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,

leconcile provincial de Sens futconvoqué àParis pour procéder contreles Templiers.

PierredeBoulogne et trois autres chevaliers procurateurs de*soixante et quinze , ayant apprisquececoncile allait

'

condamner

plusieursdeleurs frères,

demandèrent

audience àlacommission papale

, pour en appeler de ce concile au

pape

lui-même.

La

commission réponditqu’ellene pouvait s’occuper decet appel

, parce que l’archevêque de Sens, ainsiqueles

membres du

concile , avaient mission

du

sou-verainpontifepourinformer contrelesTempliers. Pendant

.

que

lacommission procédait à l'audition des témoins

, on

apprend

queleconcilede Sensa

condamné

aufeu cinquante-quatrechevaliersqui, après avoirfaitdes aveux,lesavaient ensuite rétractés. Ces malheureux souffrirent la

mort

avec

un

courage admirable.

Leur

supplice causa

une

grande

consternation parmi les autres accusés qui témoignèrent leurs craintes devant les commissaires

du

pape; aloraces derniers résolurentde suspendrelesinterrogatoires,jusqu’au 3

Novembre

suivant.Cela n’empêchapasqu’une assemblée

(1) M. Rayuounrd,p. i36. ' v .

'

(2) Dupuy,p.

5â-21

tenueàSeiriis ne

condamnât

au feu neufchevaliers. Les conciles

du Pou

t-de-1’

Arche

et de Carcassonne en

con-damnèrent

aussi plusieurs.

Le duc

de Lorraine, Thiëbault, quiétait très-lie avec Philippe le Bel, fit éncore exécuter quelques Templiers. Enfinl’archevêque de Sens

convoqua un

second concilequi

condamna

quatre chevaliers.

On

a peine à croire qu’au

nom

de la religion de Jésus-Christ,

on

ait

pu commettre

detelsactes d’atrocité.

Voyons

maintenant cequi se passa dans lesautres états del’Europe

,

les assembléeset les conciles durentêtre pluslibres

que

ceux

setrouvaientdesenvoyés de

Philip-pe

le Bel.

En i3n

,

on

interrogea quelques Templiers dans

un

conciletenu à

Ravenne

(i).

U

neparaîtpasqu’ilsaient été appliqués à la question, seulement

on

les en

menaça,

et aprèsplusieurs délibérations,

on

décidaqu’on devait

con-damner

lescoupables et absoudreles innocents;

on

plaça

au nombre

decesderniersceux qui

, par craintede la tor-ture,avaientfaitdesaveuxet s’étaientensuite rétractés.

M.

JRaynouard (2) parle de deux conciles tenus l’un à

Mayence,

l’autreàTrêves.

Ce

fut dans le premier qu’un

commandeur, nommé Hugues

Sauvages,seprésenta, avec vingt chevaliers, tous enarmes, aumilieu del’assemblée, etaprès avoir soutenu fortementl’innocencedel’ordre, en appelaau papefutur. L’archevêque fut obligédeserendre àsa

demande,

maissur de nouveaux ordres qu’il reçut, il

procéda

une

secondefois contre lesTempliers.qui protes-tèrent encore de leur innocence. L’information priseà Trêvesjustifia aussiles chevaliers.

(1) Fleury, hist. ecclés. t. 19. p. 97.

(2) M. Ray. mon.hist. p. 124.

22

Les archevêques(i)de Pise, de Florence, de

Lombar»

dieetde Toscane mirent aussi en jugementles Templiers qui, d’aprèsla dépositiondeplusieurstémoins» furent

clai-rement

convaincus des

mêmes

crimesque ceux

de

France.

11

y

eut

un

concileà

Salamanque où

assistèrent dix évê-ques, présidésparl’archevêquedeTolède.Trentechevaliers furent interrogés et déclarésinnocents,cependant le tout fut renvoyéau.pape.

On

entendit

un

grand

nombre

de témoins dans Pile de

Chypre

(a).

M- Raynouard

rapportequeleschevaliers, aii

nombre

desoixante-quinze, attestèrent tous l’iunocence de l’ordre;

Dupuy

dit que le gouverneur les trouva armés

,

etqu’il

ne

put{es arrêter; qu’ensuite dix d’entr’euxétaient venusse soumettre àlavolonté

du

pape.

En

Angleterre,leschevaliers furent traités moins cruel-lementqu’ailleurs..

Le

roin’employaitpasd’abordlatorture, mais,ensuite, d’aprèsl’ordre de

Clément V,

illapermit, de manière toutefois qu’il n’y eûtni mutilation de

mem-bres, ni blessures incurables, niviolente effusion desang.

Les

décisions que l’on pritsontun.peuéquivoques.Il pa~

raît que les conciles voulaient bien que l’ordre fût aboli, mais

non

pasqueléschevaliers fussent traitésavec rigueur.

