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Des conséquences environnementales et des enjeux humains importants

Chapitre 2. Comprendre l’aléa « coulée boueuse » et la gestion du risque

2.2. Des conséquences environnementales et des enjeux humains importants

dégradation de l’environnement et ceux liés aux dommages des espaces urbanisés. La mesure des

conséquences induites par les coulées boueuses est délicate : les données associées sont souvent

manquantes ou obtenues a posteriori. Néanmoins, il est essentiel de voir quels sont les espaces

affectés pour pouvoir décider des mesures curatives ou préventives à mettre en place (§ 2.3).

2.2.1. Les conséquences environnementales et agronomiques

Les dégâts environnementaux se notent à court et à long terme et ont des répercussions

plus ou moins irréversibles.

Les types de dégradations environnementales concernent la qualité des eaux superficielles

et souterraines. Les écoulements superficiels

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sont souvent chargés en substances actives issues

des traitements phytosanitaires et des apports en engrais. Les substances actives peuvent être

transférées vers les eaux de surface par le ruissellement : la migration pouvant se faire en solution ou

par adsorption aux particules de sols transportées. Les problèmes de pollutions sont alors fréquents

dans les secteurs de grandes cultures. Nous pouvons le constater sur la carte de France qui reprend

la présence de produits phytosanitaires dans les eaux de surface (mesures de 2006 – figure 2.8). Les

secteurs d’élevage ou de grandes cultures (Bretagne, Beauce et Nord de l’Alsace) présentent des

concentrations de produits phytosanitaires supérieures à 0,1µg.l

-1

(qui correspond au seuil limite de

potabilité). La présence de tels taux peut entraîner à terme des conséquences sur la potabilité des

eaux.

Outre des pollutions directes, la présence de nutriments ou de produits chimiques en masse,

entraînent des problèmes d’eutrophisation des cours d’eau. Elle se traduit par une baisse du stock

d’oxygène à disposition pour les organismes aquatiques puis d’une diminution de la biodiversité

présente dans les cours d’eau. Des phénomènes de turbidité et d’envasement des cours d’eau

       

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Les processus de ruissellement que nous évoquons sont relatifs aux écoulements superficiels : seules leurs atteintes seront détaillées ici

reflètent quand à eux la présence en nombre de particules érodées dans les cours d’eau. La

conséquence principale est une disparition d’algues et de végétaux aquatiques, nécessaires à

l’oxygénation des cours d’eau. S’en suivent une fois de plus des pertes en population de faunes

aquatiques.

Figure 2.8 : Qualité des eaux superficielles

Agences de l’eau - Conseils généraux - DIREN – DRAF, SRPV - Traitement SOeS-MEEDDAT

Les conséquences agronomiques se notent, à court terme, par des dommages au sein

même des parcelles : il s’agit le plus souvent d’arrachements de plants et de recouvrements de semis

(figure 2.9) rendant la croissance des cultures impossible et impliquant d’importantes pertes de

rendement pour les agriculteurs.

Figure 2.9 : Exemples de

recouvrement de plants et de

traces d’érosion après une

coulée boueuse(Blotzheim,

Haut-Rhin, 30 mai 2003 –

Clichés : Lemmel, 2003)

Les dégâts agronomiques se chiffrent, à plus long terme, par des pertes de terre fertile. Des

mesures de perte en sol après une coulée boueuse ont été entreprises dans des études sur la

compréhension de leurs processus de formation. Nous prendrons quelques exemples significatifs

dans des régions proches des caractéristiques physiques que nous retrouvons sur nos propres

terrains d’étude : pour des coulées boueuses survenues en Belgique, aux Pays-Bas et dans

différentes régions françaises.

Van Dijk (2001) a mesuré des pertes de terre lors de l’épisode du 22 Janvier 1993 (bassin

versant du Catsop, Pays-Bas) équivalentes à 5.6 t.ha

-1

. Evrard (2008), dans le secteur des collines

limoneuses belges a mesuré des pertes de l’ordre de 8,3 t.ha

-1

pour des épisodes survenus en 2002.

