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2. Système de contrôle respiratoire

2.4 Développement du réseau de contrôle respiratoire

Dès la naissance, le réseau neuronal responsable du contrôle de la respiration est en mesure de produire une ventilation robuste et capable de s’accommoder aux besoins homéostatiques de l’animal. Cette capacité demande une organisation précise du réseau de contrôle respiratoire et muscles respiratoires au cours de la gestation. Suite à la naissance, la maturation postnatale du système respiratoire se poursuit afin de s’adapter à l’environnement extra-utérin. Pour ce faire, des changements cellulaires et moléculaires sont orchestrés en phase prénatale et postnatale et ces changements se reflètent par une physiologie respiratoire qui change à travers le développement.

2.4.1 Modification cellulaire du réseau de contrôle respiratoire au cours

du développement

Grâce aux enregistrements électrophysiologiques in-vitro sur des préparations fœtales de tronc cérébral-moelle épinière isolés, il a été observé que la rythmogenèse respiratoire du rat débute à l’âge gestationnel GD16.5-17 (Greer et al., 1992). Ces résultats ont été confirmés par des enregistrements échographiques de mouvements respiratoires fœtaux de rongeur in

utero ainsi que des enregistrements électrophysiologiques du préBötC directement sur des

tranches médullaires fœtales (Kobayashi et al., 2001; Pagliardini et al., 2003). Le marquage de NK1R associé spécifiquement aux neurones du préBötC indique que les neurones du complexe se forment tout d’abord dans la zone ventriculaire de la moelle allongée à l’âge gestationnel GD12-13. Elles migrent ensuite vers la région du préBötC pour terminer leur parcours entre GD16 et GD18.5 (Figure 14) (Pagliardini et al., 2003). Le préBötC est considéré comme nécessaire à la rythmogenèse en phase prénatale et ce dernier semblerait coopérer avec un noyau du pFRG pour créer les mouvements respiratoires fœtaux. Comme il a été mentionné dans la section 2.2.2, le noyau parafacial ventral possède des caractéristiques de rythmogenèse en période prénatale (Thoby-Brisson et al., 2009). Son ontologie a pour le moment seulement été caractérisée chez la souris par l’utilisation du facteur de transcription PHOX2B. Une population de neurones embryonnaires parafaciaux

(e-pF) capable de produire un rythme de décharge est retrouvée à partir de l’âge gestationnel GD14.5, une journée avant l’émergence du préBötC chez la souris (GD15.5) (Thoby-Brisson et al., 2009). La ligne du temps serait potentiellement semblable chez le rat et ces données établissent un principe de double oscillateur en période prénatale afin de démarrer les mouvements respiratoires fœtaux.

Figure 14. Ontogenèse du réseau neuronal responsable de la rythmogenèse respiratoire.

Ligne du temps des différents évènements dans la formation du réseau neuronal afin de générer le rythme respiratoire in-utero. Tiré de (Greer et al., 2006)

De façon générale, la respiration du fœtus est beaucoup plus lente que celle du nouveau-né. Afin d’expliquer cette caractéristique, trois hypothèses ont été soulevées : 1) les réseaux neuronaux doivent se développer, ce qui engendre l’effet âge-dépendant sur la respiration, 2) le réseau est inhibé par des modulateurs endogènes et 3) le système modulateur qui doit générer l’excitation du réseau n’est pas encore développé (Greer et al., 2006). Alors que la première hypothèse est plus que logique et sera abordée dans la section suivante, l’effet âge-dépendant des neurotransmetteurs sur la genèse respiratoire est aussi plausible. L’expression de différents neurotransmetteurs est effectivement modifiée à travers le développement de la commande respiratoire où l’inhibition semble forte et l’excitation faible

dans la phase prénatale. Brièvement, le rythme respiratoire généré par le fœtus peut être amené à des valeurs semblables au nouveau-né si des antagonistes des modulateurs inhibiteurs sont ajoutés ; la situation est similaire lorsque des agonistes des modulateurs excitateurs sont utilisés. L’application des neurotransmetteurs excitateurs in-vitro tels que 5- HT et la substance P augmente drastiquement la fréquence du rythme respiratoire prénatal (Ballanyi, 2004; Pagliardini et al., 2003). Suite à la naissance, plusieurs modulateurs (e.g.: GABA , récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA), glutamate, 5-HT) subissent d’importants changements dans leur expression vers l’âge postnatal P12-13 qui semble être une fenêtre critique de la plasticité respiratoire (Wong-Riley and Liu, 2008).

2.4.2 Maturation physiologique du réseau de contrôle respiratoire en

période périnatale

La mise en place de la rythmogenèse respiratoire dans les circuits neuronaux de contrôle respiratoire se reflète par des mouvements ventilatoires fœtaux dont le rythme est lent et instable. Plus le fœtus se développe, plus la fréquence de décharges in-vitro des noyaux respiratoires va augmenter (~5 fois plus rapide entre GD17 et GD20) et le patron est similaire pour les mouvements ventilatoires in-utero (~10 fois plus rapide entre GD17 et GD20) (Figure 15) (Kobayashi et al., 2001; Pagliardini et al., 2003). L’amplitude et la durée des décharges respiratoires augmentent aussi avec l’âge alors que la variabilité de la fréquence et de l’amplitude diminue (Greer et al., 1992; Hilaire and Duron, 1999).

Figure 15. Enregistrements in-vitro et in-utero de l’activité respiratoire fœtale du rat.

A) Préparation de tronc cérébral-moelle épinière isolés avec le signal rectifié/intégré de l’activité du nerf phrénique (C4) à différents âges embryonnaires. B) Image de l’échographie du fœtus utilisée pour compter la fréquence des mouvements respiratoires fœtaux selon l’âge. H : cœur, S : estomac, D : diaphragme, SC : moelle épinière. Modifié de (Greer et al., 2006)

En période postnatale, la ventilation de l’animal est élevée dans les premiers jours de vie et cette dernière va diminuer avec l’avancée en âge. Il en est de même pour la consommation d’O2, ce qui représente un taux métabolique plus important chez les nouveau-

nés que l’adulte (Niane and Bairam, 2011). L’instabilité respiratoire est encore importante suite à la naissance et elle diminue avec l’avancée en âge. Le tout est représenté par une diminution du coefficient de variation de la ventilation ainsi qu’une diminution des épisodes d’apnées (Niane and Bairam, 2012). Les apnées et la respiration périodique, caractérisée par un groupe de mouvements respiratoires interrompus par des apnées en intervalle, représentent fortement l’immaturité du système respiratoire (Rigatto and Brady, 1972a). Elles sont souvent associées avec une grande variabilité dans la saturation en O2 et en CO2

alvéolaire (Al-Hathlol et al., 2000). Elles sont fréquemment retrouvées chez des nouveau-nés prématurés où elles altèrent le développement du réseau de contrôle respiratoire (Rigatto and Brady, 1972b). Il est cependant important de noter que toute apnée n’est pas reliée à une désaturation en O2. Des facteurs qui intensifient l’immaturité du système de contrôle

respiratoire (e.g. stress gestationnel) peuvent augmenter la proportion d’apnées couplées à des désaturations en O2 (Fournier et al., 2013). En plus de l’immaturité des circuits qui

génèrent le rythme respiratoire, une réponse à l’hypoxie sous-développée est aussi retrouvée chez le nouveau-né où la chémosensibilité de l’animal est exagérée et provoque les apnées (Al-Hathlol et al., 2000; Nock et al., 2004).