• Aucun résultat trouvé

De la nécessité d’une recherche exploratoire en 2008

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 50-54)

6. Une méthodologie en deux temps

6.1. De la nécessité d’une recherche exploratoire en 2008

La particularité et la difficulté de notre terrain résident dans le caractère événementiel : le Livre sur la Place n’a lieu qu’une fois pas an. Autant dire que les éditions qui ont eu lieu au moment de la recherche ne pouvaient en aucun cas être manquées ou sous-exploitées. Il a donc fallu adapter la méthodologie à la labilité de l’objet. Pour cela, l’enquête in situ s’est déroulée en deux temps. Le premier fut entièrement consacré à une recherche de type exploratoire (enquête de fréquentation et observations) et le second à la conduite d’entretiens semi-directifs.

L’année 2009 correspond à la fois aux trente ans du Livre sur la Place et à l’année charnière de cette recherche, commencée en 2008. Ainsi, en septembre 2009 – époque à laquelle se déroule habituellement le salon –, les organisateurs ont-ils fêté les trois décennies d’existence du salon. Par conséquent, nous avons jugé opportun d’arrêter notre enquête en 2009, date d’anniversaire symbolique1. Néanmoins, puisque l’un des objectifs de cette enquête est de saisir le moment de la rencontre entre un écrivain et un visiteur, force est de constater que les recherches qui ont précédé l’année 2008 – et de ce fait le début de l’enquête – servent davantage à retracer l’historique du salon qu’à étudier les implications réelles de cette mise en co-présence. Malgré tout, la consultation des archives du Livre sur la Place – interrogées et analysées aux Archives municipales de la ville de Nancy2 – a apporté des informations indispensables sur l’évolution de l’événement au fil des ans. Ces données – uniquement disponibles aux Archives – comprennent les thèmes d’édition et leurs présidents successifs, la liste des auteurs présents, le programme de chaque année, la disposition des stands et leur transformation, sans oublier les dossiers de presse réalisés par la Direction des affaires culturelles (DAC) de la ville de Nancy. À cette occasion, précisons qu’un entretien

1 Certes des entretiens ont eu lieu en 2010, mais nous n’avons pas fait d’enquête, en septembre 2010, au moment du salon.

2 Un stage effectué du 1er mars au 30 mai 2008 au sein des Archives municipales de la ville de Nancy nous a notamment permis de consulter le fonds de l’Académie Goncourt – instance partenaire du Livre sur la Place – déposé en 2007.

49 directif1 conduit auprès de la Directrice des affaires culturelles, Véronique Noël, et de la personne en charge de la coordination du Livre sur la Place, Michèle Maubeuge, s’est déroulé le 15 février 2008 (annexe 7.1). Celui-ci permet de confronter le discours des organisateurs avec les archives consultées et d’en préciser le contenu. En vue de contextualiser l’événement, les deux interlocutrices ont été interrogées plus spécifiquement sur les objectifs culturels, sociaux et politiques du salon.

Le dépouillement des archives a été suivi d’une enquête exploratoire en septembre 2008 conduite sur les lieux de la manifestation. Celle-ci avait pour but de recueillir – à partir d’observations diverses – des données objectives sur le salon, d’établir des contacts avec les acteurs de l’événement, de tester la trame de nos entretiens (en particulier celle destinée aux écrivains), de commencer la constitution d’une revue de presse dense et, enfin, de conduire une enquête de fréquentation auprès des publics. L’enquête de fréquentation, réalisée au cours de la trentième édition du Livre sur la Place en 2008 – du 18 au 21 septembre –, consiste en l’administration d’un questionnaire d’une quinzaine de questions2 que nous avons lues aux visiteurs à la sortie du chapiteau. Les questionnaires ont été administrés à hauteur de 30 par demi-journée, soit un total de 180. Cet échantillon comprend 70 % de femmes et 30 % d’hommes. Les répondants sont âgés de 15 ans à 83 ans. 65 % d’entre eux vivent dans le Grand Nancy3, dont 32,8 % à Nancy même. Les répondants sont majoritairement des cadres ou issus de professions intellectuelles supérieures (21,1 % dont 34,2 % d’enseignants). Les retraités représentent également une part importante, soit 21,1 %. Avec près de 130 000 visiteurs par an, nous sommes conscients que la question de la représentativité de notre échantillon fait défaut. Toutefois, le caractère exemplaire de cette étude a mis en évidence un certain nombre de caractéristiques – voire parfois de tendances – liées à la pratique du Livre

1 Tous les entretiens ont été enregistrés, sauf mention contraire pour des raisons d’anonymat. Les propos des enquêtés tout comme les renseignements factuels ont été retranscrits et figurent en annexes.

