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3.1.1 Découverte des virus infectant des hôtes eucaryotes

La découverte des virus date de la fin du 19ème siècle. Le premier virus découvert était un virus de plante à ARN, le virus de la mosaïque du tabac (TMV). En 1892, Dmitrii Ivanowski, un scientifique russe, démontra que la sève de feuilles de tabac souffrant de la mosaïque était encore infectieuse après une étape de filtration permettant d'éliminer les bactéries (Takanami, 2006). Il pensa que la maladie pouvait donc être causée par une toxine bactérienne. En 1898, le scientifique néerlandais Martinus Beijenrinck prouva que la sève contenait un agent pathogène se multipliant dans la plante. Il nomma ce phénomène « contagium vivum fluidum » et employa le terme « virus », jetant les toutes premières bases de la définition moderne de virus, développée plus avant par André Lwoff (1957) (Norrby, 2008). TMV devint un virus modèle et fut caractérisé très en détail (Scholthof, 2004). Par ailleurs, après la découverte de 1898, des virus furent rapidement identifiés chez les animaux et les êtres humains. Les pans de la virologie qui se développèrent à partir de ces virus (plantes, animaux, hommes) concernèrent beaucoup l'étude des pathologies qu'ils causent.

3.1.2 Découverte des virus infectant des hôtes bactériens

Côté bactéries, les virus furent découverts au début du 20ème siècle, très certainement indépendamment par Frederick Twort (1915), et par Félix d'Hérelle (1910 ou 1917) (Duckworth, 1976). Félix d'Hérelle poursuivit et approfondit ses recherches sur les virus de bactéries, et développa de nombreuses méthodes, fondant ainsi un nouveau champ de la biologie. Il nomma ces virus « bactériophages », ce qui signifie « mangeurs de bactéries », avant de réaliser qu'il s'agissait d'agents de même nature que les virus de plantes et d'animaux. Dans les années qui suivirent la découverte, l'attention fut portée sur la nature de ces agents infectieux : s'agissait-il d'agents purement chimiques, comme des enzymes, ou étaient-ils vivants ? En effet, ce n'est pas avant 1940 que purent être obtenues les premières images de phages, grâce à l'invention et au développement de la microscopie électronique (Pennazio, 2006). L'idée d'utiliser les phages pour combattre les infections d'origine

bactérienne émergea toutefois immédiatement après leur découverte et se développa : on parle de thérapie phagique ou phagothérapie. Elle fut appliquée par d'Hérelle lui-même en 1919 (Sulakvelidze et al., 2001) et son laboratoire réalisa également des productions commerciales de phages. Toute cette période correspond au « premier âge des phages » (Mann, 2005). Avec le développement des antibiotiques, la phagothérapie fut abandonnée dans les pays de l'Ouest mais se maintint dans les pays d'Europe de l'Est et de l'ancienne Union soviétique.

A partir des années 40, l'étude des phages devint un pan de la biologie moléculaire, avec les travaux célèbres de Max Delbrück, Salvador Luria, Alfred Hershey et leurs collègues (Groupe du Phage). Ils choisirent les virus de bactéries comme modèle, en raison de leur petit génome et de leur cycle de reproduction très court. Ils s'intéressèrent à des questions fondamentales, tels les mécanismes d'attaque, de multiplication et de lyse. Ces travaux contribuèrent grandement au développement de la biologie moléculaire et de la génétique bactérienne. Ce fut le « second âge du phage ».

Le « troisième âge du phage » a commencé dans le milieu des années 90. Un nouveau champ de recherche s'est ouvert, suite à la découverte de l'abondance des virus dans les écosystèmes, typiquement dans les océans ou dans les sols (Wommack and Colwell, 2000 ; Srinivasiah et al., 2008). Ainsi, le nombre de virus à ADN double-brin sur la planète pourrait

être de l'ordre de 1031 et les virus seraient environ 10 fois plus nombreux que les cellules

procaryotes (Whitman et al., 1998 ; Suttle, 2007 ; Srinivasiah et al., 2008) . Suite à cette découverte, la diversité des virus dans l'environnement ainsi que leur rôle au sein des écosystèmes ont fait l'objet de nombreuses recherches (3.2). Pour finir, notons que la thérapie phagique connaît actuellement un regain d'intérêt dans les pays de l'Ouest, suite à l'apparition de souches bactériennes multi-résistantes aux antibiotiques et à la très grande difficulté de mettre au point de nouveaux antibiotiques dans des délais appropriés (Debarbieux, 2008 ; Brüssow, 2005 ; Dublanchet and Fruciano, 2008).

3.1.3 Et les virus d'archées ?

Naturellement, les virus d'archées ne pouvaient pas être étudiés en tant que tels avant l'identification des archées en 1977. Quelques virus, infectant des espèces du genre

Halobacterium (ex : Torsvik and Dundas, 1974) étaient néanmoins connus. Les virus et

plasmides d'archées furent étudiés spécifiquement à partir des années 80, notamment sous l'impulsion de Wolfram Zillig. L'un des buts était de stimuler la mise au point d'outils de génétique pour les archées, alors récemment identifiées. Les premiers virus isolés infectaient des euryarchées, plus précisément des halophiles (revue dans Dyall-Smith et al., 2003) et des méthanogènes (ex : Jordan et al., 1989 ; Pfister et al., 1989). Ces virus-ci appartiennent aux familles Myoviridae ou Siphoviridae (type tête-queue), ressemblant donc beaucoup aux virus de bactéries.

Une image très différente émergea pour les virus de crenarchées. En 1981 furent décrits pour la première fois des virus infectant une archée hyperthermophile, Thermoproteus

particules virales fusiformes furent produites par des cellules de Sulfolobus shibatae après induction aux UV (Martin et al., 1984). Le caractère infectieux de ces virions fut démontré en 1992 (virus SSV1, Schleper et al., 1992). A partir du milieu des années 90, une série de nouveaux virus de crenarchées hyperthermophiles furent isolés. Les travaux démontrèrent la grande particularité de ce groupe de virus (3.3.2) en révélant des morphotypes nouveaux, complexes et très divers (Prangishvili and Garrett, 2005).