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CHAPITRE 2 : RECENSION DES ÉCRITS

2.1 D’une catastrophe peut découler des changements positifs

Plusieurs études se sont intéressées au phénomène de croissance post-traumatique à la suite de catastrophes en utilisant le « Posttraumatic Growth Inventory » de Tedeschi et Calhoun (1996). Par exemple, six mois après le tsunami de 2004 survenu en Asie, 88 % des 138 survivants interrogés ont éprouvé des degrés variables de changements positifs dans quatre dimensions de la version chinoise de cette échelle, soit : 1) les relations avec les autres, 2) les changements en soi, comprenant l’expression de ses émotions, l’acceptation de la façon dont les choses se passent et le développement de nouveaux intérêts et opportunités, 3) les changements d’orientation et de priorités dans la vie et 4) les changements dans les croyances religieuses et la vie spirituelle. Par ailleurs, 32 à 37 % des répondants ont rapporté au moins un degré modéré de changements positifs sur ces mêmes dimensions (Tang, 2007). Dans une autre étude menée deux ans après un tremblement de terre survenu en Italie en 2009, 18,6 % des 316 victimes interrogés présentaient des manifestations de croissance post-traumatique (score total supérieur ou égal à 57 sur l’échelle de mesure du Posttraumatic Growth Inventory de Tedeschi et Calhoun, 1996) (Bianchini et al., 2017). Par ailleurs, un an après un tremblement de terre survenu en Chine en 2008, 51,1 % des 2 080 survivants interrogés se retrouvaient dans la même situation (Jin, Xu, Liu, et Liu, 2014).

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Des changements positifs ont également été mesurés dans des études qualitatives et dans des études utilisant d’autres instruments pour mesurer ce phénomène. Parmi ces échelles, on peut noter la Stress-Related Growth Scale (Park, Cohen et Murch, 1996), la Benefit

Finding Scale (Tomich et Helgeson, 2004 ; Mohr et al., 1999), ainsi que la Perceived Benefits Scale (McMillen et Fisher, 1998). À l’aide des écrits recensés, il a été possible de documenter

l’étendue des changements positifs pouvant être expérimentés après une catastrophe dans différents domaines de la vie. Les prochaines sections abordent ces éléments.

2.1.1 Changements positifs dans la vie personnelle

Au niveau personnel, certaines victimes de catastrophe peuvent démontrer une plus grande appréciation de la vie (Carra et Curtin, 2017 ; Fergusson et al., 2015 ; Lindgaard et al., 2009 ; Généreux et Maltais, 2017 ; Joseph, 2009 ; Maltais et al., 2000 ; Maltais et Gauthier, 2010 ; Shakespeare- Finch et Barrington, 2012 ; Uchida, Takahashi, et Kawahara, 2014). Ce changement d’attitude envers la vie peut conduire les individus à réaliser plus de comportements prosociaux, tels que faire des dons ou du bénévolat, comparativement à ceux pour qui ce changement n’est pas présent (Uchida, Takahashi, et Kawahara, 2014). Plus largement, pour ce qui est des changements dans la philosophie de la vie, les victimes d’une catastrophe peuvent changer leur sens des priorités en renégociant ce qui compte vraiment pour eux, par exemple s’attacher moins aux biens matériels, mais plus aux relations humaines (Carra et Curtin, 2017 ; Lindgaard et al., 2009 ; Généreux et Maltais, 2017 ; Joseph, 2009 ; Maltais et al., 2000 ; Maltais et Gauthier, 2010 et 2018 ; Maltais et Bolduc, 2016). En outre, après un tel évènement, plusieurs individus ne tiennent plus la vie pour acquise et ressentent une deuxième chance ou un tournant dans leur vie (Rebecca et Britt-Inger, 2011 ; Joseph et al., 1993). Par exemple, les personnes peuvent voir la possibilité de se dégager d’une vie stressante après une catastrophe (Henderson, Roberto, et Kamo, 2010). De plus, une enquête

longitudinale qui a examiné comment un tremblement de terre a affecté le bien-être de Japonais âgés entre 20 et 39 ans, montre qu’après cette catastrophe, ces derniers ont réévalué leur vie et ont changé leur définition du bien-être pour ensuite exprimer une augmentation de leur qualité de vie et de leur bien-être par rapport à leur situation pré-sinistre (Uchida, Takahashi et Kawahara, 2014).

Les personnes peuvent également percevoir une augmentation ou un approfondissement de leur spiritualité et de leur religiosité comme un bénéfice à la suite d’une catastrophe (Carra et Curtin, 2017 ; Généreux et Maltais, 2017 ; Lowe, Rhodes et Waters, 2015 ; Maltais et Gauthier, 2010 et 2018 ; Shakespeare- Finch et Barrington, 2012 ; Shaw, Joseph et Linley, 2005 ; Stanko et al., 2015).

À la suite de leur exposition à un sinistre, les personnes peuvent aussi développer une meilleure vision d’eux-mêmes (Joseph, 2009) et ainsi se découvrir des forces personnelles insoupçonnées (Fergusson, Boden, Horwood, et Mulder, 2015 ; Maltais et Bolduc, 2016). Plus précisément, les survivants à une catastrophe peuvent développer un plus grand sentiment de résilience personnelle (Joseph, 2009), éprouver une amélioration de la prise de décision, de la confiance en soi, de la communication et de leur sentiment de compétence, tout comme ressentir une plus grande estime de soi (Aslam et Kamal, 2013b). Par ailleurs, un sentiment d’avoir réalisé divers apprentissages en surmontant un évènement traumatique et d’être mieux préparé pour les évènements futurs peut également être perçu en tant que retombées positives (Stanko et al., 2015).

