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DES PATIENTS REÇUS

Dans le document 20 15 (Page 58-61)

En 2015, plus d’un tiers (38,5 %) des patients reçus en consultation médicale présentaient, selon l’appréciation des médecins, un retard de recours aux soins et 32 % nécessitaient des soins urgents ou assez urgents.

Par ailleurs, 16 % des patients accueillis dans les Caso ont déclaré avoir renoncé à des soins au cours des douze derniers mois. Le renoncement aux soins est plus fréquent chez les femmes et chez les étrangers en situation irrégulière. Dans près de 9 cas sur 10, les personnes ayant renoncé à des soins évoquent un obstacle financier. Rappelons à ce titre que la très large majorité du public accueilli dans les Caso ne dispose pas de couverture maladie. Ces résultats sont confirmés par ailleurs dans des études qui mettent en évidence que le renoncement aux soins est avant tout motivé par l’absence de couverture maladie, les difficultés financières ou au fait que les problèmes de santé sont relégués au second plan dans un contexte ou la priorité consiste à trouver un toit ou de quoi s’alimenter [Masullo 2006, Desprès 2013].

« La jeune A. a 9 ans. Elle est scolarisée mais a du mal à suivre. Elle se plaint souvent de ses yeux. Sa mère l’emmène à l’hôpital, où on lui diagnostique une myopie sévère pour les 2 yeux. Toute la famille est bénéficiaire de l’AME mais cela ne couvre pas les frais de lunettes. Chez les opticiens le devis le moins cher est à 338 euros, une fortune pour cette famille qui vit dans un squat. A. reste sans lunettes pendant de longues semaines jusqu’à ce que l’assistante scolaire contacte MdM pour savoir quelle solution peut être envisagée. L’équipe du Caso reçoit alors la jeune A. qui choisit, grâce à un partenariat avec un opticien, de belles montures roses. »

[Grenoble, 2013]

Face à ces résultats, un des facteurs décisifs à l’accès aux soins est donc bien l’existence d’une assurance maladie et son degré de couverture.

Si la loi de 1998 portant la création de la CMU46 a constitué un réel progrès, notre système de protection sociale reste encore bien éloigné de ce qui était proposé lors de la création de la Sécurité sociale, « où toute personne résidant sur le territoire bénéficiait des mêmes droits à la couverture sociale ». Pour lutter contre ces inégalités d’accès aux soins, MdM milite pour rendre la couverture maladie universelle accessible à toutes les personnes installées sur le territoire français et justifiant de revenus inférieurs au seuil de pauvreté, et ce quelle que soit leur situation administrative.

À ce titre, MdM est particulièrement préoccupé par la réforme récente de la Sécurité sociale47, portant création de la PUMa, qui rend l’accès et la continuité des droits plus difficiles pour les étrangers (cf. encart).

TABLEAU 22 : RETARD DE SOINS, RENONCEMENT AUX SOINS, REFUS DE SOINS ET SOINS URGENTS OU ASSEZ URGENTS DES PATIENTS REÇUS EN CONSULTATION MÉDICALE DANS LES CASO, 2015

% n

Retard de recours aux soins 38,5 3 306 Renoncement à des soins au cours

des 12 derniers mois 15,8 1 736

A subi un refus de soins 3,3 324

Soins urgents ou assez urgents 32,0 3 643 Taux de réponse : Retard aux soins : 39,5 % ; Renoncement aux soins : 50,5 % ; Refus de soins : 44,8% ; Soins urgents ou assez urgents : 52,4 %.

Les personnes qui recourent tardivement aux soins ou qui renoncent aux soins sont plus souvent atteintes d’une pathologie chronique, de fait ce sont eux qui né-cessitent une prise en charge dans la durée. Enfin si on constate que la fréquence du retard de recours aux soins ne varie pas selon le sexe, force est de constater qu’elle augmente sensiblement avec l’âge et les conditions de vie des patients : les étrangers présents en France depuis moins d’un an ont une probabilité significativement plus élevée de présenter un retard de recours aux soins, tout comme les personnes vivant dans un squat ou un cam-pement ou vivant à la rue (tableau 23).

Ainsi, comme l’évoquent Desprès et al. dans un récent article, si « l’accès aux soins des personnes précaires est largement déterminé par des facteurs économiques, ceux-ci se conjuguent à d’autres logiques explicatives et les masquent fréquemment ». Les études montrent que le renoncement aux soins persiste souvent alors même que les obstacles financiers sont levés, mettant en évidence la dimension multifactorielle du renoncement (rapport au corps, représentations de la maladie, relations aux mé-decins…) [Desprès 2013].

