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D’autres exemples européens : L’Allemagne et l’Espagne

CHAPITRE IV : COMPARAISONS EUROPÉENNES DU PROCESSUS D’ÉTALEMENT URBAIN

II. Le côté ouest impose un modèle de réflexion en termes de périurbanisation pour la Roumanie

2. D’autres exemples européens : L’Allemagne et l’Espagne

Toujours dans le but des comparaisons européennes nous allons également traiter la question en Espagne et en Allemagne. Si l’Allemagne est un précurseur de la France dans le domaine de la gestion périurbaine, l’Espagne connaît le phénomène plus tardivement et la gestion n’est pas au même niveau que celle de l’Allemagne ou celle de la France.

Si en France l’INSEE a défini les espaces périurbains dès 1968, en Espagne seule une distinction entre communes rurales et urbaines existe. La périphérie n’est donc pas définie, bien que le phénomène d’ « urbanisation des campagnes » existe. En Allemagne, les zones périurbaines ne constituent pas une catégorie à part. On parle de zones rurales et zones urbaines dans lesquelles on peut distinguer plusieurs catégories, certaines recouvrant les zones périurbaines. Aujourd’hui on observe un autre phénomène en Allemagne, celui de ré- urbanisation, car dans les années 1990 la périurbanisation a connu un fort ralentissement et à présent il y a un nivellement de croissance démographique entre les centres urbains et leurs périphéries.

2.1 L’Allemagne : un pays orienté vers la ré-urbanisation

Des différences existent au sein de ce même pays entre l’Est qui a connu le régime socialiste et l’Ouest. Si l’Allemagne de l’Ouest a connu l’étalement urbain dès le milieu du XXème siècle, en Allemagne de l’Est le phénomène est apparu en 1990 avec la chute du Mur. Les villes de l’Allemagne de l’Est, post-socialiste, ont connu à partir des années 1990 un déclin démographique important, dû tout d’abord à la désindustrialisation et au chômage massif qui en a résulté. Entre 1989 et 1995 entre 70 et 90 % des emplois industriels ont disparu en Allemagne Orientale. Les villes de cette partie allemande ont alors été les témoins d’une émigration massive, notamment de la part des salariés jeunes et qualifiés vers l’Allemagne de l’Ouest (Florentin et al, 2009). La transition post-socialiste, tout comme dans les autres pays de l’Europe

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Centrale et Orientale a eu des effets immédiats sur la structure spatiale en Allemagne de l’Est. La périurbanisation s’est concrétisée tout d’abord par la construction des logements individuels périphériques. Cela apparaît en nette opposition à la ville dense spécifique des villes socialistes. Ce processus a été nourri par des aides de la part de l’État destinées à favoriser l’investissement immobilier. D’autres facteurs, comme l’augmentation des revenus des ménages et la promotion d’un nouveau type de logement, ont également eu leur contribution. L’abondance du foncier, ainsi que la législation dans ce domaine peu contraignante a permis également aux commerces et aux entreprises d’aller vers les périphéries.

La disparition des aides à la construction ou des forfaits fiscaux pour les déplacements entre le lieu de résidence et le lieu de travail pour des distances de plus de vingt km, le déclin du modèle résidentiel pavillonnaire, la revalorisation de l’attractivité de l’habitat en ville font que la périurbanisation est-allemande connaît un fort déclin. Entre 2000 et 2005 83% des communes allemandes ont enregistré une évolution démographique négative (Herfert, 2007, p. 32).

L’Allemagne de l’Ouest a connu dès 1960 une baisse des densités de peuplement des espaces urbanisées par l’augmentation de l’espace dont chaque habitant disposait pour se loger. Les périphéries sont étalées et fragmentées. On observe donc l’apparition de l’habitat avec commerces, services et équipements en étalement urbain, ainsi que les axes de communications et les équipements de stationnements qui leurs sont associées, consommateurs d’espaces. La motorisation a été donc un facteur-clé générateur de déplacements de plus en plus lointains. La pollution, les nuisances et la consommation énergétique ont fait que dès la fin des années 1980 l’Allemagne de l’Ouest s’est engagée dans un processus de développement durable par un encadrement de l’extension urbaine et une évolution du regard porté par les Allemands sur leurs moyens de transport (Hecker, 2007, p. 3).

