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b. Une lecture orientée systèmes d’information et TIC

Section 1. Le contexte universitaire français : une organisation en mutation

1.2. Des impulsions ministérielles et institutionnelles

Dans cette recherche de performance scientifique et d’enseignement, le Ministère de rattachement (MESRI) et plus localement les politiques universitaires elles-mêmes impulsent des directions stratégiques.

Les universités sont soumises à une concurrence orchestrée par les classements internationaux, les volontés de certifications et les instances d’évaluation.

Les trois classements internationaux les plus connus, avec des résultats rendus publics sont Shanghai, THE ou QS. Le classement de Shanghai, aussi nommé Academic Ranking of World Universities (ARWU), compare 1200 institutions de l’enseignement supérieur selon six indicateurs en quatre catégories qui touchent à la qualité de l’enseignement, à la qualité de l’institution, aux nombres de publications et à la performance académique au regard de sa taille. Depuis de nombreuses années, le haut du classement est tenu par les universités d'Harvard, de Stanford et de Cambridge ; en 2018 la première université française arrive en 36ème position : l’Université de la Sorbonne.

Le classement THE, du journal britannique Times Higher Education, publie le palmarès des universités mondiales. Il s’adosse à treize indicateurs pondérés en cinq catégories, le cadre de travail, le nombre et la portée des recherches, leur influence, la renommée à l'international des professeurs, des étudiants et des chercheurs et les liens avec les entreprises. En 2019, les trois meilleures sont les universités d’Oxford, de Cambridge et de Stanford ; l’université PLS Paris Sciences et Lettre se glisse à la 41ème place.

Le QS est publié chaque année par la société britannique Quacquarelli Symonds pondéré par six indicateurs : la réputation académique, la réputation auprès des recruteurs, le ratio

d’insertion d’étudiants fort, plus elles ont de possibilités d’obtenir une place haute dans les classements. C’est entre autres à cette logique que répond la loi ESR et sa volonté d’accroître les politiques de sites, de réussite et de performance.

En France, dans cette course au classement, le MESRI édite également deux classements pluriannuels, un relatif au taux de réussite des étudiants et un relatif au taux d’insertion des étudiants. Le taux de réussite est calculé selon une valeur ajoutée, à savoir l’écart entre le taux de réussite constaté et le taux simulé qui s’appuie sur la réussite attendue de l’université au vu du niveau national et du profil des étudiants. Le ministère précise que « la valeur ajoutée

permet de situer une université par rapport à la moyenne nationale, une fois pris en compte les effets de structure ». Le taux d’insertion est à visée professionnelle et analyse à deux ans

après l’obtention d’un diplôme, les étudiants ayant déclaré un emploi.

Par ailleurs, nationalement, les universités sont soumises à l’évaluation du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES). Cette autorité administrative indépendante est chargée d’analyser, évaluer et établir des recommandations, pour soutenir la démarche d’amélioration de la qualité de l’enseignement supérieur et de la recherche en France. Cette évaluation est multi critères et porte individuellement sur les établissements, les entités de recherche, les écoles doctorales, les accréditations à l’étranger ou encore les coordinations territoriales.

aux activités de services ou les accréditations de EFMD (European foundation for management development) pour les formations en management. Au niveau des politiques de l’établissement et touchant aux ressources humaines on peut encore citer le label HR Excellence in Research qui promeut l’excellence en matière de ressources humaines pour la recherche. L’ensemble de ces certifications, accréditations, labels est noté par les universités comme des atouts d’attractivité, des gages de réussite.

Pour répondre à tous ces enjeux de classements et de performance, les politiques ministérielles et institutionnelles insufflent des dynamiques de transformation tant sur le plan de la recherche que de l’enseignement. Dans le cadre de l’enseignement, ces stratégies croisent notamment les besoins d’innovation pédagogique et l’essor des TIC. Ainsi, une part des actions universitaires porte sur l’innovation pédagogique, en assurant la promotion de nouvelles technologies numériques. Ce point est soutenu par le volet « Stratégie numérique pour l’enseignement supérieur »17 du MESRI. Lancée en octobre 2013, ce volet stratégique pour l’enseignement supérieur français caractérise le numérique comme au « service d'une

université performante, innovante et ouverte sur le monde ». Il répond à la loi ESR qui inscrit

le numérique comme « levier d’une université en mouvement ».