On abandonna

les interrogatoiressurlesarticles proposés par le pape, et on se contenta de reproclier à l’ordre de reconnaîtreau chef de chapitre le pouvoird’absoudre les fautesde discipline. Puis

on

décida

que

les Templiersqui ne pouvaient se purger de la diffamation que la bulle

du

papeavaitrépandue sur eux , devaient se faire absoudre.

Ils furent ainsi déliésde l’excommunication, mais l’ordre

(t) Dupuyp. 58.

U) Id. p. 63. Rayu. p. 129.

:

23

ne subsista plus; tous leschevalieTs furérit disséminés dansdifférentsmonastères,

ilsVécurent

comme

de «im-pies religieux-

Deux

seuletùent refusèrent

constamment

de reconnaître les erreurs dont on les accusait, ils finirent leurvie enprison.

Le

roi d’Aragon Jaques II (t), ayant réçu l’ordre dè procéder contreles Templiers,chargea

de

ce soinlesévê*

ques de Valence et de Saragosse. Maisles chevaliers se retirèrent dans leurs châteaux, et résistèrent les artnes à lamain. Alorsle roi Ordonna de les attaquer à force oui-verte; les Templiers firent

une

longue résistance. Ils s'a-dressèrentau pape pour seplaindre decettepoùrsuite, Hs offraient de défendreleur foiparlesarmes

Comme

bons

chevaliers. Enfin

, onlesfitprisonniers etle

pape commit

l’évêque de Valence pourfaireleur procès;

on ne

ditpas quelle

en

fut l’issue. Aprèsl’abolition del’ordrë,les biens des Templiers d’Aragon ne furent pas réunis à ceuxdés Hospitaliers, mais l’ordre dés chevaliers de notre

damé

de Montesa prit la place de celuidesTempliers.

En

Castille,

régnait alors Ferdinand

IV

, les arche-vêques de Compostelle etde Tolèdeinformèrentaussi cori-~

tre les Templiers qui

, parordre

du

roi, furent saisiscvtx étleursbiens,les évêquesfurent établisgardiens.

Enfin, arriva

Fépoque où

devait s’assemblerleconcile de Vienne/

Ce

fut en

Décembre r3n

, qu’eutlieulapre*

mière session. Lesévêques de

Mende

,

de

Soissons* d’A^

quilée, de

Léon

furentchargéëd’examinerles diverses in-formations et défaire

un

rapport. Alors se présentèrent neuf chevaliers qui se disaient envoyés par quinze cents

à deux

mille deleurs frères réfugiés dans les environsde Lyon.Ilsseproposaient de défendrel’ordredevantle

con-(i) Dupuy p. 39..

'24

cile;mais

Clément V

les fitjeter en prison, et.Ss ne re-parurent pas devant rassemblée.

Le pape augmenta

sa garde, et écrivit à Philippe de prendredes précautions

pour

lasûretédesapersonne.

Ce

fait,rapportépar

M.

Ray-nouard, prouve d'unemanière évidente quelesformalités légales ont été loin d'être remplies dans la condamnation de l'ordre

au

concile de Vienne. Il est à

présumer

ce-pendant que ces chevaliersse présentèrent en armes

, et

firentdesmenaces, puisquelepapesecrut obligé

d’augmen-tersagarde , et d’écrire à Philippe de prendre la

même

précaution.

On

mit ensuite endélibération si

on

voulait entendre la défense des Tetnpliers.

Tous

les prélats, exceptélesmétropolitains de Rheims, de Sensetde

Rouen

,

et

un

évêque

d

rItalie furent d’avis qu’onfît paraître les chevaliers. Mais

Clément V

termina subitement la pre-mière session

du

concile, etl'hiver se passa sans prendre

de

décision*

Au

mois de

Mars

del'année suivante '(i3ia), lepape assemblaenconsistoire secret les cardinauxet plu-sieurs prélats. C'est dansceconsistoirequ’il annulal’ordre des Templiers par voie de provision plutôt que de con-àamnation(i). C’était convenir,

comme

au leste il le fit

dans une

bullepubliéequelque

temps

après,queles infor-mationsn'étaient pas suffisantes, pour prononcer

une

con-damnation

en

forme,qu’ilenrésultaitseulement

une

grande suspicion de culpabilité.

Dans

la secondesession

, qui se

tint au mois d’Avril, et

assistèrent Philippe leBel

,

sonfrère et ses trois fils

, le pape fit lirelabullede sup-pression, et

comme

tous les prélats gardèrent lesilence

,

(i) Surnoms pontife*, .muftis prelatis cum çardinalibus privâto çon-sistorioconvocatis

, per viamprovisionis potius quam condemuatioiiis

,

ordinem militiæ iTem^lariorum cassa?itetpenitusanuulavit. 'Tertio, vila

-V

>! V.? :• V/- ':

*.n r ; •»* *

25

ellefut expédiéele

6

Mai, Les biens des Templiersfurent assignés,

comme

je l’ai déjà dit , à Tordre de St. Jean;

quant aux chevaliers, ils furent remis au jugement des concilés provinciaux.

