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Des choix méthodologiques adaptés aux spécificités du CODEV

SPÉCIFICITÉS DU CODEV

1.2.1 Les spécificités du CODEV et leurs implications méthodologiques

Les objectifs de l’évaluation du CODEV sont à mettre en perspective avec l’évolution des politiques publiques en province Nord. Le programme CODEV a une durée de vie relativement longue12 et a connu des évolutions. Cette temporalité pose une question de nature méthodologique, à savoir l’évaluation avec le même outil de projets mis en œuvre à des périodes différentes et avec des objectifs et des moyens différents, sans qu’un recueil régulier d’information ait été mis en place. En effet, entre les projets des années 1990 et ceux mis en œuvre entre 2003 et 2008, toutes choses ne sont pas égales par ailleurs. Ni le personnel politique, qui change notamment en 1999, ni les conditions d’application du CODEV, révisées en 2003 puis en 2008, ni les équipes techniques qui instruisent les projets, ni le contexte englobant ne sont les mêmes, alors que ces projets sont pourtant tous labellisés « CODEV» ou « CODEV/OGAF ».

D’autre part, le travail d’évaluation doit prendre en compte l’absence d’informations systématiques et compilées dans des bases référencées quant au déroulement des projets soutenus par la province. Pour juger de l’évolution concrète des projets, il faut donc s’appuyer sur la mémoire des promoteurs enquêtés. Cela constitue une difficulté méthodologique et certaines données recueillies, notamment les données chiffrées, ne pourront être considérées que comme des ordres de grandeur.

12 Les premiers financements répertoriés dans la base datent de 1989 et relèvent donc des aides de l’ADRAF, dont la partie « développement », organisée en filières, va être transférée aux provinces.

L’évaluation doit aussi prendre en compte un certain flou dans les objectifs assignés au CODEV lors de sa création. La situation n’est pas celle d’un dispositif normé décliné en sous objectifs dont on aurait a priori défini les indicateurs permettant de juger de la réalisation de ces objectifs.

Compte tenu de ces contraintes inhérentes aux conditions de mise en place et de mise en œuvre du dispositif, une méthodologie a été proposée, discutée et retenue par le comité de pilotage (voir annexe 5).

Il a été acté d’aborder l’évaluation à travers deux choix directeurs, qui seront explicités dans les paragraphes suivants :

• une approche globale et compréhensive combinant plusieurs modes d’investigation et mobilisant des outils complémentaires (enquêtes sur questionnaires, entretiens semi directifs, analyse de documents…) ;

• un mode d’échantillonnage prenant en compte les évolutions jugées significatives par les acteurs de la mise en œuvre du CODEV (représentés au niveau du comité de pilotage de l’étude).

1.2.2 Une segmentation en catégories selon deux périodes

Deux périodes ont été définies pour prendre en compte les évolutions. Le changement de majorité politique survenu en 1999 constitue un tournant important, mais qui n’a de traduction au niveau du CODEV qu’avec l’élaboration du Plan d'Action Economique (finalement publié en 2004). La préparation du PAE entraînera la rédaction d’une nouvelle version du CODEV, issue de la délibération de décembre 2003 et qui sera opérationnelle et effective en 2004. La périodisation retenue est donc un découpage en deux grandes périodes : l’une qui va de 1989 à 2003 inclus et l’autre de 2004 à 2008 inclus.

L’année 2009 a été exclue de l’analyse car il aurait été difficile d’apprécier les « effets » de projets financés en 2009 et dont la mise en œuvre n’aurait pas été forcément effective compte tenu des délais entre les décisions de subvention et la réalisation des projets. Pour cette même raison, il ne sera pas tenu compte des ajustements survenus lors de la délibération de 2008 qui ne devient réellement opérationnelle qu’en 2009. Pour les périodes analysées, les textes de référence pour l’évaluation sont donc : le CODEV version 1990, le CODEV issu de la délibération de 2003 et du PAE sorti en 2004 mais dont l’élaboration a été conduite entre 2000 et 2004 en étroite articulation avec la révision du Code.