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TABLEAU 23 : CARACTÉRISTIQUES ASSOCIÉES AU RETARD DE RECOURS AUX SOINS DES PATIENTS AYANT EU UNE CONSULTATION MÉDICALE DANS LES CASO, 2015

% n OR1

Ensemble des patients 40,9 2 544 Sexe

Nationalité et durée de séjour

- Français 39,9 123 1

- Étrangers < 1 an 40,9 1 795 1,4*

- Étrangers 1 an à < 3 ans 40,9 281 1,3ns - Étrangers ≥ 3 ans 40,8 345 1,3ns Logement

- Personnel 37,2 197 1

- Hébergé 40,0 1 541 1,1ns

- Squat, campement 44,6 269 1,4**

- Sans domicile fixe 43,4 537 1,3*

Soins urgents ou assez urgents

- Non 30,0 1 249 1

- Oui 62,8 1 295 4,0***

(1) Modèle réalisé sur 6 226 personnes reçues en consultation médicales pour lesquelles l’ensemble des variables du tableau ont été renseignées.

Odds Ratio ajusté sur l’ensemble des variables du tableau.

*** p<0,001 ** p<0,01 * p<0,05 ns : non significatif.

Cette réforme constitue une véritable avancée pour les Français. Cependant, même si le mi-nistère affirme qu’il s’agit d’une réforme à droit constant, les étrangers en situation régulière, ont été omis dans la rédaction de ce texte (et de son décret d’application en cours de discussion) comme le dénonce le Défenseur des droits dans son récent rapport [DDD 2016].

UN RISQUE DE RESTRICTION DES DROITS DES ÉTRANGERS EN FRANCE

Dès novembre 2015, MdM, avec l’ODSE, a mené une négociation intense avec la Direction de la sécurité sociale et le ministère de la Santé afin de réduire au maximum les dégâts que pourraient provoquer le dé-cret d’application de la PUMa définissant la régularité du séjour et la durée d’ouverture des droits à l’assu-rance maladie.

En effet, les personnes concernées risquent d’avoir de grandes difficultés à démontrer la régularité de leur séjour : le décret instituant une liste limitative de titres de séjour qui ne correspondent pas aux pratiques des préfectures ; ces dernières (lors de demandes de renouvellement notamment), remettent très sou-vent des documents hors norme, non prévu par les textes, parfois même seulement un Post-it avec une date de rendez-vous. L’impossibilité de démontrer ses démarches de renouvellement aux caisses pourrait conduire à des ruptures de droits.

D’autre part, le dispositif qui assurait une ouverture des droits pour une période incompressible d’un an a été supprimé dans la loi, malgré les nombreuses alertes associatives : si une formule adéquate rat-trapant cette suppression n’est pas inscrite dans le décret d’application, cela pourrait avoir des consé-quences désastreuses pour les étrangers en posses-sion de titres de séjour de courte durée (soit près de 700 000 personnes sur les 3,8 millions d’étrangers en France). Les caisses seraient en effet conduites à ac-coler la période d’ouverture des droits à celle du titre de séjour, ce qui conduirait à des ruptures de droits lors des renouvellements ou à des non-ouvertures de droits vus les délais de traitement. Au jour où nous écrivons ce rapport, la dernière version du décret qui mettra en œuvre la PUMa semble avoir intégré une

« non-fermeture des droits dans les 12 mois suivant l’expiration du droit au séjour ». Reste à ce que ce décret soit présenté en Conseil d’État et mis en œuvre de façon homogène par les textes.

MdM et l’ODSE seront vigilants sur la finalisation de ce texte et continuent à militer en faveur d’une réforme législative lors de l’adoption de la LFSS pour 2017 par exemple, afin que ces principes protecteurs des étrangers – en situation régulière - ne soient plus seulement inscrits dans un décret mais dans la loi.

LA PROTECTION UNIVERSELLE MALADIE (PUMa) : UNE RÉFORME À DROIT CONSTANT ?

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 (LFSS) adoptée le 21 décembre 2015 et entrée en vigueur le 1er janvier 2016 instaure la PUMa. L’objectif de cette réforme est de simpli-fier les démarches, de permettre une meilleure continuité des droits et garantir l’autonomie et la confidentialité dans la prise en charge des frais de santé.

Ainsi la PUMa remplace la CMU de base et dans son nouvel article L. 160-1, le code de la sécurité sociale indique : « Toute personne travaillant ou, lorsqu'elle n'exerce pas d'activité profession-nelle, résidant en France de manière stable et régulière bénéficie, en cas de maladie ou de ma-ternité, de la prise en charge de ses frais de san-té dans les conditions fixées au présent livre. »

Partie I – Activités et populations reçues dans les Caso

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