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LA DÉTENTION PRÉVENTIVE À GENÈVE

ÉTUDE STATISTIQUE DE LA DÉTENTION PRÉVENTIVE À GENÈVE

72 LA DÉTENTION PRÉVENTIVE À GENÈVE

En douze mois, toutes les détentions préventives correctionnelles sont achevées, et en trois mois plus des quatre cinquièmes des pré-venus ne sont plus en détention préventive.

Ces chiffres sont à la fois rassurants et inquiétants. Rassurants, car ils révèlent que les abus de durée, dans la détention préventive, ne sont pas aussi criants que certains le prétendent ; mais singuliè-rement inquiétants quant à la fréquence de détention dans les pro-cédures jugées (84

% ),

car ils peuvent démontrer que l'on n'hésite guère à arrêter et maintenir en détention préventive, même pour peu de temps, ou que l'on n'hésite guère à juger, soit à transmettre à l'autorité de jugement, dans les cas où le prévenu a fait de la déten-tion préventive. Cette dernière hypothèse demanderait à être vérifiée.

b) Examen des détentions: préventives ayant duré moins de cent jours.

143 détentions ont duré de 1 à 100 jours. L'importance des diffé-rentes durées est la suivante :

1 à 9 jours 49 fins de détention préventive 28,8 %

10 à 19 » 8 » » 4,7 %

20 à 29 » 15 » » 8,8 %

30 à 39 » 1 ~> » » 8,8 %

40 à 49 » 12 » » 7,0 %

50 à 59 » 1fi » » 9,4 %

60 à 69 » ,) ~- » » 2,9 %

70 à 79 » 10 » » 5,8%

80 à 89 » () » » 3,5 %

90 à 99 » 7 » » 4,1 %

14:~

Supérieures à 100 2'1 15,8 %

170

Pour les mêmes raisons que dans l'examen des procédures de sim-ple police, le délai de 9 jours a été fixé comme limite de validité pratique du mandat d'arrêt.

Sur l'ensemble des détentions (170), le pourcentage élevé de fin de détention préventive dans les 9 jours est significatif. Il confirme le rôle que joue, dans le processus de remise en liberté, la validité

LA DÉTENTION PHÉVENTIVE À GENÈVE 73 limitée du mandat d'arrêt, mais aussi le fait non négligeable que, passé ce délai, la liberté du prévenu ne dépendra plus de l'autorité qui a pris la décision de l'incarcérer.

30

20

10

Fin de détention

(en %) iTT IT

N=143

.

111111

1- 9 l 0-19 20-29 30-39 40-49 50-59 60-69 70-79 80-89 90·99

Jours depuis l'arrestation

GRAPHIQUE VI

Cour correctionnelle : taux d'achèvement de la détention préventive

74 LA DÉTENTION PRÉVENTIVE À GENÈVE

Par contre aucun indice ne laisse apparaître le rôle que pourrait jouer le «contrôle» de la Chambre d'accusation lorsque la détention préventive a duré six semaines. Ce phénomène devrait se situer dès la période de 40 à 49 jours ; or les pourcentages ne varient pas dans une mesure qui permettrait de penser que la transmission obligatoire de la procédure à la Chambre d'accusation ait une quelconque influence sur l'achèvement de la détention préventive. Pour être significative, cette échéance serait précédée, ou pourrait s'accompagner, d'un pour-centage plus élevé de fin de détention, causé par des instructions closes et des mises en liberté provisoire plus facilement accordées.

Dans les procédures correctionnelles c'est donc essentiellement la validité limitée du mandat d'arrêt qui est déterminante pour la durée de détention préventive. Cette conclusion ne doit pourtant pas con-duire à minimiser l'importance du fait que l'autorité compétente pour maintenir en détention préventive n'est plus la même, que la procé-dure doit être soumise en l'état à la Chambre d'accusation en un débat public, qu'enfin c'est cette dernière qui peut seule décider de la remise en liberté du prévenu. On s'aperçoit ainsi que les critiques adressées au mandat de dépôt et fondées sur le fait qu'il est décerné par une autorité de contrôle, théoriquement incompétente pour déli-vrer des mandats 18, sont empreintes d'un juridisme excessif.

