• Aucun résultat trouvé

D.2.2.b Effets du couplage consolidation-endommagement

CHAPITRE III : RESULTATS EXPERIMENTAU

III- D.2.2.b Effets du couplage consolidation-endommagement

Pendant la période précédant la mise en charge des éprouvettes, celles-ci subissent du retrait qui, va entamer une partie du potentiel de fluage. Dans notre cas, les éprouvettes ont été conservées sous eau pendant les 15 premiers jours suivant le coulage afin de préserver ce potentiel de fluage. Toutefois, comme la réaction d’hydratation n’est pas complètement stabilisée, le retrait toujours en cours entraine une pré-consolidation des éprouvettes (Ladaoui, 2010).

L’application d’une contrainte entraîne une consolidation supplémentaire. Selon Sellier et al., (2012a, 2012b), cette consolidation causerait un blocage des déformations visqueuses des C-S-H par les phases rigides (anhydres, hydrates mieux cristallisés, granulats) qui entrainerait une redistribution des contraintes dans le béton. Ceci conduit à un transfert de contraintes des phases visqueuses des hydrates de la pâte de ciment vers les phases rigides qui va endommager ces dernières. Cet endommagement constitue une nouvelle source de fluage. Ainsi, plus le taux de chargement est élevé, plus cet endommagement sera élevé et plus les déformations de fluage seront importantes. Ceci explique la non-linéarité du fluage propre en compression en fonction de la contrainte appliquée. Les résultats issus de la littérature concernant cet aspect ne sont pas très nombreux. On pourra notamment se référer à l’étude de Roll (1964) qui porte sur le comportement différé de bétons

152

soumis à différents niveaux de chargement variant de 20 à 65%. Il est alors possible de voir que la non-linéarité du fluage se manifeste déjà entre 20 et 35% mais ses effets sont plus marqués pour des taux de chargement supérieurs. Ceci semble alors contredire l’affirmation usuelle selon laquelle le fluage serait linéaire jusqu’à 30 voire 50% de la résistance en compression.

D’après Sellier et al., (2012a, 2012b), il existerait un couplage entre le phénomène de consolidation et l’endommagement. La différence de comportement mécanique en traction et en compression (Kaplan, 1963 ; Ziegeldorf, 1983) fait que l’endommagement en compression est plus important qu’en traction, pour un même taux de chargement. Or selon la théorie proposée par Sellier, l’endommagement entraine l’activation d’un plus grand nombre de sites de fluage. Il en découle que l’endommagement plus important en compression qu’en traction a pour conséquence des déformations de fluage également plus importantes en compression qu’en traction, d’où la dissymétrie observée expérimentalement. De même, la linéarité de la réponse en flexion s’explique par le fait que le niveau de sollicitation réellement appliqué et donc l’endommagement est également faible.

III-D.2.2.c Bilan

L’ensemble de cet argumentaire permet d’expliquer la dissymétrie fluage traction-compression, le comportement en flexion et les non-linéarités observées en compression lorsque l’effet couplé de la consolidation et de l’endommagement par fluage est pris en compte. Dans cette approche, l’endommagement joue son rôle en augmentant le potentiel de fluage. Il ne reste alors plus qu’à ajouter son rôle qui consiste à créer un retrait additionnel pour expliquer la totalité des phénomènes observés.

III-E.Conclusions

L’étude du comportement différé du béton sous différents modes de sollicitations (compression, traction directe et flexion) a été abordée au cours de ce chapitre. L’intérêt de la démarche réside dans le fait que les résultats de fluage en traction sur bétons (et plus particulièrement sur des bétons âgés) sont rares et lorsqu’ils existent, ils ne permettent pas de tirer une conclusion consensuelle. Faute de combler cette lacune, on se réfère presque toujours au comportement différé en

153

compression. Pourtant, une bonne connaissance du comportement différé du béton sous différents types de chargement s’avère nécessaire si l’on souhaite avoir une description plus réaliste du comportement mécanique d’une structure ou d’un ouvrage en béton. La demande est particulièrement pertinente dans le cas de structures exceptionnelles (ponts, barrages, enceintes de confinement de centrale nucléaire, etc.). Ainsi, pour pallier cette insuffisance, il s’avérait nécessaire d’entreprendre une campagne expérimentale visant à comparer le fluage propre d’un béton sous différents types de chargement incluant la compression, la traction et la flexion. Le béton utilisé au cours de cette étude est un BHP destiné au stockage en profondeur des déchets radioactifs par l’Andra. Ses caractéristiques à l’état frais et à l’état durci ont été présentées.