Le

papes’étaitréservédejuger

lui-meme

le grand-maî-tre, mais il allégua des occupations qui Tempêchaient de serendre àParis. Ilchargea de ce soindeux cardinaux et Tévêque d'Aibe, auxquelsil

donna

pleinpouvoir de

condam-ner

ou

d’absoudre. Cependant

on

avait dressé , dans l'in-férieur de la cathédrale ,

un

échafaud

oh Ton

fit

monter

le grand-maître, ainsi

que

troisautresprincipaux chefs

de

Tordre. Alors

un

des légats les

somma

de renouveler la confession qu’ils avaient déjà faite de leurs erreurs et

de

leurs'crimes; deux des chevaliers persistèrent dansleurs aveux. Mais Jaques de

Molay

, ainsi

que

son courageux

compagnon

protestèrent hautement de leurinnocence.

On

reconduisit en prison les quatre chevaliers; mais le

mê-me

jour, leroi

, irrité delarétractation deces

deux

chefs de Tordre, lesfitbrûlervifsdans

une

petiteîledelaSeine.

Dès

lors la persécution cessa

; ceuxdesTempliersqui sur-vécurent se dispersèrent, et finirentleurs jours

comme de

simples particuliers.

Ilparaîtévidentquelapremièrecausedecettepoursuite cruelle contrelesTempliers, a été le désirde s’emparer, entout

pu

en partie, des richesses qu’ilspossédaient.

Le

roi de

France

avaittoujours été dans

une

extrême disette d’argent »il«avait

employé

tousles

moyens

possibles

pour

s’en procurer,ets’étaitainsi rendu presqueodieux à ses sujets; il avaitmérité le

nom

de

faux

monnoyeur.

On

ne peut croireque, dans de pareillescirconstances, cefûtle

pieux d^sir de punir

un

ordre coupable d’irréligion et d’immoralité qui Tengagea à sévir contre les Templiers»

26

Maisje neprétendspas pourcelaqueces chevaliers fussent

un

modèle depiétéet de.vertu , jedirai plus tard cequ’oit peutraisonnablementpenser àleurégard.

Voyons

d'abord ce qu'il

y

aeu de blâmable dansCettepoursuite acharnée dePhilippeetdeClément*

Remarquons

en premierlieu tout Ce qu'ad’arbitraire et d’injuste l’ordredePhilippe defaire arrêterlesTempliers.

Surquelquesdélations particulières

,sur ladépositiond’Ud criminelf il fait saisir

un nombre

considérable

de

cheva-liers qui devaient il est vrai+luiêtre soumis, mais

seule-ment

dans ce qui concernait leur conduite civile.

Quant

àleur croyanceetà leurmoralité, c’estdu pape seul qu'ils relevaient.

Or

,

on

neles;accuse pasde vols, de briganda-ges, de crimes publics, mais seulement d’hérésies et de mceurç infâmes. Il était sans doute de l’intérêt

du

roi de faire cesser Ges désordres dans son royaume,s'ils exis-iraient réellement, maisc'était au saint siège, et

non

pas

àlui, à les poursuivre.

Une

seconde

remarque non

moins importante, c’est la soumission presqu’aveugle de

Clément

pour Philippe le Bel auquel il s’était pour ainsi dire

vendu,

en.acceptant toutesles conditions que ce roi mettait à son élection au siège pontifical.

On

a

même

prétendu qu’illuiavaitfait

promettred’abolir l’ordrje des Templiers.

Quant

à la manière dont le procès fut conduit, je ne feraipas

un

crimeàPhilippeetà

Clément

d’avoir

employé

la torturedontl’usageétait généralement adopté; c'est la barbarie

du temps

et

non

paslesindividusqu’ondoit acr cuser. Mais une chose qu'ondoit considérer

comme

con-traire

à

tout sentimentdejustice, c’estdetenir pour Cour pablesceuxqui,aprèsavoir faitdes ayeux,les révoquaient ensuite, et disaient n’ayoirconfessé de prétendus crimes

,

27

tpie pour faire cesser les douleurs* C'estpourtant ce qüi arriva dansla poursuite des Templiers;

un

grand

nombre

d’entr'eUx rétractèrent ce qu’ilsavaient dit au

moment

la torture, et malgrécela, ônles tintpourcoupables,

ou

lesqualifia

du nom

dechevaliers relaps; ceux au contrairé qui avaient

constamment

avoué leurs crimes furent ap-pelés chevaliers réconciliés, ils en furent quitte

pour

quelques punitions.