2.1.2 Changements positifs dans la vie familiale et sociale

En ce qui concerne les relations avec les membres de son entourage, il est fréquent après une catastrophe que les individus témoignent d’un renforcement des liens et de la cohésion entre les membres de leur famille ainsi qu’avec leurs amis (Aslam et Kamal,

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2013 b ; Bonanno, Brewin, Kaniasty, et La Greca, 2010 ; Carra et Curtin, 20175), ou encore avec leurs voisins (Fergusson, Boden, Horwood, et Mulder, 2015). Une plus grande attention accordée aux membres de sa famille peut également apparaître après un sinistre (Lindgaard, Iglebaek, et Jensen, 2009 ; Maltais et Bolduc, 2016). À cet égard, une recherche mixte portant sur 176 personnes ayant vécu un évènement traumatique au cours des cinq dernières années, a montré que les changements de comportement en lien avec les relations avec les autres les plus souvent signalés étaient les suivants : 1) passer plus de temps avec les membres de sa famille et avec ses amis ; 2) dire « je t’aime » plus souvent, et 3) démontrer une plus grande révélation de soi et une meilleure communication avec les membres de sa famille et ses amis (Shakespeare- Finch et Barrington, 2012).

Les valeurs familiales des personnes ayant été exposées à une catastrophe peuvent avoir changé pour devenir moins matérialistes, mais plus orientées vers l’amélioration de leurs relations avec leurs proches (Lindgaard, Iglebaek, et Jensen, 2009). Dans le même sens, les personnes peuvent avoir décidé de passer plus de temps avec les membres de leur famille et leurs amis (Shakespeare-Finch et Barrington, 2012). Elles peuvent aussi modifier leurs routines quotidiennes pour mieux répondre aux besoins des membres de leur famille (Lindgaard, Iglebaek, et Jensen, 2009). Expérimenter une catastrophe peut également conduire les survivants à percevoir la possibilité de sortir d’une situation familiale anxiogène (Henderson, Roberto, et Kamo, 2010). De plus, une catastrophe peut donner lieu à la création de nouveaux réseaux sociaux (Walker-Springett, Butler, et Adger, 2017).

2.1.3 Changements positifs dans la vie récréative et communautaire

Des changements positifs au sein des communautés après une catastrophe ont également été documentés, notamment l’augmentation de la cohésion communautaire (Carra

5 D’autres auteurs ont fait le même constat dans leurs études : Fergusson, Boden, Horwood, et Mulder, 2015 ;

Godwin, Foster, et Keefe, 2013 ; Joseph, 2009 ; Lindgaard et al., 2009 ; Llamas, 2014; Maltais et al., 2000 ; Rheault, 2007 ; Stanko et al., 2015.

et Curtin, 2017 ; Sweet, 1998 ; Walker-Springett et al., 2017). Un tel évènement peut également conduire les membres d’une communauté à développer une conscience citoyenne. À cet égard, dans l’étude qualitative d’Aslam et Kamal (2013 b), plusieurs victimes d’une inondation ont perçu une augmentation de la participation de la population aux activités communautaires et une augmentation des interactions entre les citoyens. Les victimes de catastrophe peuvent aussi éprouver un sentiment de gratitude envers l’aide reçue et celle émise au sein de leur municipalité (Walker-Springett et al., 2017). Il est également possible qu’à la suite d’un tel évènement, les personnes aient le sentiment que la solidarité, l’empathie, la compassion, l’altruisme et l’ouverture aux autres ont augmenté au sein de leur communauté (Carra et Curtin, 2017).

Dans une recension des écrits sur la question, Bonanno et al., (2010) mettent de l’avant le fait qu’une catastrophe peut conduire à des améliorations sociales, économiques et politiques au sein des communautés. En outre, de nouvelles possibilités, telles que l’augmentation de la fréquence de ses activités de loisir (Shakespeare- Finch et Barrington, 2012) ou encore la participation à des groupes communautaires ou de bienfaisance (Shakespeare- Finch et Barrington, 2012) peuvent survenir dans la vie des individus après une catastrophe. Par ailleurs, certaines personnes ont signalé une amélioration des services de santé mentale offerts dans leur communauté pour leurs enfants et pour elles-mêmes après un sinistre (Lowe, Rhodes, et Waters, 2015). Pour leur part, Stanko et al. (2015) ont montré que des individus peuvent signaler une amélioration de la santé de la population et des améliorations physiques dans leur collectivité, entre un et quatorze mois après un ouragan.

2.1.4 Changements positifs dans la vie professionnelle

Très peu d’études se sont penchées sur les retombées positives d’une catastrophe dans la vie professionnelle des sinistrés. Toutefois, à la suite d’un tel évènement, de nouvelles

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possibilités peuvent être expérimentées par les individus en ce qui concerne ce domaine de vie (Godwin, Foster, et Keefe, 2013 ; Lowe, Rhodes, et Waters, 2015 ; Shakespeare- Finch et Barrington, 2012). À cet égard, une étude qualitative a mis en lumière que la majorité des participants capables de trouver un nouveau travail après l’ouragan Katrina aux États-Unis ont identifié une opportunité et de l’espoir liés à leur nouvel emploi. Les personnes peuvent donc occuper un nouvel emploi, mais elles peuvent aussi refuser volontairement de nouvelles responsabilités en raison de changements effectués dans leurs valeurs personnelles, telles qu’accorder plus d’attention et de temps aux membres de sa famille (Maltais, 2003).