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et interaction hôte-virus chez les crenarchées

2.2 Des preuves expérimentales encore insuffisantes

Mais les données expérimentales sur la base desquelles les virus ont été qualifiés de chroniques sont encore limitées et ne constituent pas une démonstration solide. Dans la plupart des cas, le virus a été considéré comme chronique si :

– aucune chute de la DO n'était observée suite à l'infection

– il n'y avait pas de débris cellulaires dans les cultures infectées.

Deux autres arguments parfois mentionnés sont la possibilité d'isoler des colonies produisant le virus, et l'éventuelle capacité du virus à se maintenir dans une culture au cours de dilutions sérielles. Des exemples de telles observations, couvrant l'ensemble des familles virales de crenarchées, sont détaillés dans le Tableau 5.

Ces diverses observations sont généralement insuffisantes pour conclure avec certitude sur le mode d'interaction hôte-virus. Par exemple, à l'inverse de ce à quoi l'on pourrait s'attendre, un virus lytique peut coévoluer pendant de très longues périodes avec son Tableau 5 : Données expérimentales sur l'interaction hôte-virus chez les crenarchées hyperthermophiles.

« Colonie » : possibilité d'isoler des colonies de cellules produisant le virus. « Absence de débris » : absence de débris cellulaires visibles dans les cultures infectées. '200 col' indique que 200 colonies ont du être analysées. « DO ne chûtant pas » : absence de chûte de la DO dans les cultures infectées. « Retard de croissance » : croissance ralentie des cultures infectées. « Halo sur tapis » : observation de zones de retard de croissance causées par le virus, sur un tapis cellulaire. « Coévolution » : capacité du virus à se maintenir dans une culture lors de dilutions et incubations successives. « Intégration » : intégration du génome viral dans le génome de l'hôte. « Inductible » : production de particules virales induite par exposition aux UV ou ajout de mitomycine C. « Réf » : références bibliograhiques. Un signe « + » signifie que l'assertion est exacte, un signe « - » qu'elle ne correspond pas aux observations expérimentales. La coloration grise signifie que l'assertion n'est pas pertinente (par exemple, si l'hôte ne forme pas de tapis cellulaire, la présence de halo ne peut pas être testée). Un signe « ? » signifie que l'information n'est pas disponible dans la littérature.

ABV - + + + ? -? ?

PSV - + + - + (plusieurs mois) ? ?

TTSV1 + ? - + ? - ?

SNDV + + +(/-) + +(si concentré) - (disparition progressive) - ? AFV1 + + + + + (2 mois) -? ? SIFV + + + + + - (disparition progressive) - ? ARV1 +(200 col) + + + ? -? ? SIRV2 + + + + + - - - SIRV1 + + + + + - - - Non-classé STSV1 ? + + + + + (10 transferts) - ? SSV1 + + + + + + (24 jours) + + SSV2 + + + + + ? + + ATV + - - ? + + Lyse TTV1 + - - ? ? Non-classé STIV ? ? - ? ? - - Etat_porteur

Ampullaviridae Acidianus Häring et al., 2005 Globuloviridae* Pyrobaculum Häring et al., 2004 Globuloviridae* Thermoproteus Ahn et al., 2006 Guttaviridae Sulfolobus Arnold et al., 2000a Lipothrixviridae-! Acidianus Bettsteter et al., 2003 Lipothrixviridae-" Sulfolobus Arnold et al., 2000b Rudiviridae Acidianus Vestergaard et al., 2005 Rudiviridae Sulfolobus Prangishvili et al., 1999 Rudiviridae Sulfolobus Prangishvili et al., 1999

Zillig et al., 1994

Sulfolobus Xiang et al., 2005

Etat_porteur et lysogénie

Fuselloviridae Sulfolobus

Martin et al., 1984 Schleper et al., 1992 Stedman et al., 2003 Fuselloviridae Sulfolobus Stedman et al., 2003 Contursi et al., 2006

Lyse et lysogénie

Bicaudaviridae* Acidianus Prangishvili et al., 2006c Lipothrixviridae-# Thermoproteus Janekovic et al., 1983

Sulfolobus Ortmann et al., 2008

Fam ille Genr e de l'hô te Nom Colo nie Abse nce de d ébris DO n e ch ûtan t pas Reta rd d e cr oiss ance Halo sur t apis « Co évol utio n » Inté grat ion Indu ctib le Réf

hôte (ex : Pseudomonas fluorescens et le bactériophage !2, Buckling and Rainey, 2002). Au contraire, des cellules peuvent devenir totalement résistantes à un virus chronique, si celui ci a un fort impact négatif sur la croissance des cellules (ex : Escherichia coli et les bactériophages filamenteux M13, f1, fd, Bull et al., 1991). Par ailleurs, l'observation d'une augmentation de DO dans une culture infectée peut correspondre à la croissance de mutants résistants. Tous les cas sont donc possibles.