-Un autretortconsidérableditpape,c'estd’avoir

constam-ment

refusé d’entendrelegrand-maître quienavaitappelé à lui , et qui récusait tout autre juge.

Clément

s’était

expressémentréservé del’interroger

lui-même

, etil envoie pourlefaire, descardinauxavecpleinpouvoir

, prétextant Ses occupationsnombreuses etimportantes. Devait-il

y

en avoir de plus importantes

, que de rendre justice à

un bomme

qui avait déjà tant souffert ?

Mais ce quifrappe surtout dansce

fameux

procès, c’est la manière irrégulière dont il se tefmina. Quellecriante injustice de refuser d’entendre des témoins qüi Viennent

pour

défendre leur cause. J’ai dit qu’il est fortprobable

qu’ils vinrent enarmes; mais puisquele pape put les faire jeter en prison

, il pouvait aussi, sans compromettre Sa sûreté, entendre cequ’ils avaient à dire pourleur défense.

C’était

un

devoir pour lui de faire, d’autant plus que tous les prélats,

à

l’exception de quatre

* voulaient qu’on

fît paraître cestémoins. Enfin l’abolitidn de l’ordre n’est pas discutée dans le concile; c’est le pape,

appuyé

des cardinaux et dequelques prélats

, qui la décide.

La

bulle est seulement lue dans l’assemblée

l’on avait eu soin defaireintervenir la puissanceroyale;

Quant

au supplice que subirent

un

grand

nombre

de Chevaliers* il n’est pas besoin d’en faire sentirl’atrocité

,

28

la seule expositiondes faits en dit plusquetousles raison-nemens; Mais on doitencore autant en accuserlabarbarie

du

siècle quelacruauté des individus; ce n’est pas le seul exemple qu’onpuissereprocherà l’inquisition.'

Mais malgré toutes cesconsidérations, est-ce à direque l’ordredes Templiers fût

exempt

de toute faute? C’est ce que je ne pense pas. L’on peut affirmer aucontraire

que

le bien généralde la société exigeait la suppression totale d’un ordre qui étaitdevenuentièrement inutile, quin’était

qu’uneplante parasiteetune source de désordres.

On

a

pu

voir par les exemples cités dans le premier chapitre

, quel était l’esprit de cet ordre

, bien plus mili-taire quereligieux, etSt. Bernardlui*

même

nousapprend quelleétaitl’espèce

d’hommes

qui yentraient. «

La

plupart de ceux qui s’enrôlent danscettesainte milice (i), dit-ilà la findeson exhortation aux Templiers,sont desscélérats

,

des impies,des ravisseurs, des sacrilèges

, deshomicides,

des parjures, desadultères. »

On manque,

ilest vrai , de renseignemens historiques sur l’état moral etreligieux de l’ordre, au

moment

de sa condamnation , mais il semble bien difficiled’admettrequ’il sesoit régénéré depuis

l’épo-que où

les guerres dePalestine avaient cessé.

Comment

supposer que la pureté et la simplicité régnassent parmi des

hommes

qui avaient toujours vécu dans les

camps

,

parmi

des princesetdes seigneurs qui

,parcela seul qu’ils étaientpuissans, étaientaccoutumésàs’abandonner à tou-tesleurs passions?

Et

celaàune époque

laplus grande corruption s’était introduite danstouslescorps

du

clergé.

, Ilparaithors de doute qu’on a exagéré les crimes des Templiers^ parce qu’on en voulait

à

leurs biens autant qu’à

eux-mêmes

, et que , dans ce temps, il fallait plus

'(i) flt'urÿ

, hist.cycles. t. 14 p. 227.

29

quedes désordres ordinaires pourautoriser

une condamné

tion. Mais jecroisqu’onpeutles accuseravecquelque cer-titude, dés vices et des désordres qui au reste régnaient plus

ou

moins dans touslesordres religieux. Sila plupart desTempliers étaient coupables d’impiété, d’ambition et d’immmoralité, c’en était assez, je ne dis pas pourles fairepérit*dans les flammes, mais bien pour abolir

une

institution quine pouvait plusquenuireauxindividus qui en faisaient partie, et à la société en général

On

adit qu’aii

moment où commença

lapoursuite contre lesTeihpliers,l’ordre était généralement estimé en Fran-ce; mais cela semble bien difficile à admettre. Philippe exerçait sans doute une grande influence sur ses sujetsj

mais

comment

supposer qu’il ait pii les tromper et les

abuseraupoint de leur faire regarder subitement comttie coupables,ceuxqui auraienteularéputationdegens pieux et exemplaires; ou bien doit-on croire lesiècle assez

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