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2.2.1 Quelques travaux précurseurs

Dans certains milieux, l’absorption d’une onde lumineuse incidente, suivie par des proces-sus de relaxation non-radiatifs est à l’origine d’une élévation de température, laquelle induit un gradient d’indice de réfraction1 n au voisinage de la région chauffée. Dans les années 1970-1980, de nombreuses techniques optiques ont tiré profit de cet effet photothermique afin de mesurer de très faibles absorptions dans des solides ou des liquides mais aussi à la surface d’échantillons non transparents et dans des échantillons biologiques. Parmi les dispositifs exis-tants nous pouvons citer des méthodes interférométriques [Stone:72; Stone:73], la spectrosco-pie par lentille thermique [Hu:73; Long:76] ou encore la technique de déflection photothermique

1De manière équivalente nous pouvons définir cette perturbation en termes de la susceptibilité diélectrique χ du milieu. Ces deux quantités sont liées par la relation ∆χ ≈ 2n ∆n. Comme nous le verrons dans la section 2.3, il est plus pratique de faire intervenir la susceptibilité pour calculer le signal photothermique.

[Bocca:80; Murph:80; Fourn:80; Jacks.W:81] qui fut développée en 1980 à l’ESPCI par l’équipe de C. Boccara et D. Fournier. Cette technique utilise la combinaison d’un faisceau de chauffage fortement absorbé par l’échantillon et d’un faisceau peu absorbé utilisé pour sonder le gradient d’indice engendré par effet photothermique. Ces approches sont tout à fait adaptées à des mesures de spectroscopie d’ensemble ou à la caractérisation locale de nouveaux matériaux et/ou compo-sants électroniques dont les dimensions caractéristiques sont supérieures aux longueurs d’onde des faisceaux utilisés. Les résultats obtenus avec de telles expériences sont susceptibles d’être interprétés à l’aide de considérations issues de l’optique géométrique (effet de « lentille » ther-mique ou détection de l’effet « mirage » ). Les travaux présentés dans la suite de ce manuscrit ont été consacrés à la détection optique de l’effet photothermique issu de nano-objets individuels. Ils s’inscrivent donc dans la lignée de ces travaux précurseurs dont ils sont le pendant à l’échelle sub-longueur d’onde.

Nous présentons par la suite deux méthodes de détection photothermique de nano-objets individuels développées dans notre équipe.

2.2.2 Contraste interférentiel photothermique

Cette microscopie photothermique en champ lointain, baptisée PIC pour « Photothermal In-terference Contrast » , fut développée en 2002 dans le groupe nanophotonique [Boyer:02], au cours des travaux de thèse de David Boyer. Il s’agit de la première détection d’un effet photothermique à l’échelle nanométrique. Son développement fut en grande partie motivé par les limitations ac-tuelles de certaines microscopies. D’une part, il semblait nécessaire de fournir une alternative à la microscopie de fluorescence. Par ailleurs, une technique utilisant l’absorption était susceptible de surpasser la sensibilité des techniques d’imagerie reposant sur la diffusion Rayleigh.

Le dispositif expérimental est représenté sur la figure 2.1 (a)). Il utilise la combinaison d’un faisceau laser excitateur fortement absorbé (Nd :Yag doublé : 532 nm)2 modulé temporellement à la pulsation Ω et d’un faisceau laser sonde peu absorbé (HeNe 632.8 nm)3 polarisé horizontale-ment. Le faisceau sonde est séparé en deux faisceaux de polarisation orthogonale par un prisme de Wollaston. Un des deux faisceaux est superposé avec le faisceau excitateur, alors que l’autre est légèrement décalé. Les trajets de ces deux faisceaux constituent les deux bras d’un interféromètre. Ces faisceaux sont focalisés, à l’aide d’un objectif de microscope de grande ouverture numérique, sur un échantillon contenant une faible densité surfacique(< 1 µm−2)de nano-particules d’or in-sérées dans une fine (< 100nm) matrice polymère. L’échantillon est monté sur un scanner piezo électrique et peut être déplacé par rapport aux faisceaux avec une précision proche du nano-mètre. Lorsque le faisceau excitateur est focalisé au voisinage d’une nanoparticule métallique, l’absorption partielle de ce faisceau induit un gradient local de température (Eq. (2.3)), et le profil d’indice résultant se comporte comme un objet de phase à travers lequel un seul des deux

2Cette longueur d’onde est voisine de la résonance plasmon de surface des nanoparticules d’or.