Figure 15 : Cellules de crenarchées infectées par des virus. (A) : Cellule de Sulfolobus shibatae infectée par SSV1. D'après Martin et al., 1984. (B) : Virions de TTV1 à l'intérieur d'une cellule de Thermoproteus tenax. D'après Janekovic et al., 1983. (C) : Cellule de Sulfolobus islandicus infectée par SIRV1. D'après Vestergaard et al., 2005. (D) : Section de cellules lysées de Sulfolobus solfataricus infectées par STIV. D'après Ortmann et al., 2008.

Parfois, les cellules infectées, intactes, ont été observées en microscopie électronique en transmission. Il est alors possible d'apercevoir les virions assemblés à l'intérieur de la cellule (exemples dans la Figure 15). Mais les cellules ont rarement été observées en coupe (Figure 15D), donc les informations sur le processus de sortie des virions sont limitées.

Les virus les mieux caractérisés du point de vue de l'interaction avec l'hôte sont SSV1 et SSV2 d'une part, STIV d'autre part. Concernant STIV (Ortmann et al., 2008), l'observation de sections de cellules issues de cultures infectées a démontré l'effet lytique du virus (Figure 15 D). Concernant SSV1 et SSV2, les phénomènes d'intégration et d'induction du virus ont été beaucoup étudiés. Dans les cellules infectées, le génome viral est présent sous la forme d'un provirus intégré au chromosome de l'hôte et sous forme épisomale (Martin et al., 1984 ; Schleper et al., 1992). Le site d'intégration est connu (Schleper et al., 1992 ; Muskhelishvili et al., 1993), et une particularité de SSV1 est que le gène codant pour l'intégrase (famille tyrosine recombinase) est clivé lors de l'intégration (Palm et al., 1991). Par ailleurs, il est prouvé que la production de particules virales est induite par une exposition aux rayons ultra- violets (Martin et al., 1984) et que l'électroporation de l'ADN viral dans les cellules conduit à la production de particules infectieuses (Schleper et al., 1992). Récemment, il a été démontré que l'intégrase n'est pas essentielle (Clore and Stedman, 2007), c'est-à-dire que des particules virales infectieuses sont encore produites lorsque le gène viral codant pour l'intégrase est supprimé. Enfin, chez SSV2, le degré d'induction de la réplication a été comparé dans différentes souches de Sulfolobus, incluant la souche naturelle (Contursi et al., 2006). Mais concernant le processus de sortie des virions, il n'y a pas eu d'études spécifiques. Il a été conclu que le virus n'est pas lytique, sur la base d'observations expérimentales similaires à celles indiquées ci-dessus (Tableau 5).

En conclusion, beaucoup d'aspects de la relation hôte-virus chez les crenarchées doivent encore être caractérisés. Quelques paramètres généraux du cycle infectieux ont déjà été déterminés dans certains cas, comme, par exemple, la période de latence et la période d'éclipse de SIRV1 et SIRV2 (Prangishvili et al., 1999). Mais la nature exacte de l'interaction n'est pas toujours claire, et les différentes étapes du cycles infectieux ne sont pratiquement pas connues (mécanismes d'adsorption, d'assemblage, de sortie des virions).

Pour étudier l'interaction hôte-virus, nous avons choisi le virus SIRV2, un rudivirus. Ce virus est relativement simple à manipuler et compte parmi les virus les mieux caractérisés. En outre, ce virus n'est pas lysogène, ce qui permet de ne pas confondre les effets liés à la lysogénie et les effets liés au cycle productif. SIRV2 infecte un hôte du genre Sulfolobus, le genre le mieux caractérisé chez les archées. Le modèle biologique est présenté en détail ci- après (section 3).

3

Le modèle biologique

Des souches de Sulfolobus islandicus ont été utilisées comme hôte pour SIRV2. Nous présenterons donc le genre Sulfolobus en mentionnant les informations plus spécifiques à

Sulfolobus islandicus lorsqu'elles sont disponibles. Puis nous décrirons le virus SIRV2 et la

famille Rudiviridae.