Afin de tenir compte des différents publics visés par le CODEV et de leur hétérogénéité socio-économique, le principe d’un échantillonnage reposant sur les types de projets mis en œuvre a été retenu. Ces types, tels que définis dans le CODEV 1990, sont :

• « les familles de microprojets qui se situent en deçà de la limite financière qui sera fixée par délibération sectorielle ;

• les familles des projets qui se situeront au-delà de la limite précitée. »

En fait la limite financière détermine le type de projet soutenu par la province sachant que « la

que ceux de taille modeste à vocation marchande » [Article 142 du CODEV-PN, JO NC 20

avril 1990].

Dans la première catégorie dénommée « projets de développement à but non lucratif » le CODEV distingue :

• des « microprojets à but non lucratif de caractère économique non marchand » dits « microprojets d’autoconsommation13 » ;

• des « microprojets de développement de fermes familiales : fermes familiales de polyculture et de petits élevages [qui] doivent rester à la dimension de la cellule familiale, élargie le cas échéant, et des agriculteurs débutants. »

Le plafond du coût de réalisation du projet est fixé à 500 000 XPF par projet pour les microprojets d’autoconsommation et 2 000 000 XPF pour les microprojets tournés vers le marché. Le plafond de soutien est prévu à hauteur de 60% de l’ensemble du projet14. Pour les projets dont le plan de financement dépasse 2 000 000 XPF, le plafond de soutien dépend des délibérations sectorielles, qui fixent les taux pour chaque secteur (café, cervidés, commerce, service…).

Le CODEV revu en 2003, qui devient effectif en 2004, classe pour sa part les projets en trois catégories « en fonction de l’objectif du promoteur, du niveau d’investissement et des

résultats attendus ». Sont ainsi distingués :

• « les projets d’activités économiques traditionnelles ; • les projets d’insertion économique ;

• les projets d’entreprise ».

De plus, les orientations des projets soutenus doivent dès lors cadrer avec le Plan d’action économique (PAE) qui « définit une stratégie par secteur d’activité et par zone

géographique ».

Il a donc été retenu - en concertation avec le comité de pilotage - de construire l’échantillon en utilisant ces catégories de projets. Pour la période 1989-2003, les catégories ont été faites en se basant sur le montant total du plan de financement avec trois classes :

• les projets avec un plan de financement inférieur ou égal à 500 000 XPF qui sont des microprojets orientés vers l’amélioration de l’autoconsommation (qui seront dénommés « 1Micro Autoconsommation ») ;

• les projets dont le plan de financement est compris entre 500 001 XPF et 2 000 000 XPF qui sont des microprojets qui visent une insertion dans le marché (« 2Micro Marché ») ;

• les projets de plus de 2 000 000 XPF pour un développement économique d’entreprise (« 3Entreprise »).

Les aides octroyées en 1989 et en 1990 avant la promulgation officielle du CODEV et qui relèvent donc encore de l’ADRAF, sont comptabilisées et classées de la même façon que les aides « officiellement » soumises au CODEV à partir de 1990.

Pour la période de 2004 à 2008, la base de données de la province Nord ne dispose pas de variable pour le classement des projets selon les trois catégories décrites précédemment.

13 La dénomination des projets change dans le JO lui-même entre les pages 1090 et 1091 (voir Annexe 2.A.1).

14

Pourtant, ces catégories clairement définies dans le nouveau texte du CODEV révisé, sont identifiées dans les dossiers lors de leur montage et de leur passage en CDE, puisqu’elles définissent les taux de subvention. Les travaux récents de l’opération de suivi (Frappier et Sourisseau 2009) ont permis de récupérer cette information pour une part importante des dossiers. Les techniciens et animateurs des antennes DDE-E ont ainsi pu renseigner 76% des dossiers. Les 24% restants ont été renseignés manuellement, pour les besoins de la présente évaluation, sur la base des informations disponibles : dénomination du projet, caractérisation de l’activité, forme juridique et montants du plan de financement et des subventions versées. Au final, sur la période 2004-2008, l’étude distingue les catégories de projets suivantes :

les projets qualifiés de traditionnels, dénommés « 4Traditionnel » ; les projets d’insertion économique « 5Insertion » ;

les projets d’entreprises « 6Entreprise ».

