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D - Discussion autour de l’activité de RB2160

Chapitre III : Caractérisation fonctionnelle et structurale de polysaccharidases de R. baltica

II. D - Discussion autour de l’activité de RB2160

L’enzyme RB2160 aura été parmi les plus faciles à manipuler de toutes celles que j’ai étudiées. Le haut niveau d’expression sous forme soluble laisse à penser que la protéine adopte sa structure tertiaire correctement. De plus, les mesures de dispersion de la lumière sur DLS montrent clairement, qu’en solution, l’enzyme RB2160 est sous forme monomérique.

RB2160 ne présente cependant pas d’activité α-amylolytique, que ce soit sur l’amidon ou le glycogène. Elle aura en outre créé la surprise de ne présenter aucune activité sur tous les autres substrats qui lui ont été soumis. Il est donc envisageable soit que sa spécificité soit nouvelle, ou tout du moins différente des activités amylolytiques déjà caractérisées, soit qu’elle n’ait pu être détectée par les moyens mis en œuvre au cours de ce travail (par exemple, les produits de la réaction pourraient nécessiter d’autres méthodes de détection). Il faut souligner ici que beaucoup d’enzymes de la famille GH57 ont été caractérisées après avoir testé la croissance de l’organisme d’origine sur différents substrats. Parmi ces substrats, l’amidon est très fréquemment testé. Il est donc possible que la famille GH57 souffre d’un biais vers la caractérisation d’enzymes liées au métabolisme de l’amidon, du simple fait que ce sont celles-là qui sont recherchées préférentiellement. Il est donc très possible que d’autres spécificités de substrat, en lien ou non avec la dégradation et/ou la modification d’α-glucanes, puissent être ajoutées à la liste des activités de la famille GH57. Plusieurs preuves peuvent étayer cette hypothèse.

Tout d’abord, il existe déjà des activités non-amylolytiques dans la famille GH57 comme les exo-α-galactosidases (GalA de P. furiosus est une séquence brevetée - US 5958751 - de Thermococcus alcaliphilus). De plus, très récemment (début 2008), une nouvelle activité dans la famille GH57 a été caractérisée chez Pyrococcus furiosus. La protéine PF0870 semble en effet présenter une activité β-amylolytique (Comfort et al., 2008).

Cette protéine est assez divergente au sein de la famille (elle ne figure pas dans l’arbre phylogénique de la Figure III-52), même par rapport aux autres séquences archéennes. La famille GH57 étant connue pour libérer ses produits par rétention de la configuration anomérique, la protéine PF0870 présente une activité très surprenante. En effet, Les β-amylases (EC 3.2.1.2) sont des enzymes qui hydrolysent les chaînes d’amylose par leur extrémité non-réductrice, selon un mode d’action exo, et en libérant des molécules de β-maltose (disaccharide 4-Glc-α-(1,4)-Glc-β-1). Ceci implique un mécanisme d’hydrolyse contraire s’effectuant par inversion de la configuration anomérique. Il est ainsi plus probable, étant donné les conditions expérimentales utilisées par Comfort et collaborateurs (dégradation de maltotriose et de p-nitrophényl-maltose et absence de dégradation du glycogène ou de l’amidon), et les connaissances portant sur le mécanisme d’hydrolyse de la famille GH57, que la protéine PF0870 soit une exo-maltooligosaccharidase. Il est également intéressant de noter que si PF0870 présente une grande partie des résidus conservés de la famille GH57, un certain nombre n’est pas conservé. En particulier, l’acide aspartique D354, remplacé par une cystéine chez R. baltica, est ici remplacé par une sérine. Cependant, ces deux enzymes (PF0870 et RB2160) ne montrent que très peu de similitude entre-elles.

Enfin, il a récemment été démontré, chez l’archée hyperthermophile Archeoglobus

fulgidus, un mécanisme de dégradation de l’amidon exogène par internalisation de

maltocyclodextrine (Labes and Schonheit, 2007) (Figure III-57). Ces chaînes cycliques sont synthétisées par une maltocyclodextrine glucanotransférase de la famille GH57 qui est très semblable à la 4-α-glucanotransferase TLGT (voir partie II.B.1), ouvrant encore le champ d’action des GH57.

Cette découverte montre que des voies métaboliques originales de la dégradation de l’amidon peuvent exister et que la famille GH57 peut contenir des activités non encore découvertes. J’aborderai le métabolisme de l’amidon chez R. baltica dans le chapitre IV de ce manuscrit, puisqu’un certain nombre d’enzymes de son génome ont été annotées comme α-amylases ou comme ayant une activité en lien avec l’amidon.

Figure III-57 : Dégradation de l’amidon par Archaeglobus fulgidus D’après (Labes and Schonheit, 2007). La cyclomaltodextrine glucano-transférase (CGTase) appartenant à la famille GH57 est entourée en bleu.

Pour ce qui est de la cristallogénèse, il est surprenant qu’aucune condition n’ait donné de cristaux. L’absence de résultats en cristallogénèse est peut-être à mettre en corrélation avec l’étrange comportement de RB2160 en présence de sels (voir II.B.2). Il faudra probablement repenser le tampon utilisé lors des chromatographies d’exclusion de taille, sélectionner quelques conditions de cristallisation parmi celles présentant des précipités en modulant les concentrations en sels, pH et PEG manuellement, pour cerner la meilleure condition afin d’obtenir des cristaux de RB2160.

Toutes ces données convergent vers le fait que les études sur la famille GH57 n’en sont qu’à leurs débuts et que si RB2160 a probablement une activité liée au métabolisme de l’amidon, une approche exhaustive et systématique est encore à réaliser pour déterminer la nature exacte de son substrat. Des expériences préliminaires de dosage du glucose en solution par la glucose-oxydase ont été réalisés afin d’analyser l’éventuelle activité transférase, une mesure par les sucres réducteurs n’étant ici pas pertinente (la transglycolyse ne génère pas d’extrémités réductrices). Ces mesures laissent à penser que l’activité de RB2160 libère bien des glucoses en solution. Une des premières étapes des travaux de caractérisation sera donc de confirmer ce résultat. Il serait de plus particulièrement intéressant de tester des séries d’oligosaccharides marqués avec un

nitrophényl-α/β-mannose ou bien encore le p-nitrophényl-maltose, permettant de mettre en évidence un éventuel mode d’action exo.

Il faudra également élargir le champ d’investigation des chaînes polysaccharidiques aux maltodextrines courtes (quelques dizaines d’oligomères) et éventuellement cycliques. Une détermination expérimentale du pI de l’enzyme pourra également s’avérer un atout majeur dans la compréhension de son comportement en solution.

III - RB3006 : Une sialidase marine ?