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Nous allons dans cette partie nous int´eresser `a la densit´e de porteurs que l’on peut d´eduire `a partir de la fr´equence d’oscillations.

Tout d’abord, int´eressons nous au r´egime surdop´e. Nous avons vu que d’apr`es les mesures d’ARPES, la surface de Fermi des cuprates surdop´es consiste en un grand cylindre, dont la taille correspond `a 65 % de la premi`ere zone de Brillouin (PZB) dans le cas de Tl-2201 par exemple. La taille de ce cylindre est en tr`es bon accord avec les calculs de structures de bandes LDA. Ceux-ci pr´evoient que la densit´e de porteurs par atome de Cuivre ´evolue avec le dopage comme n = 1 +p, o`u p est le dopage et n le nombre de porteurs par atome de Cuivre (pour un plan CuO2). En effet, `a dopage nul, les compos´es sont des isolants de Mott avec un porteur par atome de Cuivre. Le dopage p correspondant au nombre de porteurs (trous) que l’on rajoute dans les plans, on s’attend donc `a ce que la densit´e de porteurs soit n= 1 +p en augmentant le dopage. De plus, ces r´esultats sont en accord avec le th´eor`eme de Luttinger, qui stipule que l’aire de la surface de Fermi en pr´esence d’interactions est la mˆeme que pour des ´electrons libres, c’est-`a-dire qu’elle est d´etermin´ee par la densit´e de porteurs de la cellule unit´e. La densit´e de porteurs par atome de Cuivre et par plan est ainsi donn´ee dans un cas 2D par :

n= Ak

2ab= F

φ0ab (5.7)

o`u Ak est l’aire de l’orbite cyclotron d´etermin´ee par la relation d’Onsager, F la fr´equence d’oscillation,φ0=2.07×1015Tm2 le quantum de flux etabest l’aire occup´ee par un atome de Cu. Si on consid`ere la densit´e de porteurs trouv´ee `a la fois par les mesures d’effet Hall, d’AMRO et d’ARPES pour le compos´e Tl2Ba2CuO6+δ avec p=0.25, celle-ci vaut n=1.26

±0.04 trous par atome de Cuivre. Cette valeur correspond `a la valeur attendue par les calculs de structures de bandes n= 1 +p. Dans le cas du compos´e surdop´e Tl-2201, la fr´equence d´etermin´ee par les r´ecentes mesures d’oscillations quantiques implique que Ak repr´esente

65 % de la PZB, ce qui est en accord avec un nombre de porteurs den∼1.30 [112]. Cependant, cet accord entre la th´eorie et l’exp´erience n’est obtenu que du cˆot´e surdop´e du diagramme de phase. En effet, il semble que dans le cas des cuprates sous-dop´es, les corr´elations ´electroniques mais surtout l’ouverture du pseudogap entraˆıne que la densit´e de porteursnsoit plutˆot proportionnelle `ap et non 1 +p.

Le fait que nous ayons confirm´e le caract`ere (quasi-)bidimensionnel de la surface de Fermi observ´ee par les oscillations quantiques nous permet de supposer que la densit´e de porteurs par atome de Cuivre par plan peut ˆetre ´egalement d´etermin´ee par la formule 5.7. On trouve ainsi que pour le compos´e YBa2Cu3O6.5 , une fr´equence de 530 T correspond `a n = 0.019 porteurs par atome de Cu et pour le compos´e YBa2Cu4O8 , une fr´equence de 660 T implique quen= 0.024 porteurs par atome de Cuivre (en consid´erant 2 plans CuO2 par maille ´el´ementaire). Bien que les mesures d’oscillations quantiques ne permettent pas

de d´eterminer le nombre de poches pr´esentes dans la surface de Fermi, il parait difficile de concilier la th´eorie des bandes avec une si faible densit´e de porteurs. En supposant que (presque) toutes les poches de la surface de Fermi ont ´et´e observ´ees, la densit´e de porteurs d´etermin´ee semble ˆetre plus en accord avec l’hypoth`ese quen=pdu cˆot´e sous-dop´e.

