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3.7.1 Conclusion

Au cours de ce Chapitre, la méthode de détection photothermique hétérodyne s’est imposée comme un outil efficace permettant de mesurer pour la première fois et avec une grande sensibilité le spectre d’absorption de nanoparticules d’or individuelles de 5 nm de diamètre. En dépit d’un fort amortissement interbandes, des effets de taille intrinsèques ont clairement été observés puis discutés dans le cadre de la théorie de Mie et à la lumière de travaux expérimentaux récents obtenus par d’autres groupes. Nos résultats, en accord avec les mesures d’ensemble de Ziegler et al et les mesures de Novo et al. prédisent une valeur de A = 0.3 ± 0.1 pour le paramètre de taille. Cette estimation expérimentale, sensiblement plus faible que les prédictions théoriques fondées sur des approches voisines de celle de Kubo (A ≈ 1) devrait susciter de nouveaux efforts théoriques afin de calculer la réponse optique de nanoparticules de métaux nobles. Enfin, si des effets remarquables sur la largeur de la RPS ont pu être analysés, nous n’avons pas constaté de déviation significative de la position de la RPS par rapport à la tendance prédite par la théorie de Mie pour D ≥ 5nm.

3.7.2 Perspectives

Des calculs semi-classiques récents prédisent l’existence d’une composante oscillatoire de la largeur de la RPS due à des effets subtils de corrélation entre les densités d’états des électrons et des trous d’une nanoparticule [Molin:02; Weick:05] :

Γosc(D) ∝ EF(kFD)−5/2 cos (kFD) (3.49)

La composante Γosc(D) s’ajoute à la composante continue de la largeur variant comme 1/D. Avec le même formalisme, Weick et al. ont aussi calculé le décalage vers le rouge dû à l’effet de spill out et prédit l’existence d’un décalage vers le rouge supplémentaire dû à l’interaction de la « particule plasmon » avec l’environnement électronique de la nanoparticule, analogue au décalage de Lamb [Weick:06]. De tels effets sont supposés être observables pour D < 5 nm. Toutefois, pour des nanoparticules d’or sphériques, ils risquent d’être masqués par l’amortissement interbandes. Par contre, nous avons plus d’espoir d’observer les effets prédits en étudiant des bâtonnets d’or de très petite taille ou encore des nanoparticules sphériques d’argent, pour lesquelles la RPS se manifeste dans une région peu affectée par les transitions interbandes (cf. Fig. 3.1).

A cet effet, nous nous sommes récemment intéressés à l’étude de nanoparticules d’argent à l’aide de la méthode photothermique. Contrairement aux nanoparticules d’or, les nanoparticules d’argent sont souvent instables en phase aqueuse. En particulier, l’interaction d’un faisceau lumi-neux avec une nanoparticule d’argent est susceptible de provoquer des réactions photochimiques à sa surface. Récemment, des études sur des nanoparticules d’argent uniques ont révélé l’existence d’un fort signal de luminescence [Peyse:01; Tregu:05], provenant d’oligomères d’argent formés par

3.7 Bilan du chapitre 3 101

photo-oxydation. D’autres réactions photochimiques sont utilisées afin de modifier la forme de nanoparticules d’argent de manière contrôlée [Jin:01]. Dans l’ensemble, les réactions photochi-miques se produisant à la surface d’une nanoparticule d’argent sont donc susceptibles d’induire des variations importantes de la section efficace d’absorption, voire éventuellement d’aboutir à la photodestruction de la nanoparticule dans le cas d’une excitation laser impulsionnelle [Boyer:03]. Du point de vue du signal photothermique, ces effets se traduisent par un comportement erratique du signal photothermique dont l’intensité moyenne tend à chuter au cours du temps. Il est donc indispensable d’inhiber ces processus photochimiques si l’on souhaite étudier des nanoparticules d’argent individuelles à l’aide de la méthode PHI. Ceci peut être réalisé en encapsulant les nano-particules d’argent [Zheng.J:02], par exemple à l’aide d’un polymère soluble dans l’eau, comme le poly-ethylène glycol (PEG) [Wuelf:98].

Fig. 3.17 : (a)Image photothermique (5 × 5 µ m2) de nanoparticules d’Argent indivi-duelles de 5 nm de diamètre. (b) Trace temporelle issue d’une nanoparticule d’argent individuelle. (c) Distribution des signaux photothermiques construite à partir de 653 pics.