3

A cette longueur d’onde une nanoparticule d’or de 10 nm absorbe environ 10 fois moins qu’à résonance (Fig. 1.4).

2.2 Détection photothermique 27

faisceaux sonde se propage (Eq. (2.4)). Il existe alors une différence de marche entre les chemins optiques parcourus par les deux faisceaux sonde. Après réflexion au niveau de l’échantillon, les deux faisceaux sonde parcourent le même chemin optique qu’à l’aller et se recombinent au niveau du prisme de Wollaston à l’aide d’un système télécentrique. La composante polarisée vertica-lement est réfléchie par un cube séparateur de polarisations puis focalisée sur une photodiode rapide. Celle-ci contient un signal d’interférence à la pulsation Ω qui est extrait par détection synchrone. En utilisant des intensités d’excitation de l’ordre de 10 M W/cm2, le contraste in-terférentiel photothermique a permis de détecter pour la première fois des nanoparticules d’or individuelles de 5 nm avec un rapport signal à bruit (RSB) de l’ordre de 10 (Fig. 2.1 (b)). Il est important de signaler que l’imagerie PIC est totalement insensible au fond de lumière diffusée par l’échantillon. Le signal photothermique fournit une cartographie des objets absorbants présents dans un échantillon. L’amplitude du signal photothermique est proportionnelle à la puissance absorbée par le nano-objet.

Fig. 2.1 : Contraste interférentiel photothermique. (a) Dispositif expérimental. (b) Image photothermique (10×10µm2)de nanoparticules d’or de 5nm de diamètre. Chaque pic correspond à une nanoparticule individuelle.

Le contraste interférentiel photothermique autorise en principe l’étude de très petites nano-particules métalliques et de manière plus générale de tout nano-objet non ou peu luminescent. Toutefois, sa sensibilité est intrinsèquement limitée par le recouvrement des deux faisceaux sonde dont les fronts d’onde et surtout la polarisation peuvent être modifiés après avoir traversé un ob-jectif de forte ouverture numérique. Ainsi, les intensités d’excitation nécessaires pour détecter de petites nanoparticules sont proches des valeurs limites estimées (cf. 1.3.3.b) et sont susceptibles d’induire des élévations de température trop importantes à la surface des plus petites nanopar-ticules. La section suivante est consacrée à une nouvelle méthode de détection photothermique développée au cours de cette thèse, dont la sensibilité surclasse de deux ordres celle la méthode PIC. Toute la suite de ce manuscrit est consacrée au développement et à des applications de cette méthode.

2.2.3 Imagerie photothermique hétérodyne

L’imagerie photothermique hétérodyne (baptisée « PHI » comme acronyme de « Photother-mal Heterodyne Imaging »4) est une technique proche mais néanmoins beaucoup plus sensible que la méthode PIC présentée précédemment. Comme la méthode PIC, elle permet de détec-ter l’absorption sur un fond noir. Nous considérons toujours un faisceau laser excitateur modulé focalisé sur un échantillon contenant des nano-objets absorbants. Un unique faisceau sonde est maintenant superposé au faisceau excitateur. Lorsque les faisceaux sont focalisés au voisinage d’un nano-objet absorbant, le profil d’indice de réfraction dû à l’absorption partielle du faisceau excitateur diffuse partiellement le faisceau sonde. Le champ diffusé contient des bandes latérales à la pulsation ω ± Ω, où ω est la pulsation du faisceau sonde. Le signal photothermique est alors le battement à Ω entre ce champ diffusé et le champ sonde qui joue le rôle d’oscillateur local présent dans toute technique de détection hétérodyne. Le recouvrement entre l’oscillateur local et le champ diffusé ne nécessite aucune recombinaison. Ce recouvrement optimal est à l’origine de la sensibilité accrue de la méthode PHI.

Le signal photothermique peut être extrait par détection synchrone dans deux configurations différentes :

– « Vers l’avant » : On détecte le battement à Ω entre le champ diffusé vers l’avant et le champ sonde transmis par l’échantillon. Nous utiliserons souvent l’indice F (de l’anglais forward ) pour faire référence à cette configuration.

– « Vers l’arrière » : On détecte le battement à Ω entre le champ diffusé vers l’arrière et le champ sonde réfléchi au niveau de l’échantillon. Nous ferons souvent référence à cette configuration en utilisant l’indice B (de l’anglais backward ).