L’enjeu est double : renforcer l’attractivité des universités, par des infrastructures et des pédagogies renouvelées, par un accroissement de l’ouverture sur le monde extérieur, et favoriser la réussite des étudiants, tout en élevant leur niveau de connaissance et de qualification. Ce double enjeu se traduit en quatre grandes ambitions pour le numérique :

• Au service de la réussite et de l’insertion des étudiants ; • Comme outil de rénovation des pratiques pédagogiques ; • Pour le développement de campus d’avenir ;

• Pour une université ouverte et attractive, en Europe et à l’international.

Les deux premières ambitions ont donné lieu à des initiatives soutenues par le MESRI comme des amphis inversés à l’université de Grenoble 1, des mannequins numériques à Paris

17 MESRI, Stratégie numérique pour l’enseignement supérieur (2013), consulté sur : http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/pid30098/strategie-numerique-pour-l-enseignement-superieur.html.

et de la Recherche18. Proposant d’aider à une transformation globale des établissements tant sur le plan opérationnel que stratégique, le référentiel s’axe autour de six polarités et neuf valeurs pour 52 actions concrètes (Figure 27).

Figure 27 : Référentiel de transformation numérique, 6 polarités et 9 valeurs (MESRI, 2016)

Pour illustrer ce référentiel et en lien avec notre recherche, la polarité « Pratiques et contenus pédagogiques » détaille 12 actions. Les actions 29 et 30 sont plus particulières dédiées aux usages des TIC et à l’évolution des pratiques pédagogiques (Figure 28).

Figure 28 : Contenus des Actions 29 et 30 dédiée aux TIC et à l’évolution des pratiques pédagogiques

Ainsi dans une réflexion globale sur la transformation numérique des universités et sur la transformation numérique du travail, l’action 29 met en avant la nécessaire exploration des pratiques émergentes comme celle de la réalité virtuelle et appelle à une réflexion sur les effets de ces TIC sur les activités d’enseignement et de recherche. L’action 30 souligne le besoin d’accompagnement des enseignants dans l’évolution de leur pratique pédagogique et donc de leur activité d’enseignement. En poursuite et complémentaire à ce référentiel, le CNNum précise dans son rapport d’activité 2016 (rendu en avril 2017 au MESRI), que la transformation numérique des universités doit être entreprise comme multidimensionnelles, touchant à la fois les lieux d’apprentissages et contenus pédagogiques, les services numériques et les recherches en éducation et qu’elle doit passer « du temps des explorateurs

à la transformation » (CNNum, 2017, p. 21).

Plus récemment, en juin 2018, l’Inspection générale de l’Administration de l’Education Nationale et de la Recherche (IGAENR) a remis un rapport sur les initiatives d’innovation pédagogique numérique (n°2018-049). Elle met en lumière les difficultés des institutions de passer de simple espace d’expérimentation à une généralisation des pratiques et préconise l’importance d’une dimension systémique de la transformation numérique. Ainsi malgré les

Dans ce contexte universitaire en mutation, sous l’influence des réformes et sous les impulsions ministérielles de performance et d’incitation au développement de l’usage des TIC dans l’innovation pédagogique, l’enseignant trouve place dans son système d’activité et développe une activité d’enseignement complexe à caractériser. Peraya (2018) ouvre le débat sur l’idée que l’enseignement supérieur possède une pratique sociale particulière et que la liberté académique dont disposent les enseignants universitaires pourrait peut-être partiellement expliquer les difficultés de réelles transformations numériques pédagogiques. À la lumière de nos études empiriques peut-être pourrons-nous amener quelques pistes de réponses, en tout cas sur le plan micro dont nous allons faire une présentation dans la section 2.