Grâce à une collaboration avec les équipes de M. Brust et D. Fernig à l’université de Liverpool, nous avons pu disposer d’une solution de nanoparticules d’argent de 5 nm de diamètre moyen, recouvertes d’une fine couche de PEG [Doty:05]. La figure 3.17 résume les résultats que nous avons obtenus avec la méthode PHI sur un échantillon dilué contenant ces nanoparticules. Afin de détecter des nanoparticules d’argent nous avons utilisé une diode laser émettant à 405 nm (soit 3.06 eV ), une longueur d’onde proche de leur résonance plasmon de surface. Le faisceau de sonde était un laser He :Ne émettant à 633 nm. Comme l’amortissement interbandes est négligeable pour

des nanoparticules d’argent, la RPS est fortement exaltée par rapport à celle des nanoparticules d’or. A intensité d’excitation égale, le signal issu d’une nanoparticule d’argent de 5 nm est environ 10 fois plus élevé que celui d’une nanoparticule d’or de taille identique. La figure 3.17 présente une image de nanoparticules d’argent individuelles de 5 nm de diamètre excitées avec une intensité inférieure à 50 kW/cm2 et un temps d’intégration de 10 ms par pixel16.

Le rapport signal à bruit obtenu est supérieur à 10. Par ailleurs, le signal photothermique issu d’une nanoparticule individuelle est très stable sur des durées largement supérieures au temps né-cessaire à l’acquisition d’un spectre. Les nanoparticules fournies ont une dispersion en taille assez élevée (de l’ordre de ±20%). En conséquence, la distribution des signaux photothermiques issue de 653 de nanoparticules individuelles est relativement plus large que les distributions obtenues pour des nanoparticules d’or. Notons que cette distribution a été obtenue à partir d’échantillons très dilués. Ainsi, il est très peu probable que la « queue » de cette distribution corresponde à la détection de deux nanoparticules d’argent ou plus dans un même volume confocal.

Ces résultats préliminaires sont très encourageants en vue d’une application à la spectroscopie. En effet, le signal intense recueilli pour des nanoparticules d’argent de 5 nm de diamètre laisse à penser qu’il sera possible d’enregistrer des spectres d’absorption pour des diamètres de l’ordre de 2 nm avec un bon rapport signal à bruit. Dans cette gamme de tailles, nous pouvons espérer tester les effets prédits théoriquement par Weick et al..

Enfin, les bâtonnets d’or semblent tout aussi intéressants pour des applications utilisant le dispositif PHI. Pour des facteurs de forme supérieurs à ∼ 3.5 les énergies de résonance du mode longitudinal se situent dans une gamme spectrale accessible aux lasers Titane : Saphir [Sönni:02a; Novo:06]. De tels lasers sont extrêmement stables et peuvent être accordés sur une bande plus large que les lasers à colorant.

16

A titre de comparaison rappelons que les spectres de nanoparticules d’or de 5 nm de diamètre ont été enregistrés avec des intensités d’excitation de l’ordre de 200 à 500 kW/cm2.

Chapitre 4

Détection et Spectroscopie de

nanocristaux de CdSe individuels

4.1 Introduction

Au cours du chapitre 3, nous avons prouvé que la méthode d’imagerie photothermique hétéro-dyne autorisait des applications originales à la spectroscopie d’absorption. Cette méthode est non seulement extrêmement sensible mais fournit également des informations précieuses sur le spectre d’absorption des nano-objets détectés. Dans ce nouveau chapitre nous montrons que l’utilisation de la méthode photothermique n’est pas limitée aux nanostructures métalliques, mais peut aussi être appliquée à l’étude quantitative du spectre d’absorption de nanocristaux semiconducteurs in-dividuels. Depuis les premières synthèses réalisées au début des années 1990 [Korta:90; Murra:93], les nanocristaux semiconducteurs colloïdaux suscitent un intérêt considérable au sein de plusieurs communautés scientifiques, notamment en raison de leurs propriétés optiques remarquables. En particulier, les nanocristaux sont caractérisés par large spectre d’absorption associé à une raie d’émission étroite, dont la position est directement fonction de la taille. A ce titre les nano-cristaux constituent des émetteurs accordables sur l’ensemble du spectre visible. Depuis 1995, il est possible de détecter le signal de luminescence de nanocristaux semiconducteurs individuels [Emped:96].

En revanche, il est délicat de mesurer l’absorption d’un nanocristal semiconducteur individuel. La spectroscopie des états non-émissifs reste donc largement méconnue. Même si les nanocristaux semiconducteurs ne sont a priori pas de bons candidats pour la méthode PHI, nous montrerons qu’il est possible de détecter un signal photothermique dans certaines conditions. Ce signal sera utilisé afin de mesurer le spectre d’absorption d’un nanocristal individuel. Après avoir introduit quelques concepts théoriques nécessaires à la description des propriétés optiques des nanocris-taux semiconducteurs, nous présenterons les premières images photothermiques de nanocrisnanocris-taux individuels. La stabilité du signal détecté permet d’effectuer une étude systématique des spectres d’absorption de nanocristaux individuels. Tout au long de ce chapitre, les résultats obtenus avec

la méthode PHI seront comparés et discutés à des mesures utilisant les techniques usuelles de microscopie confocale de luminescence.