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A partir des processus biologiques présentés à la section I. 1, plusieurs travaux de modélisation mécanique furent également entrepris afin d’évaluer le comportement biomécanique d’une tige lignifiée, i.e., la réponse fonctionnelle de l’arbre dans son environment. Cette section développe ainsi les bases de la biomécanique, de l’échelle du matériau à celle de l’individu.

La thèse portant essentiellement sur les essences feuillues, nous développerons le cas des angiospermes (donc du BT et de l’asymétrie de contraintes générée par une tension très forte sur une face), tout au long de cette section.

I. 2. 1 Mesures de la présence de BT et des déformations de maturation

I. 2. 1. 1 Détection macroscopique du bois de tension sur une section transversale

de tige

Nous avons vu à la section I. 1 que le BT se distinguait du BN par la structure anatomique particulière de ses cellules, dont la paroi secondaire présentait une couche gélatineuse (couche G) chez certaines essences. Traditionnellement, les méthodes de détection du BT reposent sur l’utilisation de colorants, qui mettent en évidence ces propriétés particulières sur une rondelle de bois (Grzeskowiak et al., 1996). Plusieurs colorants existent (safranine fast green, chloro-iodure de zinc), mais l’un des plus couramment utilisés est le bleu-astra safranine, qui colore en rouge le BN (réaction avec la lignine) et en bleu le BT (réaction avec la cellulose cristalline de la couche G) (Siebers, 1960).

D’autres auteurs ont remarqué la présence de zones nacrées à la surface de rondelles observées à l’œil nu sous une lumière à faible angle d’incidence. A partir d’images numériques, des procédures de traitement d’image (e.g., seuillage) ont ainsi mis en évidence que cette surface nacrée correspondait à la couche G caractéristique du BT chez le peuplier (Badia et al., 2005) et le hêtre (Barbacci et al., 2008), et que les distributions de BT obtenues de cette manière étaient en accord avec celles obtenues par coloration.

Basés sur ces outils de détection, des méthodes de « cartographie » du BT, utilisant des procédures de traitement d’images, ont alors été mises au point afin de quantifier la surface et l’orientation du BT sur des rondelles, cerne après cerne (Badia et al., 2006; Barbacci et al., 2008; Clair et al., 2003a; Jourez and Avella-Shaw, 2003). La Figure I. 5 montre un exemple de procédure de traitement d’image permettant la « cartographie » du BT sur une rondelle (méthode mise au point dans Barbacci et al., 2008).

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Figure I. 5. Exemple de traitement permettant de « cartographier » le BT sur une rondelle. La prise de vue de la rondelle sous une lumière à faible angle d’incidence révèle l’aspect nacré du BT (a). Une procédure de seuillage permet de clairement séparer le BT du BN (b). Une procédure de sectorisation radiale et angulaire permet enfin de « cartographier » la distribution du BT pour différentes zones de la rondelle (c).

I. 2. 1. 2 Estimation des contraintes périphériques sur la tige

L’estimation des autocontraintes longitudinales de maturation dans le bois des arbres sur pied a été l’objet de nombreux travaux (e.g.,(Fournier et al., 1994). Un capteur, mis au point au CIRAD et basé sur la méthode du trou unique (Archer, 1986), fait actuellement référence (Clair et al., 2006a; Grzeskowiak et al., 1996).

Le principe est de mesurer la variation de distance entre deux pointes plantées dans le bois en périphérie du tronc, après écorçage (retrait de l’écorce et du cambium). Les deux pointes sont distantes de 45 mm, sont reliées par un capteur de type extensomètre et déterminent une direction qui suit le fil du bois. Un trou de 20 mm de diamètre et de 10 mm de profondeur est ensuite réalisé entre les deux pointes. Les autocontraintes du bois, dues au retrait de maturation, sont ainsi libérées à cet endroit. On peut alors montrer, par modélisation mécanique et par confrontation expérimentale avec d’autres méthodes de mesure, que le déplacement (écartement des pointes) mesuré par le capteur est proportionnel à la tension longitudinale initiale, elle-même proportionnelle (via le module d’élasticité du bois) à la déformation résiduelle longitudinale de maturation (« DRLM », i.e., la tendance initiale du bois à se rétracter durant sa maturation tout en étant gêné par l’adhésion avec le bois ancien). Aucun couplage fort avec les contraintes ou déformations de maturations tangentielles ne perturbe la mesure (Fournier et al., 1994); Figure I. 6. a). Le facteur de conversion entre la mesure de l’écartement mesuré par le capteur (en micromètres, notés µm) et la DRLM (en microdéformations, notées µdef) est de l’ordre de 10 µdef/µm, avec des variations de 9 à 13 selon les propriétés du bois (hétérogénéité et anisotropie élastique). Généralement, les utilisateurs ne traduisent pas les valeurs mesurées en µdef et utilisent directement la mesure en µm comme indicateur de contraintes de croissance (« ICC », ou « GSI » en anglais) (Clair et al., 2003b).

Généralement, huit mesures sont réalisées sur la périphérie de la tige à 1,30 m de hauteur (Figure I. 6. b) afin d’évaluer la variation circonférentielle rapide des DRLM. Néanmoins, du fait de l’encombrement du capteur, seules quatre mesures peuvent être réalisées pour les arbres de circonférence réduite (moins de 15 cm de diamètre). On obtient ainsi la variation angulaire des ICC ou

DRLM sur la circonférence de la tige. Le delta ainsi mesuré entre la valeur maximale des ICC et la

valeur diamétralement opposée (∆ICC) est une variable indicatrice de la réaction mécanique mise en œuvre par l’arbre pour se redresser (Figure I. 6. c).

Figure I. 6. Mesure des Indicateurs de Contraintes de Croissance chez un arbre feuillu. Après perçage du trou, le capteur CIRAD enregistre la variation de distance entre les deux pointes, indicatrice de l’état de tension longitudinale (a). Huit mesures sont effectuées sur la circonférence de la tige à 1,30 m de hauteur (b), et permettent d’évaluer la variation angulaire des déformations, qui présentent généralement un pic sur la face supérieure de la tige inclinée (point n°5), zone supposée de la présence du BT chez un arbre feuillu (c).

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