Ces chiffres rejoignent ceux estimés pour l’ensemble de la Belgique qui se situent entre 6.5 à 12.3

t.ha

-1

.an

-1

(Verstraeten et al., 2006). Ludwig (1992) a chiffré des départs de sol dans des bassins

versants du nord du Bassin Parisien. Les données, rapportées à l’échelle de la parcelle (dont la taille

moyenne est de 2,9 ha) montrent des pertes en terre de l’ordre de 22 t.ha

-1

. En Alsace, à Landser

(Haut-Rhin), Van Dijk et al. (2005), ont mesuré pour l’épisode du 24 Mai 2001 (dont les intensités

représentaient 40 mm en 30 min) une érosion concentrée égale à 36 t.ha

-1

. Citeau et al. (2008) et

Verheijen et al. (2009) rappellent que toute perte supérieure à 1 t.ha

-1

(soit un peu plus d’un millimètre

de sol par an) est irréversible sur les 50 à 100 ans, compte tenu de l’échelle de temps nécessaire à la

formation des sols.

Cette perte en terre s’accompagne aussi d’une diminution des taux de matières

organiques consécutive à une utilisation de produits chimiques sur les parcelles. Cela à des

répercussions directes sur la structure du sol (§ 2.1), mais aussi sur l’absence d’agents biologiques

dans les sols. Une diminution de la fertilité des sols est une des conséquences irrémédiables de cette

atteinte au fonctionnement biologique et à la perte en terre (Verheijen et al., 2009).

2.2.2. Les dégâts recensés dans les zones urbanisées

En France, de 1985 à 2000, 17 282 coulées boueuses survenues dans 11 415 communes ont

fait l’objet d’un arrêté de catastrophe naturelle (IFEN, 2005). Le nombre élevé des secteurs devant

faire face à des dégâts justifie que nous nous intéressions à leur gestion. Les dégâts répertoriés à

l’aval concernent essentiellement les infrastructures: celles relatives aux habitations (figure 2.10) et

celles relatives aux biens collectifs (routes, mobilier urbain, etc.) et aux ouvrages techniques mis en

place (barrages, ponts).

Figure 2.10 : Exemples de dégâts dans les zones urbanisées. a et b. A Blotzheim (Haut-Rhin –

Clichées : Armand, 2003); c. En Belgique (Cliché : Evrard) ; d. A Landser (Haut-Rhin – Cliché : Auzet,

2003)

La valeur exacte des coûts supportés suite à des coulées boueuses est délicate à

déterminer par manque de données ou difficulté à estimer certaines pertes (Vinet (2007) répertorie

tous les freins à l’estimation des pertes dans le cadre des inondations. Ses remarques sont aussi

valables pour les coulées boueuses). Néanmoins, dans le cadre de travaux récents, des estimations

ont été proposées. Ainsi, Evrard (2008) estime à 180 € ha

-1

.an

-1

le coût total supporté par les

collectivités belges dans la lutte contre les coulées boueuses. Il intègre dans cette estimation, le coût

d’installation des mesures de protection et de leur entretien qui s’élève à 126 € ha

-1

.an

-1

. Puis celui

des interventions de nettoyage et les remises en état des infrastructures collectives suite à une coulée

boueuse (54 € ha

-1

.an

-1

).

Pour l’Alsace, Cerdan et al. (2009) ont également élaboré une méthode de détermination des

coûts supportés par les communes suite à des coulées boueuses. Elle prend en compte les devis et

estimations faites par les victimes (entreprises, collectivités ou habitants). Malgré de fortes variations

interannuelles (en fonction de l’occurrence et de l’intensité des phénomènes), ces auteurs arrivent à

une moyenne de 3,8 millions d’euros par an (sur une période comprise entre 1984 et 2006). En

rapportant ces chiffres au nombre d’habitants affecté par ce type de phénomène, 578 € hab

-1

.an

-1

seraient dépensés pour les coulées boueuses.