§ :30. COUR o' ASSISES

18 accusés ont été renvoyés, en 1969, en jugement devant la Cour d'assises. Parmi ceux-ci, 1Ltne bande a défrayé la chronique judiciaire pendant plusieurs années. Accusés de brigandage et de tentative de brigandage à main armée (préparation du hold-up dit de l'ambulance), 6 d'entre eux ont fait 1.420 jours de détention préventive (3 ans et 11 mois) 19Il est évident qu'un tel phénomène est heureusement extra-ordinaire dans les annales judiciaires. Ces données étant des faits,

~lies méritaient d'être signalées ; toutefois, il ne peut être question de les intégrer aux calculs de moyennes que nous effectuons.

1s Exposé des motifs à l'appui du projet de code de procédure pénale, Genève, 1957, p. 118.

10 Trois autres complices ont fait respectivement 95, 231 et 348 jours de détention préventive. L'instruction a duré 1011 jours, et le jugement a été rendu 409 jours après la clôture de l'instruction.

On peut rappeler, à ce sujet, l'affaire « Wemhoff », jugée en Allemagne, et qui a fait l'objet d'un recours· à la Cour européenne des droits de l'homme, pour une détention préventive de trois ans et demi.

LA DÉTENTION PHÉVENTIVE À GENÈVE 75 Notre échantillon se limite donc à 12 accusés qui ont fait, en moyenne, 309 jours de détention préventive. A titre indicatif, si nous prenions en considération la bande rappelée ci-dessus, la « moyenne » de détention serait plus que doublée et atteindrait 660 jours.

L'importance relative des différentes durées de détention se répar-tit ainsi :

3 à 6 mois

... . ....

1 7 à 9 mois

... . ...

3 10 à 12 mois

.... . . . .... . ....

7 21 mois

.. ...

1

(47 mois: 6)

12

La durée de ces détentions démontre la vanité du contrôle formel établi par Je législateur à trois mois. Car toutes ces prodédures d'ins-truction ont fait l'objet du trop fameux renvoi au juge d'insd'ins-truction pour informations nouvelles. Puis, excepté les demandes de mise en liberté provisoire, très hypothétiques et toujours aléatoires dans Je domaine des infractions comminées de peines criminelles, Je juge d'instruction est maître d'une détention dont le seul mode d'achève-ment reste de sa compétence : clore la procédure et la transmettre au procureur général pour que l'affaire soit jugée à la plus prochaine session d' Assises.

§ 31. PROCÉDURES NON JUGÉES

On a déjà relevé (cf. § 25) l'importance de la détention préventive dans les procédures n'aboutissant pas à des jugements, à la suite de non-lieu, de retraits de plainte et de classements. La fréquence élevée de ces cas doit imposer une évaluation de la durée moyenne de détention préventive dans de telles hypothèses, car on ne saurait se contenter des calculs de durée effectués sur la base des prévenus et accusés condamnés, tels qu'ils ont été précédemment présentés. En effet, l'utilisation de la détention préventive est un phénomène infi-niment plus étendu, dont les conséquences ne se limitent pas aux cas où, pour des raisons parfois guère évidentes, cette détention devient une avance de peine déduite par jugement sur une condamnation définitive. Les chiffres servant ici de base de calcul sont des

approxi-76 LA DÉTENTION PRÉVENTIVE À GENÈVE

mations, qu'il serait également fort intéressant de contrôler préci-sément 20 •

Le nombre total des journées de détention préventive subies en maison d'arrêt, pour 1969, est connu : 30.000 21 • D'autre part, le nombre total de journées de détention effectué par des accusés et prévenus jugés en une année est également estimable. Il suffit de multiplier la durée moyenne calculée précédemment pour chaque juri-diction par le nombre de prévenus et accusés : on obtient 18.000.