Les résultats d’essais de fluage propre en traction directe, compression et flexion et pour différents niveaux de chargement ont ensuite été décrits. Ils mettent en lumière des différences de comportement pour les trois types de chargement. Concernant les effets du niveau de chargement, la non-linéarité du fluage propre en compression est manifeste entre 30 et 50 % et devient encore plus marquée pour des taux de chargement supérieurs. Le risque de rupture par fluage d’une éprouvette sollicitée en compression est élevé au voisinage du taux de chargement de 70 %. Dans le cas d’essais en traction directe, après une dizaine de jours pendant lesquelles les déformations positives attendues sont observées, une cinétique de déformation négative est retrouvée. En flexion, les déformations obtenues sur les fibres extrêmes tendue et comprimée sont identiques. De plus, les déformations obtenues en traction par flexion évoluent avec une cinétique positive, contrairement à ce qui se passe en traction directe. L’hypothèse de la planéité des sections reste valide lorsqu’on considère les composantes visqueuses des déformations. Concernant la recouvrance, les résultats montrent que les déformations sont identiques, quel que soit le type de sollicitation auquel l’éprouvette est soumise et que la réversibilité n’est apparemment que partielle.

Enfin, des pistes pour tenter d’expliquer les observations expérimentales ont été proposées. Elles reposent sur les concepts d’endommagement par fluage et de consolidation, pouvant agir en concomitance. Consolidation et endommagement permettent de retrouver les observations expérimentales. Un modèle couplant les deux phénomènes devrait permettre de prédire l’ensemble de ces résultats. L’objet

154

du chapitre suivant est d’appliquer le modèle de fluage de Sellier (Sellier, 2006 ; Sellier et Buffo-Lacarrière, 2009) justement basé sur le concept du couplage consolidation-endommagement, en vue de comparer ses résultats à nos observations expérimentales et de vérifier l’étendue de ses capacités prédictives ou, le cas échéant, de proposer des pistes pour pouvoir l’améliorer.

155

CHAPITRE IV : APPLICATION D’UN MODELE DE

FLUAGE COUPLE A L’ENDOMMAGEMENT

156

IV-A.Introduction

Les déformations différées et leurs effets (apparition de flèches dans le cas de structures isostatiques, chutes de tension dans les câbles dans le cas de structures précontraintes ou redistributions de contraintes dans le cas de structures hyperstatiques (Pons et Torrenti, 2008)) affectent le comportement à long terme de structures en béton et notamment lorsqu’il s’agit de structures dites exceptionnelles (ponts, barrages, enceinte de confinement, etc.). Des études assez récentes portant sur le comportement différé à très long terme du béton menées par Brooks, (2005) ont montré que le fluage continuait toujours à évoluer même après plus de 30 ans de chargement. Les limites rencontrées par la démarche expérimentale (coût des essais, lourdeur des équipements, durée des expériences pouvant aller de plusieurs mois à plusieurs années, impossibilité de réaliser des expériences à l’échelle de la structure ni sur une échelle couvrant plusieurs dizaines voire plusieurs milliers d’années etc.) conduisent alors à se tourner naturellement vers la modélisation. En préambule de ce chapitre, nous présenterons deux grandes classes de modèles parmi les plus utilisés pour la prévision du comportement différé du béton que sont:

 Les modèles règlementaires

 Les modèles rhéologiques incrémentaux

Nous passerons ensuite à la description du modèle de comportement différé couplé à un modèle d’endommagement orthotrope développé au LMDC par A. Sellier (Sellier, 2006 ; Sellier et al., 2012a, 2012b). Dans la dernière partie de cette section, nous testerons l’aptitude de ce modèle à reproduire les résultats expérimentaux de retrait et de fluage propre sous différents types de sollicitation.