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2.1 La professionnalisation

2.1.3 Un nouveau modèle de professionnalité : le maître professionnel

2.1.3.5 Des liens entre la recherche et la formation

La professionnalisation permet également de faire davantage le lien entre la recherche et la formation. Au moment où la formation des maîtres est passée des écoles normales à l’université, la recherche dans le domaine de l’enseignement était pratiquement inexistante (Gauthier et autres 1997). Il y avait bien sûr des recherches axées sur la psychologie, souvent décontextualisées, du type laboratoire, mais peu de recherches consacrées à l’enseignement prenant en considération la complexité du contexte réel de la classe. Il en va de même pour la recherche sur la formation à l’enseignement dont l’existence et le développement ont été liés au transfert de la formation des maîtres à l’université.

Cependant, la situation a beaucoup évolué depuis les 30 dernières années. La recherche a pris de la maturité dans les facultés d’éducation. On dénombre de nos jours nettement plus de recherches, plus rigoureusement faites et davantage centrées sur le travail enseignant en contexte réel avec pour heureuse conséquence que le savoir professionnel de l’enseignement se formalise de plus en plus. Le travail enseignant peut être décrit, analysé, comparé et mis en relation avec l’apprentissage des élèves. On peut désormais mieux comprendre la

nature et la pertinence de certaines pratiques enseignantes en vue de favoriser l’apprentissage des élèves. On sait, par exemple, que la gestion de classe est une variable qui influe particulièrement sur l’apprentissage et que le savoir d’expérience comporte ses limites. Dans une visée de professionnalisation, la recherche non seulement à propos des pratiques d’enseignement mais aussi au sujet des dispositifs de formation doit y occuper une place importante et les résultats doivent être réinvestis dans la formation des futurs maîtres.

2.1.3.6 Un appel au partenariat et à la concertation entre les instances et les personnes visées

La professionnalisation de l’enseignement implique une relation de partenariat entre plusieurs univers, des mondes ayant souvent chacun leurs propres visées et leurs propres problèmes. Les changements majeurs qui se sont opérés lors de la réforme dans le secteur de la formation professionnelle et la nécessité d’une forme de collaboration entre les réseaux scolaires et universitaires et les entreprises pour assurer avec succès l’implantation de stages ont permis, dans certains milieux, d’enclencher le développement de relations de partenariat soutenues et de mettre en place des structures de concertation entre un certain nombre de centres de formation professionnelle et les instances responsables de la formation pratique dans les facultés et les départements d’éducation.

Cependant, une véritable relation de partenariat doit aller bien au-delà de cette collaboration. Une véritable relation de partenariat doit prendre appui sur l’appropriation d’une vision commune de la formation du maître professionnel et sur la définition et le partage des rôles respectifs, et ce, dans un contexte de bénéfices mutuels. Cette relation de partenariat ne peut se bâtir sans la participation des directions des diverses instances, des réseaux, des formatrices et des formateurs universitaires (y inclus les professeurs de certaines disciplines qui travaillent à la formation des enseignantes et des enseignants) ainsi que des praticiennes et des praticiens chevronnés. Pour former des professionnelles et des professionnels de l’enseignement, le milieu universitaire doit avoir davantage l’occasion de se frotter à la réalité scolaire et à la réalité de l’entreprise, tout comme le réseau scolaire doit aller au-delà de l’expérimentation isolée de pratiques nouvelles et conduire de façon plus systématique la réflexion ou la recherche sur ces pratiques.

La professionnalisation nécessite également un travail de concertation à l’intérieur même de l’université. Elle touche le corps professoral, tant des facultés d’éducation que des autres facultés, engagé dans l’un ou l’autre des programmes de formation. À titre d’exemple, les facultés ou départements de génie, d’informatique ou de lettres pourraient collaborer avantageusement à la formation des enseignants de la formation professionnelle. Une approche culturelle de l’enseignement ne pourra s’instaurer dans les centres de formation professionnelle et en matière de formation des maîtres si les groupes de formateurs et de formatrices n’incluent pas la participation active et continue de professeurs enseignant différentes disciplines dans la sélection et l’agencement des savoirs relatifs aux apprentissages visés pour les élèves. En ce sens, la visée d’un programme professionnalisant suppose que les intervenants et les intervenantes conçoivent leurs activités de formation d’une manière différente.

La fragmentation de la formation maintes fois dénoncée n’a pu que nuire à la

formation d’une culture commune et d’une identité partagée (Lang 1999;

Raymond 1998).

Déjà plusieurs facultés (médecine, génie) ont mis en avant des modèles de formation intégrés qui font appel d’une manière différente aux disciplines classiques. Des tentatives intéressantes ont été faites aussi en ce sens par les facultés de différentes disciplines dans le secteur de la formation à l’enseignement. Ces efforts méritent d’être soulignés. Cependant, il est possible d’aller plus loin. Alors que l’ancienne professionnalité se fondait presque exclusivement sur un rapport aux savoirs disciplinaires du domaine enseigné, la nouvelle s’appuie plutôt sur un rapport au savoir professionnel lié à l’enseignement. C’est pourquoi il apparaît essentiel de marquer une différence entre la formation d’un mécanicien d’entretien, par exemple, et la formation d’une enseignante ou d’un enseignant de mécanique d’entretien. Il faut bien comprendre qu’il ne s’agit pas de nier l’importance de la connaissance disciplinaire dans la formation des enseignantes et des enseignants, mais bien de l’orienter dans la visée de formation d’une professionnelle ou d’un professionnel de l’enseignement de cette discipline. Le contenu disciplinaire acquis ou à acquérir doit donc être réinterprété à partir des critères de profondeur, d’étendue et de pertinence au regard de ce qui sera enseigné dans le programme scolaire. Encore là, il ne s’agit pas de réduire la formation disciplinaire aux contenus du programme enseigné dans les écoles. Les savoirs disciplinaires à retenir pour la formation des maîtres doivent plutôt être repensés à partir du projet de professionnalisation et complétés notamment par des éléments relatifs à l’histoire des disciplines, à l’épistémologie et à la mise en relation avec les disciplines voisines, éléments requis par l’approche culturelle de l’enseignement de la réforme du programme scolaire. À plus forte raison dès lors, dans le contexte québécois, le savoir-enseigner relève d’une pratique qui ne se réduit pas aux savoirs disciplinaires même s’il leur est foncièrement lié (Lang 1999; Tardif, Lessard et Gauthier 1998). La formation disciplinaire doit désormais se rattacher à l’exercice de la profession d’enseignant ou d’enseignante ainsi qu’au mode d’insertion de cette discipline dans le curriculum scolaire (Lang 1999 : 178) :

« Une formation professionnalisante tente de construire un « savoir enseigner », i.e. une culture professionnelle intégrant des savoirs, des schèmes d’action, des attitudes; elle prétend dépasser les clivages traditionnels entre formation académique, méthodologique, didactique, pratique, etc. : elle vise à surmonter les juxtapositions et les disjonctions, traditionnelles dans la formation des enseignants, entre les différentes institutions (université, école professionnelle, établissement de stage ou d’exercice), leurs fonctions (production et diffusion des connaissances, construction d’une identité, de capacités, etc.), les types d’intervenants (enseignant-chercheur, formateur « institutionnel », formateur de terrain, pairs), les modalités d’évaluation, etc. Elle implique donc nécessairement des confrontations d’acteurs ayant des positions institutionnelles, des compétences et des préoccupations différentes : une formation profes-sionnalisante tente donc de nouvelles articulations entre les lieux traditionnels de formation. »

de l’enseignement