L’existence des barèmes officiels relatifs aux franchises en place (code des assurances de la

loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 modifiée) dans les procédures d’indemnisation (tableau 2.4) permet

également d’estimer les coûts supportés, cette fois-ci, par les individus, les exploitants ou les

professionnels.

a. b

Tableau 2.4 : Modulations et franchises des indemnisations au titre de Cat Nat (MEEDDADT, 1999)

Cependant, de grandes incertitudes demeurent dans l’estimation des dégâts. Les barèmes

omettent les pertes difficilement chiffrables par manque de données ou par difficulté d’estimation.

Nous soulignons ici tous les dégâts environnementaux entraînés par les coulées boueuses (pertes en

sol, pollution, etc.) mais aussi les pertes de rendement supportées par les agriculteurs ou les pertes

financières des entreprises (en termes de production ou de chômage technique). De même, les

dégâts pour les habitants ne se limitent pas à des pertes matérielles. Les traumatismes sont sévères

(stress supporté, peur d’une nouvelle coulée boueuse) et là aussi de nombreuses pertes ne sont pas

chiffrables (souvenirs, préjudice moral). En outre, quelques événements

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ont entraîné des décès au

sein de la population touchée, qu’il est difficile de quantifier. L’importance de la prise en compte de la

perception de ce risque pour ces populations prend une nouvelle dimension. Les faits matériels ne

sont pas les seuls à entrer en compte dans les estimations de pertes suite à ces événements :

d’autres données relatives aux degrés d’acceptation des dégâts imputés à ce risque sont

nécessaires pour avoir une appréciation globale des dommages subis.

La question de la détermination des coûts intéresse de plus en plus les politiques associées à

la définition de plans de gestion des risques. Elle permet de contextualiser les mesures à prendre

dans des visées budgétaires globales et de mettre en avant les incidences de catastrophes naturelles

d’ampleur locale dans des problématiques environnementales générales. De plus, de nombreux

économistes s’emparent des problématiques environnementales dans les définitions de plan de

gestion économique des risques (technologiques, naturels, de pollution - Bontems et al., 2003;

Cochard et al., 2005). Par le biais de l’utilisation d’outils économiques (tels que le consentement à

payer ou les taxes ambiantes) se pose la question de l’estimation de la contribution financière pouvant

être consentie par les acteurs concernés (population, élus, etc.) dans la lutte contre les catastrophes

naturelles. Ces outils ouvrent la voie à de nouvelles réflexions notamment sur les systèmes

d’indemnisation (Spaeter et al., 2006). L’État souhaite minimiser les cas d’indemnisation, ce qui se

traduit concrètement par la mise en place de Plans de Prévention des Risques (PPRI Ruissellement

périurbain, car il n’existe pas de PPR spécifique aux coulées boueuses). Cela entraîne une

réévaluation des indemnisations attribuées aux sinistrés en fonction du risque présent dans leur zone

d’habitat. Les réflexions relatives aux coûts-bénéfices engendrés par la mise en place des systèmes

de protection par rapport aux indemnisations attendues par la population sont entamées. Elles

remettent en perspective les questions d’intervention des acteurs institutionnels ou non et celles

relatives à la légitimité d’actions individuelles et collectives dans les plans de prévention.

       

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A la Vaupalière (en Haute-Normandie) en juin 1997 : 3 personnes sont décédées

Type de contrat Biens concernés

Franchise pour dommages liés à un risque autre que la

sécheresse

Montant concernant le risque de sécheresse

Modulation de la franchise en fonction du nombre d'arrêté de catastrophe naturelle (commune

non dotée d'un PPR)

Habitations 381 € 1 524 € Usage professionnel 10% du montant des dommages matériels (minimum 1143 €) 3 048 € Contrat "perte d'exploitation" Recettes liées à l'exploitation Contrat "dommage"

Franchise équivalente à 3j ouvrés (minimum 1143 €)

1 à 2 arrêtés : x 1 3 arrêtés : x 2 4 arrêtés : x 3 5 et plus : x 4

2.3. La gestion du risque de coulées boueuses : les mesures « techniques » et