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Table-ronde : La coexistence

des modèles publics et privés

dans le système français

Le nouveau dispositif emprunte très clairement au modèle assurantiel et à la procédure issue de la grande loi d’indemnisation récemment adoptée dite Badinter7 de 1985 dont elle reprend les principes : réparation intégrale des atteintes à la personne, provisions, offre définitive et paiement après transaction enserrés dans des délais stricts.

Il était ancré alors dans les esprits qu’une indemnisation étatique ne serait ni rapide, ni satisfaisante et que le modèle assurantiel8 « automobile » paraissait le plus approprié pour indemniser les victimes d’attentats.

La gestion du FGVAT est immédiatement confiée, par convention, au FGA et à la lecture du code des assurances la proximité juridique de ces deux fonds se confirme ; leur existence légale est attestée par l’article L. 421-1 pour l’un, L. 422-2 pour l’autre.

En revanche force est de constater que l’assiette du financement est sans lien avec le risque couvert, le FGVAT étant financé par un prélèvement sur les contrats d’assurance de biens.

Nonobstant cette incohérence, un nouveau transfert de compétence s’opère par la loi du 6 juillet 19909, la charge de régler les indemnités allouées par les CIVI aux lieu et place de l’Agent Judiciaire du Trésor étant confiée au FGVAT qui devient alors le FGTI.

Ce transfert de mission s’accompagne d’une amélioration de la prise en charge des atteintes à la personne des victimes les plus gravement touchées qui sont désor-mais éligibles à une réparation intégrale, non subsidiaire et quel que soit le niveau de leurs revenus10.

II. LA PERCEPTION DU FGTI

Aucun des textes régissant l’intervention du FGTI n’évoque la notion de solidarité nationale, à la différence de la Sécurité sociale pour qui le législateur a été explicite11. Cependant, cette notion est bien présente, la Cour de Cassation ayant à plusieurs reprises affirmé que la victime d’infraction tirait son droit à indemnisation par le FGTI du principe de solidarité nationale.

Saisie d’une demande d’indemnisation à raison d’un accident de la circulation à l’étranger, donc sur le fondement d’une infraction, La Cour de cassation a affirmé que la législation française concernant l’indemnisation des victimes d’infractions devant la CIVI est destinée à assurer une indemnisation fondée sur la solidarité nationale, au moyen d’un système de garantie du risque social de la délinquance, confié à une juridiction civile spécialisée, avec une dérogation à la règle d’application de la loi du lieu du délit12. Elle a, ainsi, le caractère d’une loi d’application nécessaire excluant toute référence à un droit étranger.

7 Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 pour l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et l’accélération des procédures d’indemnisation.

8 Le décret n° 2017-143 du 27 avril 2017, codifié à l’article R. 422-4 du Code des assurances, confirme que le FGTI comptabilise ses opérations conformément aux règles applicables aux sociétés d’assurances.

9 Loi n° 90-589 du 6 juillet 1990 modifiant le code de procédure pénale et le code des assurances et relative aux victimes d’infractions

10 Art. 706-3 C. proc. pén.

11 Art. L. 111-1 al. 1er C. séc. soc. : « L’organisation de la sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale. » 12 Cass. 2e civ., 3 juin 2004, n° 02-12.989.

Cette analyse est de nouveau reprise par la Cour de Cassation13, saisie de la ques-tion de l’indemnisaques-tion par le FGTI d’une victime d’un accident de jet-ski survenu aux États-Unis.

Au-delà de la solidarité nationale, la jurisprudence se fonde également sur la notion d’un devoir de protection de l’État français à l’égard de ses nationaux.

C’est dans ces termes que la Cour de cassation, saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité, a justifié que la loi réserve l’indemnisation des faits commis à l’étranger aux seules victimes ayant la nationalité française par le fait que l’État a un devoir de protection à l’égard de ses nationaux, y compris en dehors de ses fron-tières14.

Concernant les victimes, leur perception du FGTI n’est pas la même selon la procédure d’indemnisation légalement prévue. Les victimes d’actes de terrorisme le perçoivent majoritairement comme un service public et dans une moindre part comme un assureur. Pour certaines victimes, la mise en place d’un dispositif d’indemnisation n’est pas suffisante et celles-ci tentent d’engager la responsabilité de l’État pour faute, considérant que l’acte de terrorisme aurait dû être évité15.