2 Les questions portent essentiellement sur les raisons et conditions de leur venue au Livre sur la Place ainsi que sur leur connaissance du salon (depuis quand fréquentent-ils le salon ? Pour quelles raisons s’y rendent-ils ? Sont-ils venus seuls ou accompagnés ? Comment ont-ils eu connaissance de l’événement ? Ont-ils discuté avec un écrivain ? Lui ont-ils acheté un livre ? Savent-ils depuis quand existe le Livre sur la Place et qui l’organise ?).

Quelques questions portent sur la fréquentation d’autres manifestations littéraires, sur celle des librairies et des bibliothèques. Voir annexe 1.

3 La Communauté urbaine du grand Nancy (CUGN) est composée de vingt communes : Art-sur-Meurthe, Dommartemont, Essey-lès-Nancy, Fléville-devant-Nancy, Heillecourt, Houdemont, Jarville-la-Malgrange, Laneuveville-devant-Nancy, Laxou, Ludres, Malzéville, Maxéville, Nancy, Pulnoy, Saint-Max, Saulxures-lès-Nancy, Seichamps, Tomblaine, Vandœuvre-lès-Nancy et Villers-lès-Nancy.

50 manifestation – une série d’entretiens semi-directifs auprès de trois représentants de maisons d’édition1 et de cinq écrivains2 présents sur les lieux du salon. Puisqu’il s’agissait, avant tout, de mettre à l’épreuve nos questions, la sélection de ces auteurs s’est faite de manière aléatoire.

De même, ces entretiens « tests » ont appris beaucoup sur la méthodologie qu’il a fallu appliquer à l’avenir. Nous avons compris que les interviews des auteurs ne pouvaient pas se dérouler au moment du salon et encore moins sous le chapiteau. D’une part, le bruit et l’agitation ont rendu le contexte de prise de parole très désagréable et d’autre part, les écrivains étaient sans cesse interrompus par les visiteurs. C’est pourquoi il nous a paru évident de mener les autres entretiens, ceux de 2009, non pas au moment de l’événement mais avant ou après, dans un lieu plus calme. Malgré tout, nous ne regrettons pas cette investigation dans la mesure où nous avons pu observer de manière participante de quelle manière les auteurs négociaient l’approche des visiteurs. De plus, nous avons appris que certaines de nos questions étaient mal formulées, trop imprécises ou, au contraire, trop pointues (pour plus de détails, voir les précisions méthodologiques qui figurent en annexe, avant chaque entretien).

Enfin, il nous a semblé opportun de profiter de cette immersion pour observer des moments de rencontre inscrits dans des dispositifs de médiation différents. Aussi avons-nous assisté à la rencontre, programmée à l’Hôtel de Ville de Nancy, le 19 septembre 2008, entre l’écrivain Daniel Pennac et sept classes d’élèves de CM1. L’observation de ce dispositif de médiation spectacularisée fut riche d’enseignements, notamment pour ce qui a trait à la mise en scène de l’écrivain (c’est la dimension technique du dispositif qui est alors examinée avec attention), à

1 Il s’agit de Béatrice Borella, bénévole pour la maison d’édition parisienne « Le Grand souffle » (entretien, 18/09/08), de Boris Maxant, animateur culturel pour la maison d’édition lorraine « Paroles de lorrains » (entretien, 19/09/09) et de la représentante de la Fédération des éditeurs luxembourgeois (entretien, 18/09/09).

Voir annexe 2.