Cette id´ee est ´egalement sugg´er´ee si on regarde la taille de la section extr´emale de la SF perpendiculaire au champAk via la relation d’OnsagerAk= 2πeF/~. Si on consid`ere la valeur de la densit´e d´etermin´ee par la th´eorie des bandes, on doit avoir pour les compos´es YBa2Cu3O6.5 et YBa2Cu4O8 n=1.1 etn=1.14 respectivement, ce qui correspond `a une aire Akrepr´esentant 55 % et 57 % de la PZB dans chacun des cas. Or, nous avons vu que l’aire d´etermin´ee `a partir de la fr´equence d’oscillation ne repr´esente que 2 % pour ortho-II et 2.4 % pour Y124 de la PZB. Ceci sugg`ere fortement une chute de la densit´e de porteurs quand le dopage diminue d’un ordre de grandeur, passant de n = 1 +p du cˆot´e surdop´e `a n = p du cˆot´e sous-dop´e. Ce comportement ´etrange peut par exemple ˆetre vu comme l’ouverture du pseudogap qui entraˆıne que des parties de la surface de Fermi sont gapp´ees en dessous deTc.

Cette observation est support´ee par plusieurs autres mesures exp´erimentales. Nous allons ici citer les plus significatives d’entre elles. Sur la figure 5.11, on compare la densit´e de porteurs en fonction du dopage d´etermin´ee dans les exp´eriences et celles trouv´ees `a partir des mesures d’oscillations quantiques (en consid´erant la pr´esence d’une seule poche et d’un seul plan CuO2 par cellule unit´e). Int´eressons-nous dans un premier temps aux mesures de longueur de p´en´etrationλ. A basse temp´erature, la longueur de p´en´etration est directement proportionnelle `a la densit´e superfluide ns = m∗

µ0e2λ2 o`u m est la masse effective et µ0 la perm´eabilit´e magn´etique du vide. On suppose ici que la densit´e superfluide dans l’´etat supraconducteur correspond `a la densit´e de porteurs dans l’´etat normal de l’´etat sous-dop´e [217]. En prenant la valeur de λ=(202 ± 22)nm trouv´ee dans le cas du compos´e ortho-II [228] et en consid´erant d’apr`es nos r´esultats quem 2m0, on trouve une densit´e superfluidens'0.12 porteur par atome de Cuivre par plan1. On constate que cette valeur est plus proche de p=0.1 que de 1 +p= 1.1. Les mesures r´ealis´ees par D.M. Broun et al.

dans des compos´es YBCO tr`es sous-dop´es vont ´egalement dans ce sens [229]. Une autre observation significative concerne les mesures du coefficient de Sommerfeld γ dans l’´etat normal des cuprates sous-dop´es. Sur la figure 5.11 est repr´esent´ee le saut de chaleur sp´ecifique ∆γ(Tc) = γ(T)−γ(120K) en fonction du dopage issue de [230]. Alors que pour p >0.19 ∆γ(Tc) est pratiquement constant, celui-ci diminue brutalement une fois pass´e ce dopage critique. Cela va aussi dans le sens d’un changement (brutal) de la densit´e de porteurs vers le dopage critiquepcrit=0.19. Une chute drastique de la densit´e d’´etat peut expliquer cette diminution brutale de chaleur sp´ecifique. Une ´etude syst´ematique en fonction du dopage de la constante de Hall a ´et´e r´ealis´ee par Balakirev et al. [217]. Sur la figure 5.11 nous avons report´e les donn´ees de nH = 1/eRH pour le compos´e Bi2Sr2xLaxCuO6+δ mesur´e pour T <1.6K. L`a encore, le nombre de Hall pr´esente un changement drastique de comportement avec le dopage `a proximit´e du dopage critique pcrit; au lieu d’´evoluer de fa¸con monotone comme 1 +pavec le dopage, on peut voir que celui-ci a tendance `a se rapprocher denH =p `a faible dopage.

