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Les dangers liés à l’instrumentalisation de la thèse apocalyptique, utilisée pour mieux

asseoir l’emprise sur les membres du groupe

Certaines raisons peuvent pousser des individus à entrer dans un groupe sectaire : recherche de sécurité, de se sentir entouré, recherche d’un lieu d’attache, forme de reconnaissance, curiosité intellectuelle ou ésotérique, protection par rapport à l’extérieur et à la société.

En outre, l’adepte peut vouloir rechercher des vérités absolues ou un nouveau sens à sa destinée, rechercher plus de profondeur dans son existence.

Il peut être également incité à entrer dans le groupe pour éprouver des sensa-tions fortes, voire répondre au besoin d’une spiritualité autre que celle propo-sée par les grandes religions monothéistes ou par la société dans son ensemble.

En réalité, dans toutes ces situations, l’adepte va subir un processus d’embrigadement qui le fera adhérer aux dogmes du groupe. Il obtiendra, certes, en apparence, tous les avantages souhaités, mais au prix du renonce-ment à sa propre identité et en abandonnant totalerenonce-ment son sens critique et sa liberté 66.

« Une des particularités de la dimension sectaire consiste à remplacer le projet individuel voulu et recherché et les attentes qui vont avec par le projet groupal qui exige un changement d’appartenance et une soumission pleine et entière à la communauté 67. »

Dans cet objectif d’appartenance ou de reconnaissance dans le groupe, les thèses sur l’origine de l’homme et la fin de sa destinée peuvent être parti-culièrement attractives pour de nouveaux adeptes. Certains groupes ont bien compris ce mécanisme et peuvent être tentés d’utiliser les concepts apocalyp-tiques ou millénaristes pour mieux s’assurer de leur emprise sur les personnes et conduire ces dernières à des actes préjudiciables pour elles-mêmes, mais bénéfiques pour le groupe ou son leader.

Dans cette perspective, ce ne sont pas les doctrines apocalyptiques en elles-mêmes qui peuvent présenter un danger pour les personnes, mais l’utili-sation opportuniste qui en est faite par le groupe pour s’attirer les faveurs de nouveaux adeptes, notamment sur le plan financier.

On peut citer ici bien sûr les théories inspirées du courant New Age.

Le fait de proposer à l’homme la possibilité de la recherche d’une mys-tique, d’une sagesse et d’un idéal oublié lui assurant en même temps le bon-heur peut se révéler être un leurre extrêmement efficace…

De même, il y a des risques pour que soient utilisés des thèmes actuels de société (comme l’inspiration écologique) pour jouer sur les angoisses et les peurs du type : frustration du sens de sa vie, solitude, anonymat et individua-lisme ambiants, manque de communication interpersonnelle et de reconnais-sance sociale, besoin de religieux et de sacré dans son existence, refus d’un mode de vie sociale asphyxiant.

« Le rêve du New Age de voir se transformer le monde actuel et de marcher vers l’avènement d’un monde plus harmonique correspond bel et bien à un type d’espérance millénariste. À cet égard, le thème de 2012 apparaît comme une revitalisation du rêve du New Age, que cette étiquette soit utilisée ou non 68. »

66 - D’après Alain Woodrow, Les Nouvelles Sectes, Paris, Éditions du Seuil, 1981.

67 - J.-P. Jougla, op. cit.

68 - Jean-François Mayer, La fin du monde en 2012 ?..., op. cit.

L’attente du cataclysme imminent, constamment annoncé et toujours différé, met les plus fragiles dans un état d’épuisement psychique voire phy-sique 69 tel que cela peut les conduire soit à des comportements autodestruc-teurs soit à des actes répréhensibles contre la société extérieure.