Enfin, le nombre d'individus écroués préventivement et non jugés peut être évalué à 600, pour 1969 22

Ces chiffres donnent une moyenne de 4 semaines de détention préventive, résultat que nous fournissons sous toute réserve mais qui pourrait bien, selon les praticiens, correspondre à la réalité.

§ 32. COMPARAISONS AVEC D'AUTRES PAYS EUROPÉENS

Pour comparer les données de l'Allemagne et de la France avec celles de Genève, nous prendrons pour notre canton, les cas de déten-tion préventive que nous avons pu étudier 23, y compris ceux du Tribunal de police (soit, en tout, 363 cas).

à 30 jours 31 à 60 jours 61 à 90 jours 4 à 6 mois 7 à 12 mois plus de 12 mois

61,9

%

(225, dont 153 cas du Tribunal de police) 17,0 % (62, dont 20 cas du Tribunal de police)

6,6 % (24)

6,3

%

(23, dont 1 cas du Tribunal de police) 5,8

%

(21)

2,2

% (

8)

(moins de 3 mois : 85,5

% -

moins de 4 mois : 88,0

% )

20 Seule une étude analogue à celle-ci, mais qui aurait pour échantillon les procédures pénales non jugées et classées par décision du procureur général, permettrait de vérifier les résultats présentement obtenus sur la base d'éva-luations.

21 Registre d'écrou (1969) de la prison de Saint-Antoine (Genève).

22 Cf. § 25.

23 Il s'agit des procédures jugées uniquement, à l'exclusion de celles qui n'ont pas occupé les juridictions de jugement.

LA DÉTENTION PRÉVENTIVE À GENÈVE 77

Pour l'Allemagne, une statistique partielle, concernant la Bavière 24, de 1968, donne les pourcentages suivants :

Les données statistiques françaises, pour 1966, sont partielle-ment fondées sur les durées-limite prévues par les dispositions alors

78 LA DÉTENTION PRÉVENTIVE À GENÈVE

En comparant la représentation graphique de ces données, on constate que Genève présente une similitude frappante avec la forte régression des pourcentages qu'expriment les données françaises, tout au moins pour le début de ila détention préventive. Ce qui indique que dans un système sans conditions régissant l'application de la détention préventive, celle-ci se trouve interrompue rapidement (dans les 2 ou 3 premiers mois) et dans un nombre élevé de cas, tandis que la fin de la détention préventive, pour Genève, semble indiquer que, passé une certaine durée, son application justifie à elle seule son maintien. Les pourcentages, pour des durées de détention de 4 à 12 mois, se main-tiennent entre 6 et 5

% .

Ce phénomène est à rapprocher de l'expres-sion graphique des données concernant lAllemagne, où la détention préventive prononcée conformément à des dispositions précises reste justifiée assez longtemps et dans un nombre relativement élevé de cas.

D'autres pays européens peuvent encore fournir des comparaisons utiles : 25

Hollande moins de 3 mois ... . 3 à 6 mois ... . plus de 6 mois ... .

Autriche

61,1

%

33,1

%

5,8

%

moins de 3 mois . . . 74 % plus de 3 mois . . . 26

%

On peut donc dire que dans les pays européens cités, les deux tiers des cas de détention préventive ne durent pas au-delà de 3 à 4 mois. Avec 85

%

des cas de détention préventive ayant duré moins de 3 mois, Genève occupe donc, pour ce qui est de la durée, une place de tête parmi les pays européens.

25 ]. Krümpelmann, ZStW 1970, p. 1103.

LA DÉTENTION PRÉVENTIVE À GENÈVE 79

Section 3

FIN DE LA DÉTENTION PRÉVENTIVE

§ 33. GÉNÉRALITÉS

L'examen de l'utilisation des modes procéduraux d'achèvement de la détention préventive constitue l'un des meilleurs moyens de juger de l'efficacité de ces institutions et de leur utilité. Cet examen pré-sente un intérêt particulier dans un système où le contrôle direct de la détention préventive n'existe pas. On peut poser en postulat qu'une institution permettant d'intervenir après l'arrestation et l'incarcération a nécessairement une mission très réduite : limiter, si faire se peut, la durée de la détention préventive.