1.2.3 Des objectifs multiples et parfois implicites

La finalité du CODEV est à rechercher dans la mise en œuvre des Accords de Matignon-Oudinot avec le rééquilibrage social et économique entre les provinces. Ainsi l’objectif principal du CODEV15 est la « mise en mouvement des énergies » en province Nord afin de participer à la création de richesse sur ce territoire.

Pour atteindre cet objectif, la province se dote d’un Code de développement (et non d’un code d’investissement) qui va chercher à mobiliser le travail des promoteurs (et de leur ménage, et éventuellement au-delà de la seule sphère domestique), l’épargne familiale des promoteurs et des fonds complémentaires au niveau du secteur bancaire et financier.

Un des paris du CODEV réside donc dans sa capacité à susciter des activités via du travail et des ressources financières en province Nord, afin d’y créer de la richesse et, si possible, d’en créer assez pour la redistribuer via la création d’emplois et le versement de salaires. Le CODEV mobilise ainsi des fonds publics pour engager un processus de création de richesse privée sur un territoire donné, marqué par un profond déséquilibre vis-à-vis de la province Sud mais également en interne, entre l’Ouest et l’Est et entre certaines catégories sociales16. A ce stade de la réflexion, il semble important de faire remarquer que le Code est un dispositif qui subventionne essentiellement l’investissement initial (même s’il y a eu pendant une certaine période une subvention au fonds de roulement). Il ne s’agit pas d’un dispositif destiné à pérenniser la subvention, même si un promoteur peut faire appel plusieurs fois au dispositif. Les activités engagées et les revenus qui en sont issus doivent ensuite permettre un fonctionnement économique autonome.

La question des publics « très diversement insérés dans les circuits économiques marchands » apparaît très nettement dans les délibérations. Ainsi, de quelles catégories de population le CODEV vise-t-il la mobilisation ? Quelle est la répartition visée des investissements selon le

15 Cf. 2.1 pour une mise en perspective du CODEV par rapport aux trajectoires de l’action publique en province Nord.

16 Dans les premiers textes du CODEV de 1990, cette notion de rééquilibrage interne n’apparaît pas et l’objectif essentiel était bien un rééquilibrage vis-à-vis du Sud avec la volonté que les aides comme les investissements se fassent et restent au Nord. Cet objectif reste toujours majeur mais dans les textes de 2003, le rééquilibrage interne à la province Nord, notamment à travers les zones prioritaires par filière, est explicite.

genre, l’âge et les qualifications des promoteurs ? Plusieurs hypothèses ou modèles sous-jacents sont possibles :

• Un modèle de type évolutionniste ferait sienne la vision d’un mouvement économique allant d’une économie domestique reposant sur la production pour la consommation familiale et les échanges non marchands, vers une intégration croissante à l’économie marchande et à une insertion elle-même croissante aux « secteurs économiques

organisés ».

• Un autre modèle, que l’on pourrait qualifier de « cohabitationniste » viserait à donner à chacun la possibilité d’être accompagné quel que soit son choix, qu’il s’agisse de l’insertion économique via le développement d’une activité marchande ou de privilégier un « mode de vie » plus autonome en retrait par rapport aux exigences de performance que requiert le développement de trajectoires marchandes. C’est cette dernière vision qui est actuellement défendue par la présidence de la province.

En regard de cette diversité de promoteurs et de cette perspective qui leur est offerte à travers le CODEV de rentrer dans un modèle d’insertion dans des secteurs économiques organisés, les projets sont calibrés de manière à proposer à la fois un type de projet adapté à un public donné (en fait un montant global d’investissement) mais aussi la possibilité de s’inscrire dans une démarche progressive de développement de projets d’importance économique croissante. Cette vision est une constante depuis la création du CODEV. Elle ne sera pas remise en cause lors des ajustements de 2003.

Tous les secteurs d’activité sont concernés même si l’agriculture (y compris l’élevage) occupe une place prépondérante compte tenu de l’histoire de la province et de son caractère majoritairement rural.