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Sur la base d’un dispositif mis au point par Elvery et Haroun, (1968), Brooks et Neville, (1977) ont entrepris une campagne expérimentale visant à comparer le comportement différé de bétons matures (à 28 ou 56 jours après coulage) sous différentes conditions (sous eau et à 60% HR).

Ces travaux révèlent que le fluage propre (ou plus exactement sous eau) en traction et en compression sont comparables durant les 20 premiers jours. Mais alors que la cinétique de fluage en compression tend à se stabiliser, celle en traction semble plutôt s’accélérer pour donner une allure de fluage tertiaire (Figure I-11 (a)). Ces résultats diffèrent de ceux obtenus au LCPC par Reviron, (2009), Reviron et al., (2008) et Rossi et al., (2012) qui trouvent une amplitude un fluage en compression 2 à 3 fois plus importante que celle en traction (Figure I-11 (b)). Toujours dans le cadre

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de l’étude de Brooks et Neville, (1977), le fluage propre en compression est réduit lorsque le chargement est effectué plus tard, alors que le vieillissement ne semble pas avoir de conséquence sur le fluage en traction qui reste toujours aussi important.

Figure I-11 : Comparaison du fluage propre sur bétons matures en traction et en compression : selon Brooks et Neville, (1977) (a) – selon Rossi et al., (2012) (b)

Une tendance inverse est observée dans le cas du fluage total (propre+ dessiccation) : le fluage en traction est plus rapide que celui en compression au début des essais mais tend à diminuer pour tendre vers la même valeur qu’en compression pour des éprouvettes conservées dans l’eau avant le chargement. De même, le fluage total est moins important en traction qu’en compression pour les éprouvettes ayant subi un séchage avant le chargement.

Le fluage en traction apparaît comme étant pratiquement irréversible avec une recouvrance négligeable (confirmé par ailleurs par les essais de fluage en traction effectués par Morin et Maso, (1982)) alors que le retour de fluage en compression est de l’ordre de 40 % (Brooks et Neville, 1977).

I-C.3.3.c Discussions

La Figure I-12 tirée de (Benboudjema et al., 2012) compare le fluage propre en compression et en traction à travers l’évolution du rapport de leur amplitude en fonction du temps, sur la base de résultats expérimentaux obtenus par différents auteurs.

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Figure I-12 : Comparaison du fluage propre en compression et en traction selon différents auteurs (Benboudjema et al. 2012)

La différence des conditions d’essais (âge au moment du chargement, composition du matériau, etc.) explique en grande partie la dispersion constatée au niveau des résultats. Toutefois, les auteurs s’accordent globalement sur le fait que le comportement différé en traction est relativement différent de celui en compression. En l’état actuel des connaissances, il serait présomptueux d’avancer une théorie qui pourrait expliquer pleinement l’origine de cette différence de comportement différé pour les deux cas de sollicitation. Il est néanmoins possible de proposer quelques pistes de réflexion: la différence d’augmentation de la résistance dans le temps sous les deux types de sollicitation (sachant que le fluage dépend du niveau de chargement appliqué) (Brooks et Neville, 1977), la différence de mode de propagation des fissures (en mode I en traction et en mode II en compression) (Rossi et al., 2012), les dimensions d’éprouvette différentes (diamètre et taille), la différence d’appareillage pour la mesure des déformations, etc. De plus, le fait que le module d’élasticité en traction soit différent de celui en compression (Atrushi, 2003 ; Brooks et Neville, 1977) conforte l’idée que l’endommagement (créé par l’application d’un

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chargement mécanique ou résultant des incompatibilités de déformation entre la pâte de ciment et les granulats ou entre les hydrates (principalement les C-S-H) et les anhydres) pourrait également être source de différence de comportement de fluage en compression et en traction.

I-D. Conclusions

Ce travail bibliographique avait pour objectif de dresser un état de l’art des connaissances actuelles sur le comportement mécanique différé du béton en insistant plus particulièrement sur le cas du fluage en traction, thème principal de cette thèse. Il comporte 3 parties.

La première partie est consacrée à l’hydratation ainsi qu’à la structuration de la pâte de ciment hydratée sachant que les phénomènes différés trouvent leur origine au sein cette dernière. De ce fait, il nous a paru important d’y accorder une attention particulière. Nous avons vu que, parmi les hydrates formés, seuls les C-S-H avaient un comportement visqueux. Différents modèles de C-S-H regroupés en deux grandes catégories (structure en feuillets et structure colloïdales) ont également été présentés. Enfin, il a été vu que la pâte de ciment constitue un milieu poreux dont le volume des vides représente environ 10 % du volume total. L’état de saturation de cette porosité joue un rôle important sur le phénomène étudié.

Dans la deuxième partie de cette revue bibliographique, nous avons cherché à comprendre et expliquer les différentes déformations différées (spontanées et sous charge) qui se produisent dans le béton. Différentes théories ont été décrites pour situer leurs origines physicochimiques : phénomènes de tensions capillaires, variations de tensions superficielles et de pression de disjonction pour le retrait, phénomènes de micro-diffusion d’eau sous contraintes, glissements relatifs des feuillets de C-S-H, etc. pour le fluage. Cependant, aucune ne se suffit pour expliquer la globalité des constatations expérimentales et il reste encore un travail de fond à effectuer sur ce sujet. Il a également été souligné que le couplage entre le fluage et le retrait peut remettre en cause la partition conventionnelle des déformations différées.

Enfin, compte tenu de son importance vis-à-vis de la fissuration des ouvrages en béton, la dernière partie de cette analyse bibliographique est axée sur le fluage en traction du béton. Néanmoins, peu de données sur ce volet sont disponibles dans la

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littérature compte tenu des difficultés à réaliser des essais en traction directe. Les éléments disponibles montrent que le fluage en traction comporte des aspects qui le différencient fondamentalement de celui en compression. Par exemple, le fait qu’une éprouvette complètement séchée continue à fluer significativement, ou encore le fait qu’une réduction de la quantité de pâte augmente le fluage en traction. Dans la même lignée, la comparaison du fluage en traction avec celui en compression indique que le rapport de leur amplitude à diverses échéances varie sensiblement selon les auteurs qui ne parviennent pas à une conclusion consensuelle. Il a été souligné que cela pouvait résulter des différences au niveau des conditions d’essais mais également des différents couplages entre divers phénomènes et le fluage en traction : interactions fluage en traction-retrait, interactions fluage en traction-eau- fissuration et interactions fluage en traction-endommagement. Cette analyse bibliographique nous amène à dégager les axes de recherches que nous avons décidé d’approfondir dans la suite de ce programme :

 Il va de soi que l’on ne peut atteindre cet objectif sans disposer de bancs d’essai appropriés. Dans le cas précis de cette étude, des bancs expérimentaux de fluage en traction seront d’abord conçus, puis testés pour la réalisation d’essais de fluage en traction directe et en traction par flexion (en parallèle des essais de fluage en compression qui serviront pour la comparaison).

 Les résultats qui seront obtenus à l’issue de la campagne expérimentale seront confrontés à ceux d’un modèle numérique développé au LMDC, afin de tester les limites éventuelles de ce dernier à reproduire correctement le comportement différé du béton sous des états de chargement mécanique autres que la compression, mais également afin d’obtenir des informations supplémentaires grâce à l’analyse de l’interaction du fluage en traction avec d’autres processus concomitants (dont le retrait et l’endommagement).

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CHAPITRE II : DEVELOPPEMENT DE BANCS