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Chapitre 2 : Déchets, environnement et génie des procédés

2.2 Défis de la recherche dans l’économie circulaire

Objet mouvant

Dans la très grande majorité des cas, les questionnements scientifiques sur l’économie circulaire commencent par la présence d’un déchet, pour lequel il s’agit de trouver des solutions de valorisation. Ainsi, tout part d’un objet d’étude. Or, cet objet est « mouvant ».

Même si les chercheurs essaient de prélever des échantillons représentatifs, il n’en reste pas moins qu’il existe une variabilité importante en fonction de lieu de production et surtout au cours du temps. Un déchet étudié est souvent un cas particulier. Cette évolution rapide de la typologie du déchet est guidée par différent paramètres :

o la législation (réglementation, aides, pénalités) aussi bien au niveau local, gouvernemental ou européen, qui induit une modification des substances contenues dans les déchets ;

o l’évolution technologique, dans les procédés, pouvant modifier considérablement la composition, voire la forme physique d’un déchet. Cette phase est fortement liée au développement de nouveaux procédés et le développement par exemple de la chimie verte ;

o l’évolution de la demande sociétale. La consommation évolue en fonction des nouvelles solutions proposées et de la prise de conscience des citoyens qui induisent de nouvelles productions. Celle-ci est également très fortement en lien avec les modèles économiques, particulièrement avec le développement de solutions qui entrent dans le cadre de l’économie de la fonctionnalité.

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Projets ATI

2019 - 2021 : Evaluation des impacts environnementaux de l’EEIGM.

2017 - 2019 : Valorisation de déchets industriels d’une entreprise d’usinage. Société Cabanes Industries.

2015 - 2016 : Etude d’un filtre pour les eaux de ruissellement à partir de déchets. Société Colas Est.

2014 - 2015 : Etude d’une filière pour la valorisation des fenêtres. Société Caloriver. 2013 - 2015 : Etude comparative et évaluation des performances du procédé de tri en vigueur. Société Corepa Derichebourg.

Projet GAIA

2019 - 2020 : La déchèterie du futur de la ville Les Forges. Société Sicovad.

Projet matériaux

2014 - 2015 : La filière de recyclage des panneaux photovoltaïques.

Projet de recherche et développement ENSIC (collaboration avec l’Académie des Technologies)

2019 - 2020 : Etude des procédés de recyclage : systèmes de collecte de déchets existants dans le monde et démarches d’optimisation.

2019 - 2020 : Economie circulaire : le recyclage des composites.

2019 - 2020 : Economie circulaire et recyclage des batteries des véhicules électriques.

Apprentissage Master SPIEQ

2015 - 2017 : Veille règlementaire environnementale et gestion globale des déchets de Novacarb. Société Novacap.

Stage de fin d’étude EEIGM

2020 : Développement d’un questionnaire RSE pour l’industrie du textile de luxe. Société DeRigueur.

2019 : Intégration de plastique recyclé dans la fabrication de pare-chocs de voiture. Société Plastic Omnium.

2018 : Evaluation du recyclage de joints par analyse de cycle de vie. Société Vertech Group. 2018 : Analyse du cycle de vie sur un procédé innovant utilisant la lignine oxydée en tant que plastifiant et dispersant. Société Vertech Group.

2016 : Mise en place d’un procédé de recyclage de composites. Société Cetim-Cermat.

Apprentissage CNAM filière éco-conception

2019 - 2022 : Intégration de pile usagées dans la fonte pour la fabrication de moyeux de camion et recyclage du sable des moules de coulée. Société Fiday Gestion.

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Il en résulte souvent, sauf pour quelques cas particuliers, que les gisements stables sont difficiles à trouver et que le monde du déchet est en permanence en régime transitoire. Par conséquent, le temps du déchet n’est souvent pas compatible avec le temps de la recherche et les connaissances acquises peuvent s’avérer être dépassées rapidement.

Objet complexe

Outre son instabilité de composition en fonction du lieu et du temps de production, le déchet est un objet complexe. Il est souvent constitué d’un mélange d’éléments, dont une partie seulement est à valoriser. La présence conjointe de fractions organiques, minérales (souvent mal caractérisées), de facteurs biotiques et abiotiques viennent complexifier les approches scientifiques pour traiter un déchet.

De plus, qu’il s’agisse d’un objet de grande consommation, comme un équipement électrique et électronique ou un déchet industriel, comme une boue issue d’un traitement de surface, les éléments de valeur sont souvent dilués dans une matrice. Ainsi la carte électronique contenant des métaux précieux est emprisonnée dans un agrégat de plastiques (polymères chargés de toutes sortes). Les métaux sont alors concentrés puis séparés pour avoir une seconde vie. Il faut noter que le mélange d’éléments, et particulièrement de métaux, est souvent original et ne correspond pas à ce qu’il est possible de trouver lors de leur extraction dans les minerais. Ainsi, les procédés de séparation établis de longue date ne sont pas adaptés.