Cependant, on peut noter que si on suppose que la densit´e de porteur du cˆot´e sous-dop´e v´erifie n = p et quelque soit le nombre de poches de trous qui constituent la surface de Fermi, le th´eor`eme de Luttinger n’est pas v´erifi´e dans le r´egime sous-dop´e. En effet, nous

1. La densit´e par atome de Cuivre par plan est ´egale `ans= m

µ0e2λ2×abc, o`uabc= (0.38227×0.38872× 1.17)nm3= 1.7385×1028m3est le volume de la maille ´el´ementaire.

Densit´e de porteurs - Th´eor`eme de Luttinger

avons vu que d’apr`es celui-ci, la contribution d’une poche est den=0.019 porteur par atome de Cu pour ortho-II alors que le dopage estp=0.1 et n=0.024 porteur pour Y124 pour un dopagep=0.14. Il parait donc impossible de v´erifier le th´eor`eme de Luttinger si on consid`ere que seules des poches de trous sont pr´esentes, et ce quelque soit leur nombre.

Le fait d’avoir une faible densit´e de porteurs proportionnelle `apdu cˆot´e sous-dop´e ainsi que la pr´esence d’une poche d’´electrons vont dans le sens d’une reconstruction de la surface de Fermi, entre un m´etal caract´eris´e par une grande surface de Fermi de type cylindrique dans le r´egime surdop´e et un m´etal caract´eris´e par de petites poches dans le r´egime sous-dop´e. D’apr`es nos donn´ees, cette transition apparaˆıt autour d’un dopage critique situ´e entre p=0.14 etp=0.25. 0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25 0.30 0.35 0.40 0.0 0.5 1.0 1.5 R H (Balakirev et al.) n s (Broun et al.) nS (Pereg-Barnea et al.) OQ Dopage p D e ns it é d e p or te ur s (p ar a to m e d e C u p ar p la n) n=1+p 0.0 0.5 1.0 1.5 CV (Loram et al.)

∆γ

(T c ) p

Figure 5.11 – Densit´e de porteurs par atome de Cuivre en fonction du dopage estim´ee `a partir de diff´erentes sondes exp´erimentales. Les lignes en pointill´es repr´esentent la valeur du nombre de porteurs issu des calculs de structures de bandes LDAn= 1 +pet la valeur que la densit´e de porteur semble atteindre dans le r´egime sous-dop´en=p.

Nous venons de voir qu’un sc´enario selon lequel la surface de Fermi serait constitu´ee de quatre poches nodales ne satisfait pas le th´eor`eme de Luttinger mais qu’il ne permet pas non plus d’expliquer le signe n´egatif de l’effet Hall observ´e pour trois dopages diff´erents. En supposant que la surface de Fermi contient d’autres poches qui ne seraient pas observ´ees dans les exp´eriences d’oscillations quantiques, alors la r`egle de somme peut ˆetre satisfaite.

Pour cela, ´etudions le cas du compos´e YBa2Cu3O6.5 . En consid´erant que la poche observ´ee dans les exp´eriences SdH est une poche d’´electrons, la fr´equence d’oscillation SdH mesur´ee F=530 T correspond `a une densit´e de porteurs de ne=0.038 ´electrons par atome de cuivre (en ne consid´erant qu’un seul plans CuO2 de la cellule unit´e). En supposant que la densit´e de porteur ”totale”nest ´egale au dopage, alors on a :

o`u nh est la densit´e de trous. Il s’ensuit que la densit´e de trous par atome de cuivre (pour les deux plans) vautnh = 0.138, conduisant `a une poche correspondant `a F = 960 T.

Il en est de mˆeme pour le compos´e YBa2Cu4O8 , o`u la fr´equence SdH mesur´eeF = 660 T implique quene = 0.048 ´electrons par atome de Cu. Le dopage ´etant estim´e `ap'0.14, cela entraˆıne que la densit´e de trous par atome de Cu estnh = 0.188, soit une fr´equence associ´ee `a la pocheF= 1300 T.

Ainsi, les mesures SdH ne sont plus en contradiction avec le th´eor`eme de Luttinger. Cependant, la question qui se pose maintenant est de savoir comment des poches d’´electrons peuvent apparaˆıtre dans un compos´e qui `a priori ne poss`ede que des porteurs de type trous ?