Tenter d'élargir cette mission, comme le législateur genevois l'a voulu en 1849, 1879, 1884 et 1940, c'est, nous l'avons dit, se tromper d'objectif : car on peut appliquer à Genève l'observation faite naguère au sujet de la pratique française, à savoir que notre droit « souffre plus d'un abus des mises en détention que d'une durée abusive des détentions » (J .-P. Doucet).

Lorsque ce problème, essentiel, de la fréquence sera résolu, les institutions permettant de mettre fin à la détention préventive perdront sans doute l'importance quasi-mystique qu'on leur a conférées si longtemps ; ainsi le respect inconditionnel du législateur genevois de 1940 pour des textes bientôt centenaires, qu'il n'a osé modifier, est à cet égard révélateur.

Une remarque technique s'impose enfin : les résultats que nous présentons ci-après ne concernent que des dossiers jugés, ce qui exclut bien évidemment toutes les causes de remise en liberté telles que retrait de plainte, non-lieu ou classement.

§ 34. TRIBUNAL DE POLICE

Notre étude n'ayant pas porté principalement sur la pratique de cette juridiction, seules quelques données permettent d'exposer par-tiellement le mode d'achèvement de la détention préventive dans les procédures ayant été jugées par Je Tribunal de police.

80 LA DÉTENTION PRÉVENTIVE À GENÈVE

Sur les 17 4 cas de détention, nous avons pu relever :

a) 33 prévenus arrêtés et relaxés le même jour. Dans la plupart de ces cas, seul Je mandat d'amener a été utilisé.

b) 85 prévenus qui ont fait de 2 à 9 jours de détention préventive.

Ils ont tous fait l'objet d'un mandat d'arrêt. 28 ont vu leur déten-tion s'achever par leur jugement (dans les 9 jours dès l'arresta-tion). 57 ont été purement et simplement relaxés (32, 7

%

des détenus).

c) 56 prévenus contre lesquels un mandat de dépôt a été décerné par la Chambre d'accusation; 24 ont été maintenus en détention pré-ventive jusqu'à leur jugement; 32 ont été mis en liberté provisoire avec ou sans caution, suite à leur demande présentée à la Cham-bre d'accusation.

Dans l'ensemble, les trois modes d'achèvement de la détention ont l'importance relative suivante :

Relaxes ... -.... . Jugements ... . Mises en liberté provisoire

pronon-cées par la Chambre d'occusation 90 52 32 174

51,7

%

29,9

%

18,3 %

La mise en liberté provisoire, comme mode de suspension de la détention préventive, n'a donc pas, dans les procédures de simple police, une importance considérable. Il n'en est pas de même de la relaxe, qui s'applique à 73,7 % des remises en liberté.

Le graphique suivant permet de localiser dans Je temps de déten-tion l'intervendéten-tion des remises en liberté, comprenant relaxes et mises en liberté provisoire, et des jugements pour les prévenus détenus.

Il situe 118 remises en liberté, sur un total de 122, et 46 jugements (affectant des détenus) sur 52.

33

16

1~

12

10

~

2

Nombre de cas

2

~

6

8

LA DÉTENTION PRÉVENTIVE À GENÈVE 81

1) Rela1<cs et mises en liberté

5 10 15 20 25 30 35

GRAPHIQUE VIII

Tribunal de police : mode d'achèvement de la détention préventive

§ 35. COUR CORRECTIONNELLE

170 condamnés correctionnells ont été détenus préventivement.

a) 49 prévenus ont été relaxés dans les 9 jours dès l'arrestation par le juge d'instruction. Le mandat d'arrêt a été utilisé dans tous les cas, parfois précédé du mandat d'amener.

b) 13 prévenus ont été mis en liberté provisoire par la Chambre d'ac-cusation, ceci sans caution. Tous ont fait au minimum 10 jours de détention préventive.

82 LA DÉTENTION PRÉVENTIVE À GENÈVE historiquement intéressante, certes moins critiquable que ne l'est la mise en liberté avec caution, la mise en liberté sans caution est victime

LA DÉTENTION PRÉVENTIVE À GENÈVE 83 d'un mépris certain que lui témoigne la pratique, d'où la rareté de son utilisation.