En revanche, les victimes d’infractions de droit commun, si elles perçoivent le FGTI majoritairement comme un service public, le considèrent dans une moindre part comme une institution judiciaire, confirmant à quel point la saisine obligatoire de la CIVI brouille les perceptions.

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En conclusion, il peut être constaté que le choix du modèle assurantiel s’est avéré pertinent en termes de souplesse et de réactivité. À titre d’exemple, il sera indiqué qu’au 31 décembre 2015 les provisions réglées aux victimes des attentats du 13 novembre 2015 atteignaient 12 millions d’euros.

La Cour des comptes a récemment salué la qualité de la prise en charge des victimes du terrorisme tout en soulignant que le financement, s’il ne pose pas de diffi-culté dans l’immédiat, s’inscrit dans un contexte de dépenses très dynamiques en faveur des victimes d’infractions de droit commun qui devrait conduire à réexaminer l’assiette de la contribution16.

Enfin et depuis l’adoption de la loi du 23 mars 201917, les victimes d’actes de terro-risme devront, en cas de contentieux avec le FGTI s’adresser au TGI de Paris exclusi-vement. Un juge dédié à l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme est créé qui sera seul compétent, à l’exclusion de la cour d’assises qui ne pourra plus statuer sur intérêts civils. L’indemnisation par le FGTI, qui a plus de trente ans d’existence, demeure ainsi un droit en mouvement.

Montants réglés par le FGTI en 2018 :

- Victimes d’actes de terrorisme : 45 millions d’euros

- Victimes d’infractions de droit commun (CIVI) : 324 millions d’euros

13 Cass. 2e civ., 25 janv. 2007, n° 06-10.514. 14 Cass. 2e civ., 5 sept. 2013, nos 13-40.037 et 13-40.038. 15 CE, 18 juillet 2018, n° 411156.

16 Cour des comptes, La prise en charge financière des victimes du terrorisme. Communication à la commission des finances du

Sénat, 2019 (https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-01/20190130-Indemnisation-victimes-terrorisme.pdf).

L

e droit suisse de la prise en charge des frais repose sur un ensemble de prin-cipe précis, clairement affirmé dans la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal) du 18 mars 1994 qui structure ce qui est appelé l’assurance maladie sociale. Il intéressera le lecteur français dans la mesure ou les réformes qui se sont étalées sur une vingtaine d’années en France, présentent au final, bien que réalisés et exécutés dans contexte social et politique très différents, au final de nombreuses similitudes avec les choix suisses.

Le droit suisse de la prise en charge des frais repose sur un ensemble de principe précis, clairement affirmé dans la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal) du 18 mars 1994 qui structure ce qui est appelé l’assurance maladie sociale. Il intéressera le lecteur français dans la mesure ou les réformes qui se sont étalées sur une vingtaine d’années en France, présentent au final, bien que réalisés et exécutés dans contexte social et politique très différents, au final de nombreuses similitudes avec les choix suisses.

L’omniprésence des assurances privées est la caractéristique majeure du système suisse de prise en charge des frais de soins. En effet, s’il existe une obligation d’as-surance pour la couverture des frais de santé celle-ci n’est pas organisée sous forme d’assurance sociale ou d’assurance de résidents, parmi les assureurs agréés de son lieu de résidence. Les outils juridiques en sont un contrat type sans sélection médicale comportant de garanties minimales légalement fixé à la charge des assurés, il n’y a pas de participation légale obligatoire d’un éventuel employeur par exemple mais des mécanismes de co-paiement (de participation des assurés) divers et très importants. Cette omniprésence n’empêche pas une stricte régulation étatique et un contrôle administratif des opérateurs et des opérations des assureurs privés.

S’ajoute à ce niveau de protection, un niveau complémentaire d’assurance privée. Cette couverture est quant à elle facultative et les organismes assureurs qui peuvent être à but lucratif ou non peuvent opérer une sélection médicale.