Enfin, les questions de stabilité thermodynamique sont fréquemment en jeu. En fonction des cinétiques mise en œuvre, le comportement d’un déchet peut être différent suivant son vieillissement. Ainsi les comparaisons scientifiques sont parfois difficiles, car finalement, il ne s’agit plus du même déchet.

Objet peu rentable

Rentabilité économique

La rentabilité du traitement d’un déchet peut se voir sous deux angles : l’aspect économique et l’aspect environnemental. Il n’est pas question ici de rentrer en détail sur le premier. De nombreux facteurs entrent en compte pour qu’une filière soit viable économiquement (pour plus de détails sur ces aspects voir [30]). La recherche peut simplement avoir une prise forte sur les coûts liés aux procédés de recyclage. En particulier, les procédés simples (avec peu d’opérations unitaires), automatisés, peu consommateurs de matière et d’énergie, peu producteurs de déchets et peu dangereux ont le plus de chance de diminuer les coûts de traitement. Ils doivent être également robustes pour s’adapter aux variations de compositions des gisements. Pour atteindre cet objectif de simplicité, il faut souvent du temps, des progrès pas à pas, parfois changer de stratégie. Malheureusement, la nécessité de montrer très tôt la rentabilité possible dès la

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demande de financement pour commencer le projet et très souvent incompatible avec ce temps nécessaire.

Rentabilité environnementale

La rentabilité environnementale est une exigence absolue lorsque l’on travaille sur les déchets. La valorisation d’un déchet ne doit pas s’accompagner de la création d’impacts plus importants que le gain généré par la substitution de matière première. Comme la rentabilité économique, elle n’est pas forcément immédiate dès le début des recherches, mais doit être atteinte.

Il existe différents moyens d’évaluer un procédé : des calculs développés dans le cadre des principes de la chimie verte permettent une première approche dans le développement de nouvelles voies de synthèse. Il s’agit du facteur d’utilisation atomique UA ou économie d’atomes (Équation 1) et le facteur E (Équation 2) [31].

𝑈𝐴 (%) = 𝑚𝑎𝑠𝑠𝑒 𝑑𝑢 𝑝𝑟𝑜𝑑𝑢𝑖𝑡 𝑑é𝑠𝑖𝑟é

∑ 𝑚𝑎𝑠𝑠𝑒𝑠 𝑑𝑒𝑠 𝑝𝑟𝑜𝑑𝑢𝑖𝑡𝑠 . 100 (1)

𝐸 = ∑ 𝑚𝑎𝑠𝑠𝑒𝑠 𝑑𝑒𝑠 𝑑é𝑐ℎ𝑒𝑡𝑠

𝑚𝑎𝑠𝑠𝑒 𝑑𝑢 𝑝𝑟𝑜𝑑𝑢𝑖𝑡 𝑑é𝑠𝑖𝑟é (2)

Plus UA est élevé, plus les atomes introduits par les réactifs servent à former le produit final et plus l’économie d’atomes est importante. Le Tableau 8 donne des ordres de grandeurs pour E, qui montrent que plus le composé produit est complexe, plus la quantité de déchet générée est importante.

Tableau 8 - Ordre de grandeur du facteur E en fonction du secteur d’activité (modifié de [31])

Seule l’analyse de cycle de vie (ACV) permet de quantifier les impacts sur un procédé. Il s’agit d’une analyse multicritère normalisée (14040 à 14044), qui prend en compte différents impacts en fonction des méthodes de calculs (comme le réchauffement

Secteur Tonnage annuel

pour une unité de production E

Chimie lourde 104 - 106 1 - 5

Chimie fine 102 - 104 5 - 50

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climatique, l’épuisement des ressources ou encore l’eutrophisation) pour un système d’étude clairement défini [32]. Une unité fonctionnelle est préalablement explicitée pour permettre la comparaison des impacts entre des procédés, produits ou services, en se basant sur une même fonction. Ainsi, dans le cas de la comparaison de procédés de production d’un composé chimique, elle peut être : « produire un kilogramme du composé contenant x impuretés, en France, en 2020 ». Cette analyse est intéressante car elle permet de prendre en compte les déplacements de pollution.

L’ACV est indispensable pour pouvoir qualifier un procédé de « vert », c’est-à-dire avec moins d’impacts que ses concurrents. Mais elle est longue, et requiert beaucoup de données et dont certains impacts sont encore mal quantifiés (comme l’érosion des sols, la prise en compte des services écosystémiques etc.). Elle se fait a posteriori, mais il est possible d’effectuer ensuite des modifications des procédés in silico, pour évaluer les améliorations possibles. On parle alors d’éco-conception. L’expérience permet de valider dans un second temps ces changements (d’un point de vue environnemental mais également d’un point de vue technique).

Les caractéristiques des déchets, et particulièrement la dilution des composés d’intérêt, font qu’il est souvent nécessaire d’additionner les opérations d’extraction et de concentrations (et de multiplier les entrants), rendant les procédés peu compétitifs environnementalement. Avec le coût économique, c’est sans doute une des raisons qui freinent le développement du recyclage.

2.3 Apport du génie des procédés dans l’économie circulaire