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CHAPITRE III : RESULTATS EXPERIMENTAU

III- D.2.2.a Effets de l’endommagement par fluage

Le fluage induit un endommagement progressif de la microstructure d’une éprouvette de béton soumise à une charge constante dans le temps. Rossi et al., (2012) expliquent que cet endommagement (sous forme de microfissures) est capable de générer un déséquilibre hydrique interne très brutal dans l’éprouvette (encore plus intense localement que celui provoqué par le démoulage (Rossi, 1988)). Il en résulte la migration de l’eau libre des capillaires entourant ces microfissures vers ces dernières. Ce phénomène, en réduisant le rayon des ménisques dans les pores capillaires aurait pour effet de créer des déformations de retrait additionnelles, donnant lieu ainsi à un scénario similaire à celui produit par le séchage. De plus, ces microfissures peuvent traverser un grand nombre d’hydrates en rendant les grains de ciment qui n’ont pas encore réagi plus accessibles à l’eau liquide, ce qui augmenterait leur cinétique d’hydratation. Cette reprise d’hydratation peut également induire un retrait endogène supplémentaire et compenser partiellement les effets des microfissures. Elle peut aussi induire une augmentation de la résistance notamment après cicatrisation des microfissures. Cette dernière hypothèse est supportée par les observations expérimentales de Reinhardt et Rinder, (2006) qui indiquent que :

 L’humidité relative au sein d’une éprouvette chargée décroît de manière plus importante par rapport à celle d’une éprouvette non chargée,

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 Malgré un taux de chargement très élevé (plus de 80%), une augmentation de la résistance en traction est observée à la fin de leurs essais.

Il est toutefois à noter que leurs résultats sont très variables et ont été obtenus alors que du séchage externe a lieu même si d’après ces auteurs, des mesures de perte de masse n’ont pas été possibles (pour des raisons non indiquées dans l’étude).

Les effets de ces microfissures sur les propriétés mécaniques peuvent être masqués par la poursuite de l’hydratation mentionnée précédemment (en sus de l’hydratation « normale ») et ne pas être détectés lors du déchargement. C’est une explication possible de l’augmentation de la rigidité « apparente » après la phase de déchargement. Il est utile de rappeler les résultats de Granger (2006) concernant les phénomènes d’auto-cicatrisation des fissures dans des bétons à faible rapport E/C (donc pas hydratés suffisamment) par reprise d’hydratation. Au cours de cette étude, il a été montré qu’une partie ou même la totalité des propriétés mécaniques peut être restaurée (mais non dépassée) par auto-cicatrisation. Cependant, dans ce cas précis, il s’agit d’une fissure localisée induite par une sollicitation de flexion 3 points, qui ne correspond donc pas au type de microfissuration diffuse dont il est question ici. Les effets induits par l’auto-cicatrisation peuvent alors être différents.

A notre avis, durant les essais de fluage en traction, l’ouverture des microfissures reste assez limitée et la déformation qui en résulte est relativement faible devant celle inhérente à une fissuration localisée. Cependant, elle est suffisante pour créer des déformations de retrait supplémentaires associées au déséquilibre hydrique interne et/ou à une poursuite de l’hydratation. Un état d’endommagement modéré suffit pour créer la variation de dépression capillaire nécessaire pour obtenir le retrait additionnel. C’est ainsi que l’on peut expliquer la pente négative observée sur les déformations de fluage en traction directe.

Plus le taux de chargement est important, plus le béton est endommagé et donc plus les déformations de retrait additionnelles seront importantes. C’est ici que l’on peut situer l’origine de la non-linéarité observée au cours des essais de fluage en compression. Les mêmes mécanismes devraient être également se retrouver en traction. Toutefois, compte tenu de l’incertitude sur la résistance, donc sur le taux de chargement effectif et par conséquent sur l’état d’endommagement et le retrait

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additionnel résultant, la réponse en termes de déformation en traction comporte une part d’aléa. C’est l’origine probable des dispersions sur nos valeurs.

Dans le cas des essais de fluage en flexion, seule une faible portion du volume de l’éprouvette chargée est réellement soumise au taux de chargement visé. En effet, la résistance en compression est environ 20 fois plus importante que celle en traction directe. La zone comprimée de l’éprouvette fléchie n’est donc soumise qu’à une contrainte dont le niveau maximal est de l’ordre de 2 % de la résistance en compression, ce qui représente une valeur trop faible pour initier un endommagement. Par ailleurs, au niveau de la zone tendue, seule la fibre extrême est réellement soumise à la contrainte nominale. Etant donné que l’hypothèse de la planéité des sections reste toujours valide même dans le cas où l’on a affaire à des déformations visqueuses (cf. Paragraphe III-C.3.2), seule une très faible fraction de la hauteur de l’éprouvette est donc effectivement soumise à un taux de chargement affiché. Lors d’essais de fluage en flexion, le niveau de chargement moyen sur la section transversale est inférieur à 50 % de la contrainte nominale et par conséquent l’état d’endommagement est plus modéré par rapport au cas d’un chargement uniaxial. De plus, les champs de contraintes et de déformations, non uniformes dans le cas d’éprouvettes sollicitées en flexion, contribuent activement à contrôler la propagation des microfissures. Des déformations locales plus importantes que dans le cas où le champ de contraintes est uniforme sont autorisées sans qu’il n’y ait propagation instable de fissures (Bascoul et Maso, 1987). Le retrait additionnel induit par fissuration est donc moins marqué, et de ce fait les pentes des courbes correspondant aux déformations de fluage par traction directe et traction par flexion ne sont pas identiques (Figure III-25, Figure III-32 et Figure III-37). En flexion, il apparaît que les déformations de fluage propre sont similaires en compression et en traction. Une telle conclusion avait été tirée lors de la comparaison entre le fluage à 28 jours en traction directe et en compression, pour des éprouvettes testées sous eau (Brooks et Neville, 1977). Nous pensons avoir apporté ici un peu plus d’argument pour la justifier. En effet, dans ce cas, l’effet du retrait sur le fluage est probablement annihilé ou tout au moins significativement réduit.

Enfin, tandis que le fluage propre semble être différent en traction directe, en compression et en flexion, la recouvrance en traction directe est globalement la même que celle en compression et en flexion. Il apparaît donc que la partie

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réversible du fluage n‘est pas affectée par la nature de la contrainte exercée et que les investigations supplémentaires pour comprendre la différence de fluage devraient être plutôt menées du côté de la partie irréversible dans lequel l’endommagement joue probablement un rôle notable. Mais cela signifie également que durant la phase de recouvrement, le retrait mesuré est pratiquement le même pour toutes les éprouvettes. En effet, si le retrait était modifié pour les éprouvettes chargées comparé à celui de l’éprouvette témoin (du fait des interactions avec l’endommagement), cet effet s’estompe lorsque les éprouvettes sont déchargées. A notre avis, cela est attribué en partie au fait que les microfissures cessent de se propager après suppression du chargement (conformément au critère de Griffith car le facteur intensité de contraintes devient égal à zéro) et le retrait d’auto-dessiccation associé n’évolue guère non plus. Des essais supplémentaires couvrant une plus longue période de recouvrance seraient d’un grand intérêt pour tirer des conclusions fermes sur ces points.