L’Allemagne a donc favorisé le renouvellement urbain par un contrôle strict des documents d’urbanisme et de l’occupation de l’espace de la part des Länder51

. Ces documents autorisent l’extension urbaine sur les espaces naturels qu’en cas de manque de « dents creuses » et en présence d’un réseau de transport en commun pour desservir ces nouveaux espaces construits (Delfau, 2005, p. 22). L’Allemagne semble donc le pays qui maîtrise le mieux le phénomène d’étalement urbain, très consommateur d’espace. Elle est un exemple en matière d’aménagement du territoire pour la France et encore plus pour l’Europe Centrale et Orientale.

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L’Allemagne est composée de 16 Länder (région). Tous les Länder sont divisés en Kreise (districts), pendant que la Gemeinden (commune) représente l’unité administrative de base. D’autres divisions administratives existent au niveau de certains Länder comme la Regierungsbezirke (district gouvernemental) ou Stadtkreise (arrondissements municipaux pour Berlin et Hambourg).

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2.2 L’Espagne : périurbanisation plus tardive et semblable à celle roumaine

Le facteur-moteur de la périurbanisation espagnole est le développement industriel, fort consommateur d’espace à partir de 1965. Cet essor industriel est le grand responsable du véritable éclatement des villes vers les campagnes environnantes. La création des zones industrielles en dehors des villes traditionnelles a été accompagnée de la création de nouveaux quartiers ouvriers près de celles-ci, mais également des quartiers résidentiels avec résidences principales ou secondaires, fait qui a entraîné l’apparition de services et équipements nécessaires. Cette « nouvelle croissance urbaine » (Fourneau, 1991, p.71), en périphérie de la ville traditionnelle s’est réalisée parfois en continuité urbaine, mais souvent en discontinuité dans l’espace rural. Les axes de communication ont joué un rôle fondamental. Plus tard c’est l’essor du tourisme, surtout sur les côtes, qui ont contribué à la croissance urbaine. Cela s’est réalisé souvent d’une façon anarchique et sur des espaces très larges (2000 m²), malgré l’existence d’outils législatifs comme la « loi sur les terres » (ley del suelo). Cette loi a été promulguée en 1956, la plus récente date de 2007. Elle permet la régulation d’utilisation du sol.

Au début des années 1970 la demande en résidences secondaires venait de la part des classes hautes et moyennes. De grandes opérations immobilières ont été réalisées en milieu rural, mais, tout comme en Roumanie aujourd’hui, ces nouvelles constructions étaient dépourvues de services et équipements de base. Les services se limitaient à l’eau et à l’électricité. C’est à partir des années 1980 qu’on assiste à un véritable mouvement migratoire vers les périphéries urbaines fait qui a provoqué la reconversion des résidences secondaires en résidences principales. Cette construction massive qui touche les périphéries des grandes villes est à la fois diffuse et peu dense et va dans le sens contraire du développement durable. Depuis les années 1990 des pratiques abusives sous forme de constructions illégales peuvent être observées. Souvent les communes espagnoles ne disposent pas de ressources financières, fait qui les pousse aujourd’hui à vendre le patrimoine foncier public aux enchères pour se financer. Cela apporte de revenus, mais accentue le manque de coordination à l’échelle communale. De plus depuis les années 1990 des modifications ponctuelles concernant la destination du sol ont été apportés aux plans municipaux d’urbanisme, parfois pour régulariser des opérations illégales. Des sols non- urbanisables sont qualifiés pour l’urbanisation, des usages prévus par le régime de sol non- urbanisable peuvent ne pas être respectés tout comme les procédures administratives pour l’adoption des plans d’urbanisme ou les règles d’urbanisme. Cela contribue à des incohérences dans l’extension urbaine. Il s’agit d’une politique à court terme qui favorise une urbanisation anarchique, discontinue et de faible densité.

Une des premières conséquences négatives de ce phénomène est la perte des terres agricoles de très haute valeur : il s’agit par exemple dans la région de Valence de la huerta,

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agriculture spécifique des espaces méditerranéens reposant sur la culture des fruits et des légumes.

