des IUT ont des salaires moyens relativement faibles, à mettre en relation avec un taux de déclassement très supérieur à celui de toutes les autres trajectoires (+9 % au moins). À l’inverse les détenteurs de BTS ont une insertion relative favorable voire parmi le plus favorable sur l’ensemble des critères.
Au niveau master et pour le même domaine de spécialité (SHS) les parcours DUT‐BTS ont une insertion relative favorable, quel que soit le diplôme obtenu à bac+3. Pour les deux autres trajectoires inclusives, pour un indicateur la situation sur le marché du travail est nettement moins favorable que pour les autres parcours. Ainsi, le taux de chômage, trois ans après la sortie du système éducatif, des détenteurs de licences professionnelles diplômés de master SHS est de 21 %, soit très supérieur à celui des autres trajectoires, de +7 % à 14 %, ce dernier écart conséquent étant celui à la trajectoire inclusive master, licence générale DUT‐BTS.
Enfin, concernant les écoles, pour les écoles de commerce, les parcours DUT‐BTS ont un taux de chômage relativement élevé, mais une proximité aux autres trajectoires pour les autres indicateurs. Quant aux écoles d’ingénieur, la situation des détenteurs de DUT sur le marché du travail est quasiment comparable à celle des jeunes passés par une classe préparatoire. En revanche, pour les BTS, la proportion de cadres est relativement faible avec un taux de déclassement de 19 %.
À diplôme du supérieur donné, des inégalités d’accès à la qualification renforcées par le parcours d’études ?
Au final sur 19 trajectoires inclusives dans le système éducatif, 6 ne sont pas discriminantes sur le marché du travail, soit environ un tiers. En revanche, alors que les 19 trajectoires inclusives concernent 1 diplômé de l’enseignement supérieur sur 4, celles qui le demeurent clairement sur le marché du travail ne concernent qu’un peu plus 2 jeunes sur 25 (8 %). Ce qui n’est tout de même pas négligeable.
Conclusion
L’objectif de cette communication était double. Tout d’abord, il s’agissait de montrer qu’à type de diplôme final donné, le parcours d’études est discriminant socialement. Ce constat est de fait avéré. Pour autant, des jeunes des classes populaires concernés par ces parcours n’en obtiennent pas moins des diplômes du supérieur, et de plus en plus au niveau master. Ces trajectoires où dominent ces jeunes peuvent alors être qualifiées d’inclusives, au sens où elles sont un moyen d’accès aux diplômes de l’enseignement supérieur pour ces jeunes, même s’ils demeurent globalement sous‐ représentés. Sur 54 trajectoires présentées dans cette communication parmi 84, 19 s’avèrent inclusives dans le système éducatif. Elles représentent un étudiant sur quatre parmi les diplômés du supérieur.
Ensuite, le second objectif était d’interroger le caractère inclusif de certaines trajectoires sur le marché du travail. À partir de cinq indicateurs d’insertion, il s’avère que 8 trajectoires inclusives sur 19 ne sont pas discriminantes sur le marché du travail à type de diplôme donné. Elles concernent 2 étudiants sur 25. Le bilan est donc contrasté : d’un côté une indéniable relativisation de l’hypothèse inclusive des trajectoires dès lors que l’on prolonge l’analyse sur le marché du travail, de l’autre 2 étudiants sur 25 qui ont pu connaître une ascension sociale dans le système éducatif et sur le marché du travail grâce à une trajectoire spécifique.
Ces résultats demeurent exploratoires à plus d’un titre. La méthode pour classifier les trajectoires inclusives peut sans doute être améliorée. Les trajectoires doublement inclusives peuvent nécessiter que les jeunes concernés soient plus performants dans leur parcours antérieur que les plus dotés socialement dans le contexte de « l’élitisme républicain à la française » associant reproduction sociale et méritocratie (Baudelot & Establet, 2006). Par ailleurs, et surtout dans le détail des spécialités des trajectoires, la démocratisation ségrégative par la spécialité peut relativiser ou amplifier l’effet trajectoire. Enfin, et surtout à caractéristiques individuelles et géographiques, performances scolaires, spécialités détaillées de formation et secteur d’activité donnés, par exemple, la plus‐value à l’insertion de certaines trajectoires inclusives peut être relativisée ou accentuée. Des investigations complémentaires, notamment toutes choses égales par ailleurs, sont donc nécessaires. Dans ce domaine, une première investigation toutes choses égales par ailleurs pour les seuls salaires confirme les résultats descriptifs.
Références bibliographiques
Baudelot, C., & Establet, R., (2009). L'élitisme républicain. L'école française à l'épreuve des
comparaisons internationales. Paris : Éditions du Seuil, coll. « La république des idées ».
Blossfeld, S., Buchholz, J., Skopek, J., & Triventi, M. (eds.), 2016, Secondary Education Models and
Social Inequality: An International Comparison. Cheltenham/Northampton, MA : Edward
Elgar publishers (eduLIFE Lifelong Learning Series, 3).
Brint, S., & Karabel, J. (1989). The Diverted Dream. Community Colleges and the Promise of
Lemistre, P. (2018). Ségrégations et parcours professionnalisés des sortants du supérieur.
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Lucas, S.R. (2001). Effectively Maintained Inequality: Education Transitions, Track Mobility, and Social Background Effects. American Journal of Sociology, 106(6), 1642‐1690.
Merle, P. (2012). La ségrégation scolaire. Paris : La Découverte, collection « Repères. Sociologie » (n° 596).
Shavit, Y., Arum R., & Gamoran, A. (2007) (dir.). Stratification in Higher Education: A Comparative
Study. Stanford, CA: Stanford University Press.