Enfin, 42 % des prévenus ayant subi de la détention préventive (n

=

170) ne la voient s'achever qu'avec leur jugement, ce qui repré-sente, sur l'ensemble des condamnés correctionnels (N

=

202), un

pourcentage important, atteignant 36

%.

Etabli comme pour les procédures jugées par le Tribunal de police, Je graphique suivant est la représentation de l'échelonnement des deux modes principaux d'achèvement de la détention préventive selon l'écoulement du temps (en mois) depuis l'arrestation. Dans la partie supérieure, figurent ensemble relaxes et mises en liberté, avec ou sans caution, et dans la partie inférieure, les jugements des pré-venus détenus.

60

15

10

5

Nombre 2 4

5

10

15

20

1 ) Relaxes et mises en liberté N=97

TIIll111111111011111111 mumn

6 8

GRAPHIQUE IX

10

2) Jugements N=73

12

Cour correctionnelle : mode d'achèvement de la détention préventive

84 LA DÉTENTION PRÉVENTIVE À GENÈVE

§ 36. COUR D'ASSISES

18 accusés ont été jugés par la Cour d'assises, en 1969. 15 accusés ont comparu détenus, leur détention préventive ayant duré jusqu'au jugement.

3 accusés avaient réussi à obtenir leur mise en liberté provisoire : 1 sans caution, après 95 jours de détention,

1 avec caution de 50.000 francs, après 231 jours de détention, 1 avec caution de 1.000 francs, après 348 jours de détention.

Ce dernier accusé a d'ailleurs été acquitté par défaut ; c'est le seul cas d'acquittement sur l'ensemble des procédures jugées par défaut.

Il n'est guère possible die tirer de conclusions sur un si petit nom-bre d'accusés ; on peut toutefois relever l'importante proportion de ceux qui ont attendu, en détention préventive, leur jugement (83,3

% ),

partiellement justifiée - a posteriori - par la peine moyenne pro-noncée contre ces 15 accusés, qui est de 4 ans.

Section 4

INSTITUTIONS LIÉES A LA DÉTENTION PRÉVENTIVE

§ 37. MISE EN LIBERTÉ SOUS CAUTION

Dans l'inventaire des institutions procédurales genevoises en rap-port étroit avec la détention préventive, la mise en liberté sous caution occupe encore, dans les textes et la doctrine, une place de choix, qu'elle a perdue depuis longtemps dans l'ensemble des procédures européennes continentales 26•

C'est au législateur de 1849 que l'on doit la mise en liberté sous caution en matière de délits correctionnels ; l'application de ce

prin-26 Elle n'est, en fait, plus 1~uère appliquée que dans les droits espagnol et anglais, ce dernier imposant toutefois une pratique de l'institution de la caution (bail) sans comparaison avec la jurisprudence de la Chambre d'accusation gene-voise. La caution anglaise oscillle entre Fr. 200.- et Fr. 500.-, et il n'est pas rare qu'elle soit inférieure à Fr. 50.-(cf. ]. Krffmpelmann, ZStW 1970, p. 1101).

LA DÉTENTION PRÉVENTIVE À GENÈVE 85 cipe s'est heurtée, dès l'entrée en vigueur du CPS, à des difficultés d'interprétation qui rendent encore actuellement très douteuses cer-taines décisions de la Chambre d'accusation. En effet, l'art. 160 CPPOE prévoit de droit la mise en liberté sous caution pour les délits correctionnels ; d'autres articles de ce même code (art. 148 et 149) parlent de « peine criminelle » ou « correctionnelle ». Rapportée à un droit de fond qui consacre très largement le principe des peines paral-lèles, la terminologie du code de procédure pénale conduit ici encore à une regrettable incertitude juridique. Ces difficultés, ajoutées à un âge qui rend cette institution incompatible avec l'ordre social, n'ont certes pas favorisé l'utilisation de la mise en liberté sous caution et ont rendu cette procédure compliquée, aléatoire et inéquitable ; il n'est dès lors pas étonnant que l'intérêt qu'elle suscite encore ne soit que théorique et historique. Ses principes sont les suivants :