Depuis 1990 l’Espagne est également un pays d’immigration pour le travail. Les principaux pays d’origine sont la Roumanie, le Maroc et les pays de l’Amérique Latine comme l’Équateur ou la Bolivie. Le marché de la construction offrait jusqu’il y a quelques années beaucoup d’emplois dans ce secteur qui alimentait donc le phénomène d’étalement.

A partir de 1998, avec la nouvelle loi du sol, tout le territoire national peut être qualifié pour l’urbanisation à moins d’être expressément protégée et qualifié comme sol non-urbanisable, ce qui favorise l’expansion immobilière. En 2007 une nouvelle loi revient sur cette dérégulation de 1998 en limitant l’étalement tout en mettant fin au « tout urbanisable » (Vorms, 2009) et en lançant une politique sociale du logement à la hauteur de 30% de logement « aidé » de la surface nouvellement urbanisée pour l’usage résidentiel.

L’Espagne semble donc un pays qui connaît un retard concernant la gestion du phénomène périurbain, qui s’est poursuivi d’une manière anarchique reposant sur l’initiative privée et sans respecter les règles législatives d’aménagement du territoire. C’est un pays qui a construit beaucoup de logements, mais qui restent aujourd’hui inoccupés, faute de moyens financiers de la part des promoteurs pour l’achèvement des constructions, et faute de moyens de la part de la population pour acheter.

A travers ces différents exemples nous avons pu observer des similitudes et des différences concernant le processus de périurbanisation, pour ce qui est de ses dynamiques ainsi que de ses différentes formes de gestion. L’Allemagne et la France apparaissent comme des pays qui semblent bien maîtriser le phénomène à travers une législation rigoureuse. Les pays d’Europe Centrale et Orientale et l’Espagne connaissent le phénomène plus tard, ce qui fait que nous n’assistons pas aux mêmes modalités de gestion. Si l’ouest européen cherche des solutions tout en prenant en compte un développement harmonieux et durable, le centre-est européen cherche un « développement immédiat », fait qui produit des incohérences.

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Conclusion partielle

Cette première partie de l’étude, plus théorique, nous apporte des éléments concernant le phénomène périurbain en Europe et en Roumanie en particulier. Après avoir fait une introduction épistémologique du concept et du phénomène périurbain nous présentons successivement les principaux traits de la périurbanisation en Roumanie en essayant de comparer le processus entre Bucarest, Iași et Timișoara. Le phénomène et sa gestion ont ensuite été étudiés dans d’autres espaces européens : Varsovie, Budapest et Sofia en Europe Centrale et Orientale. Quelques caractéristiques de la périurbanisation en France, en Allemagne et en Espagne ont également été mises en évidence.

En Roumanie, et dans les autres pays ex-soviétiques, le phénomène périurbain est observé depuis environ vingt ans. Pendant l’époque communiste, la politique de l’État limitait l’étalement urbain en donnant plus d’importance à l’espace agricole. Ces pays ont connu des mutations importantes avec la chute du communisme y compris dans les modes de vie de la population. L’habitat collectif, promu et encouragé pendant des années par les gouvernements communistes, a été délaissé au profit de la maison individuelle. Ce phénomène concerne souvent une minorité de la population, ceux qui ont les moyens de s’offrir un tel logement. La majorité de la population habite encore dans les logements d’habitat collectif construits pendant l’époque communiste.

La périurbanisation se développe aujourd’hui d’une manière non contrôlée à cause d’une absence de politiques urbaines cohérentes. De nouvelles constructions poussent chaque année sur des terrains non-viabilisés et dans des espaces où les axes de communications ne sont pas assez développées. L’absence de subventions et de dispositifs d’aide à la construction fait que ce phénomène ne concerne que la population la plus aisée dans beaucoup de pays d’Europe de l’Est car les prix du foncier dans cet espace sont assez élevés.

Les acteurs ouest-européens semblent aujourd’hui bien maîtriser le phénomène d’étalement urbain à travers des stratégies d’urbanisme et des documents de planification urbaine à plusieurs échelles dont la plus importante est celle intercommunale. Par contre, dans les anciens pays communistes de l’Europe de l’Est où les coopérations intercommunales manquent, l’étalement urbain est vu comme un développement territorial, comme un phénomène positif. Les acteurs ont une vision à court terme, ce qui est en totale contradiction avec le développement durable.

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