« Les dérives violentes observées dans des groupes comme l’OTS et Aoum sont exceptionnelles et souvent liées à des profils psychologiques d’individus leaders très parti-culiers. Il sera toujours possible qu’un groupe non apocalyptique à l’origine puisse pla-quer un scénario criminel de ce type et greffer son projet suicidaire sur une date touchant à une prédiction apocalyptique à venir. Cela correspond à un vrai danger potentiel du New Age aujourd’hui 70. »

L’alternative proposée par ces groupes déviants du New Age se révèle n’être parfois que de pure façade et finalement sans échappatoire véritable, c’est-à-dire : soit quitter ce monde avec ses proches issus de la communauté sur ordre d’un prophète autoproclamé pour cause d’incompréhension avec le monde extérieur, soit changer la société environnante par la commission d’actes dramatiques…

La dichotomie peut être ainsi trop grande entre les promesses faites et la dureté de la vie en communauté, coupée du monde, imaginant un extérieur diabolisé, avec la vision tronquée et paranoïaque d’une société extérieure ne cherchant qu’à détruire toute structure ne fonctionnant pas selon ses schémas habituels.

Ces doctrines New Age d’apparence idyllique et utopiste peuvent aussi masquer parfois une réalité plus mercantile que véritablement humaniste, tour-née plutôt vers la richesse de certains et l’utilisation marchande de la fragilité, de la curiosité ou de la crédulité de nombreux adeptes, disciples, sympathisants.

« Dans la multitude de stages, séminaires et formations liés au nouveau monde prophétisé pour 2012, le client potentiel, s’il ne parvient pas à se rendre compte de la manipulation dont il est l’objet, va investir de grosses sommes d’argent pour une finalité non contractualisée [et des concepts évaporés et imaginaires] : une recherche de bonheur, un accès à la connaissance le positionnant parmi les “élites ou ceux qui seront sauvés”, et cela va devenir pour lui un objectif incontournable qui risquera de précipiter sa perte sociale, familiale et psychologique 71. »

Au-delà des préjudices financiers, les préjudices psychologiques peuvent être dévastateurs pour les personnes et notamment pour les enfants membres du groupe.

Selon Sonya Jougla, « il suffit généralement de voir des dessins très expressifs d’enfants pour percevoir la confusion subie et les séquelles et traumas graves irrémédiable-ment causés chez eux ». Jean-Pierre Jougla ajoute pour sa part que « le mineur qui va

69 - Voir en ce sens l’analyse sur le processus psychologique chez les adeptes de groupes apocalyptiques et millénaristes dangereux réalisée par Sonya Jougla, psychologue clinicienne, en annexe de cette étude.

70 - Jean-François Mayer, La fin du monde en 2012 ?..., op. cit.

71 - La totalité du témoignage de Jean-François Ottan, président de l’Adfi de l’Hérault, peut être consultée en annexe de cette étude.

vivre au sein d’un tel groupe n’aura que les repères qu’on lui aura inculqués. Il aura été formaté pendant toute sa jeunesse dans la vision du groupe sectaire et peut, par exemple, éventuellement être persuadé d’être l’enfant de l’ère du Verseau (selon les dogmes du New Age), ou l’enfant cosmique, “indigo” (à moitié humain, à moitié d’essence extraterrestre) ou celui chargé d’une mission divine… Souvent d’ailleurs son avis ne sera pas demandé.

Il suivra le mouvement et la décision du groupe tout simplement ».

Le témoignage fourni à la Miviludes par Amoreena Winkler, à propos de son enfance passée au sein de la communauté des Enfants de Dieu, est à cet égard éloquent : « Dès le plus jeune âge dans notre communauté, on ne devait pas montrer un quelconque attachement aux gens, lieux, objets, activités ou des aspects de notre personne. En outre, étant nés et ayant grandi dans la perspective d’une apocalypse, nous avions ainsi la certitude en tant qu’enfants, de ne jamais pouvoir devenir des adultes. Je n’avais pas (ni moi, ni les autres enfants autour) les moyens de me projeter vers l’avenir, d’imaginer une autre issue que de mourir pour notre foi, en servant le Seigneur. Mourir soit exécutée, soit bombardée ou dans les terribles cataclysmes qui viendraient secouer la Terre. En tant que mineure, cette perspective venait cristalliser un état de terreur intérieure déjà installé avec les violences, sévices et contrôle mental subis au travers du groupe 72. »