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Chapitre 6 : Récupération des métaux par extraction directe

5.2 Depuis les extraits riches en terres rares

Dans la mesure où l’extraction des terres rares depuis la biomasse sèche de D. linearis

s’est montrée efficace en présence d’extractants dissous en solution (acides forts et EDTA) ou fixés sur une résine, les deux pistes de récupération par précipitation sélective et adsorption ont été explorées.

Par précipitation sélective

La présence de matière organique dissoute ne permet pas de précipiter les terres rares sous forme d’hydroxydes, la stratégie employée a été de les précipiter sous forme d’oxalate (quelle que soit la solution d’extraction), puis de les brûler pour obtenir des oxydes. La problématique est de savoir si cette opération classique de l’hydrométallurgie des terres rares est applicable dans le cas de solutions très chargées en matière organique.

Cas de l’extraction à l’EDTA

Dans le cas de l’extraction à l’EDTA, des simulations d’équilibre en solution, avec le lanthane comme référence, ont permis de trouver des conditions optimales de précipitation dans ce milieu contenant deux complexants polyacides (acide oxalique et EDTA). Dans un premier temps, le problème a été simplifié en ne tenant pas compte de la matière organique apportée par la plante et les simulations ont été vérifiées par l’expérience (Figure 38 ). On voir alors qu’entre pH 1,2 et 2,3, les terres rares sont exclusivement sous forme oxalate malgré la présence d’une forte quantité d’EDTA. Les proportions optimales d’acide oxalique à ajouter ont pu ainsi être quantifiées.

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Figure 38 - Spéciation du lanthane dans une solution contenant de l’acide oxalique et de l’EDTA (l’expérience est représentée par des points, les simulations par des lignes) :

La3+ , La2Ox3 et , LaEDTA- et , et La(OH)2

La précipitation en conditions réelles (sur extrait de D. linearis) a permis de précipiter environ 70 % des terres rares, pour un rendement global (depuis l’extraction) de plus de 60 %. Contrairement à O. chalcidica, la matière organique présente dans l’extrait n’a que peu d’influence sur l’hydrométallurgie du système. Cependant, cette voie de synthèse présente deux inconvénients majeurs :

o l’utilisation d’un complexant coûteux (l’EDTA). Il peut, certes, être recyclé en partie (il précipite sous forme totalement protonée lors de l’ajustement du pH pour effectuer la précipitation à l’acide oxalique), mais, il contamine le solide final, donnant des oxydes riches en carbone ;

o la co-précipitation de calcium, qui est l’impureté principale du solide final.

Cas de l‘extraction avec des acides forts

Un raisonnement similaire a été adopté dans le cas de la précipitation des terres rares en présence d’acide sulfurique, comme extractant. Une augmentation de pH est nécessaire pour pour atteindre 2 à 3 et éviter la formation de sulfate de terre rares (TRSO4+). Dans ce cas, le rendement de précipitation dépasse 90 %, et atteint 72 % pour l’ensemble du procédé. La principale impureté détectée est le sodium, provenant de l’ajout de soude pour la remonté de pH. Le solide calciné est cristallisé et contient plus de 25 % en masse de lanthane et de néodyme, 10 % de cérium et 5 % de praséodyme. Finalement ce procédé permet de concentrer les terres rares du sol par un facteur 2 500.

Alors que l’extraction est un peu meilleure avec l’acide nitrique, la précipitation à l’acide oxalique ne donne lieu à la formation d’aucun précipité. Un retour vers la bibliographie a permis de montrer que les nitrates stabilisent les terres rares et qu’il faut soit augmenter leur concentration, soit celle d’acide oxalique. Le très large excès nécessaire rend ce procédé non viable.

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Par résine complexante

L’utilisation de la résine Amberlite IRN77 permet de s’affranchir de la problématique liée à la matière organique. En effet, les terres rares sont adsorbées et éluées sans que cette dernière n’ait d’influence. Les étapes successives sont les suivantes :

o adsorption avec 0,5 M d’HNO3 ;

o lavage de la colonne à l’eau déminéralisée (pour éliminer la solution résiduelle) ; o élution des cations (principalement divalents) avec l’injection de HNO3 0,75 M ; o élution des terres rares avec HNO3 3 M.

Les inconvénients majeurs de ce procédé résident dans le fait :

o qu’il consomme beaucoup d’acide nitrique et / ou que les solutions finales sont extrêmement diluées. En effet, il y a une co-adsorption de l’aluminium présent dans la plante. Pour éluer intégralement l’aluminium, il faut augmenter soit les volumes de solution d’élution des cations (et donc les temps opératoires), soit la concentration en acide. Dans ce cas, une partie des terres rares est éluée et donc perdue. Un compromis semble être atteint autour de 0,75 M d’acide nitrique (Figure 39) ;

o qu’il est surdimensionné (large excès de résine) et que la durée de vie de la résine reste encore à étudier.

Cependant, son atout majeur réside dans le fait que les terres rares se trouvent en solution nitrique, milieu optimal pour une séparation via le procédé Solvay La Rochelle.

Figure 39 - Volume (trait plein) et perte en terres rares (pointillés) en fonction de la concentration d’acide nitrique nécessaire pour éliminer l’aluminium de la résine Amberlite IRN77 [ACL6]

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Ce procédé reste cependant encore largement à étudier pour pouvoir faire l’objet d’un réel intérêt industriel. Un procédé mixte alliant lixiviation des cendres en condition alcaline (avec élimination de l’aluminium lors de cette phase) et séparation des divalents des trivalents par cette résine est aujourd’hui une voie qui semble plus pertinente. Il s’agit, en partie, du travail de doctorat de B. Jally.

Conclusion

Les différentes actions menées sur l’étude de la récupération des métaux directement depuis la biomasse des hyperaccumulateurs ont permis de répondre en partie aux questions soulevées. Il est effectivement possible d’extraire le métal de la plante par une lixiviation aqueuse avec de très bons rendements mais avec une grande hétérogénéité selon la plante choisie. Il est encore trop tôt pour catégoriser les hyperaccumulateurs, mais les rendements vont dépendre de la spéciation de l’élément cible dans les parties aériennes des plantes et un lien avec les études physiologiques doit pouvoir être établi. Deux cas très différents sont apparus dans les études menées sur le nickel et les terres rares. Alors que dans ce dernier cas, la matière organique n’a pas posé de problème majeur pour mettre en œuvre les opérations d’hydrométallurgie classiques, la récupération du nickel s’est avérée plus ardue. De forts complexant organiques sont extraits de la plante en même temps que le nickel, modifient la morphologie des solides précipités et polluent les solutions d’élution depuis les résines.

Aujourd’hui, les procédés proposés ne sont pas encore viables mais ont permis d’en comprendre les grands défis, de confirmer qu’il était possible de s’appuyer sur des simulations, et de dégager des pistes qui pourraient se révéler extrêmement pertinentes dans le développement de l’agromine.