2 Il s’agit d’Élise Fischer, Patrick Clapat, Pierre Denis, Gérald Tenenbaum et un auteur primo-romancier ayant souhaité gardé l’anonymat (il sera cité sous la lettre majuscule X). Voir le tableau de correspondance et la retranscription de ces entretiens en annexe 3.

51 son comportement face aux enfants et aux réactions de ces derniers. Suite à cette rencontre, nous nous sommes rendue dans l’une des écoles dont les élèves étaient présents à l’Hôtel de Ville, celle de Boudonville à Nancy, le 26 septembre 2008. L’institutrice, madame Seuvic, nous a ainsi accordé un entretien (voir annexe 4.3) et nous a autorisée à nous rendre dans sa classe pour poser des questions à ses élèves. Cette enquête a permis de comprendre de quelle manière une rencontre, avec un auteur dont le livre a été lu en classe, est préparée, en amont, avec le professeur des écoles. Force est de constater que ce type d’activité fait dorénavant partie intégrante du programme scolaire. La lecture du livre, la préparation de la rencontre, les questions posées à l’écrivain puis la séance de travail en classe qui clôt la séquence1, telles sont les étapes pédagogiques qui gravitent autour d’un moment partagé avec un auteur.

Ici, restait l’analyse d’un dernier dispositif de médiation : celui de la médiation décentralisée.

Pour cela, nous nous sommes rendue dans une autre école qui, cette fois-ci, ne s’est pas livrée au jeu de la rencontre sur les lieux de l’événement mais, au contraire, a accueilli dans son enceinte un auteur présent sur les stands du salon. C’est l’auteur jeunesse Muriel Zürcher2 qui s’est déplacée le 19 septembre 2008 à l’école publique de Buthégnémont à Nancy pour aborder des questions élémentaires de santé (c’est le sujet du livre qu’elle présentait au salon) avec la classe de CM2 de madame Dominique Kissienne3. Tout comme la rencontre avec Daniel Pennac, cette observation nous a beaucoup appris sur ce dispositif particulier de médiation. On observe notamment que la position – et plus largement le statut – de l’écrivain est extrêmement variable et instable dans ce type de configuration. L’écrivain n’est plus seulement là pour parler de son livre. En effet, il semble pris dans une spirale où il revêt, de manière consécutive, le costume d’écrivain, celui de professeur, en passant par celui d’acteur de théâtre. Mais ces propos seraient restés à l’état de conjectures si nous n’avions pas pu renforcer nos observations par des entretiens conduits auprès d’écrivains concernés tels que, justement, Muriel Zürcher. Cette dernière nous a accordé un entretien (voir annexe 4.1) à la sortie de son intervention dans la classe de Buthégnémont. Grâce à cet échange – et d’autres

1 C’est précisément à cette dernière séance de travail que nous avons assisté.

2 Muriel Zürcher est auteur jeunesse et travaille dans le milieu médical. En 2008, elle présente au Livre sur la Place un livre intitulé La santé à petits pas (Paris, Éd. Actes Sud Junior). Notons que c’est la première fois qu’elle participe à ce salon.

3 Madame Kissienne a accepté de répondre à nos questions, non sous la forme d’un entretien, mais d’un

« questionnaire » – composé exclusivement de questions ouvertes – qu’elle nous a retourné une fois rempli. Voir annexe 4.2.

52

que nous avons menés ultérieurement –, nous avons pu mettre à jour les risques d’instrumentalisation auxquels l’écrivain s’expose lorsqu’il participe à des activités dites

« paralittéraires » (Lahire, 2006 : 331). Enfin, cette enquête, réalisée au cours de l’édition 2008 du Livre sur la Place, fut ponctuée par une série d’observations conduites sur les lieux de l’événement. Il s’agissait, d’une part, d’observer le mouvement du public, la mise en scène des lieux, la répartition des écrivains sur les stands... (c’est-à-dire tout ce qui se déroule sous le chapiteau) et, d’autre part, les différentes animations1, remises de prix2 et inaugurations3 qui jalonnent les quatre jours de l’événement – et qui ont lieu, pour la plupart, à l’extérieur du chapiteau.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 50-54)