a) elle peut être demandée en tout état (art. 156 CPPOE) ;

b) elle est obligatoire en matière de délits correctionnels ; elle ne l'est plus si le prévenu a déjà subi une condamnation pour crime27 ou s'il a laissé contraindre sa caution (art. 160);

c) la Chambre d'accusation fixe le montant du cautionnement eu égard aux circonstances du crime ou du délit et au préjudice pré-sumé (art. 161 al. 1);

d) la caution peut être de différentes natures : - dépôt d'une somme en espèces,

- hypothèque sur biens suffisants,

- cautionnement de trois personnes solvables (art. 161 al. 2).

En pratique, seul le dépôt en espèces est utilisé.

L'importance et l'usage d'une telle institution seraient incomplè-tement décrits si l'on se bornait à citer le nombre des mises en liberté effectives (comme nous l'avons fait dans les précédents paragraphes).

L'étude des dossiers correctionnels et criminels (car c'est l'ensemble de ces procédures qui fait l'objet des présentes remarques) a permis de mettre en lumière également l'autre aspect d'une telle institution, à savoir le nombre de mises en liberté qui n'ont pu être exécutées, la caution n'ayant pas été réunie ni déposée. Peut-être n'est-ce pas là

21 Ce ne sont point les critères du droit de fond qui sont applicables (art. 9 al. I CPS), mais ceux qui déterminent la compétence de la Cour d'assises (art. 1 Loi gen. d'applic. du CPS).

8

6

2

86 LA DÉTENTION PRÉVENTIVE À GENÈVE

Je revers de l'institution, mais bien plutôt son vrai visage : empêcher par un moyen détourné, la mise en liberté, tout en l'accordant dans son principe. Une telle institution, dans sa grande souplesse, s'adapte donc à toutes les situations.

188 prévenus et accusés ont fait de la détention préventive ; 57 ont signé une demande de mise en liberté sous caution, soit le 30

o/o.

Seuls 37 ont pu déposer la somme fixée par la Chambre d'accusation. Le montant moyen de ces cautions est de Fr. 5.900.-, montant extrême-ment élevé si l'on se rappelle Je statut socio-professionnel des con-damnés. D'autre part, les 20 cautions non réunies s'élèvent en moyenne à Fr. 13.500.-; la caution prohibitive reste donc un moyen utilisé par la Chambre d'accusation dans un pourcentage élevé (35

% )

de demandes de mises en liberté.

Caytions déposées n=37

c~~tions non déposées n=20

Nombre de cas

1 1

200 400 600 1.000 5.000 10.000 20.000 30.000

Montant de la caution (en Frs . .)

GRAPHIQUE X

Mise en liberté avec caution : cautions déposées et non déposées

Malgré les attaques qui ont visé à la fois le système et les critères de la mise en liberté sous caution, il n'est guère surprenant de constater que la Chambre d'accusation persévère dans une voie consacrée par les textes et une trop longue habitude : le préjudice reste incontesta-blement la base principale de calcul pour la caution. Preuve en est

50.000

LA DÉTENTION PHÉVENTIVE À GENÈVE 87 que la moyenne du préjudice, dans les procédures qui ont fait l'objet d'une fixation de caution 28, est de Fr. 6.800.-, tandis que la moyenne générale des cautions est de Fr. 8.600.-.

Quant à l'efficacité réelle de la caution comme garantie de la présence du prévenu ou de l'accusé au jugement, il n'est pas sans intérêt de savoir que, sur 20 jugements par défaut, 7 inculpés (35 % ) avaient été mis en liberté avec une caution, dont le montant moyen

Quant à l'efficacité réelle de la caution comme garantie de la présence du prévenu ou de l'accusé au jugement, il n'est pas sans intérêt de savoir que, sur 20 jugements par défaut, 7 inculpés (35 % ) avaient été mis en liberté avec une caution, dont le montant moyen