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4.2 Désordre particulier dans les réseaux PbSe

4.2.1 Un désordre réductible, quésaco ?

Signes des termes de couplage entre nanocristaux

Outre le désordre sur les tailles des nanocristaux (discuté à la sous-section précédente), un second type de désordre existe dans les super-réseaux de PbSe. Ce désordre se manifeste dans les signes de couplage entre les nanocristaux. À notre connaissance, ce type de désordre est très original et n’a presque jamais fait l’objet d’études théoriques approfondies.

L’origine de ce désordre est la suivante. Dans chaque nanocristal, la vraie fonction d’onde (de l’état le plus bas de la bande de conduction ou le plus haut de la bande de valence) n’est pas une orbitale purement S mais un produit d’une fonction enveloppe S par une fonction de Bloch du bord de bandes. Dans le cas des matériaux PbX, les extrema des bandes de valence et conduction sont localisés aux points L de la zone de Brillouin, et sont quatre fois dégénérés. Par conséquent, dans chaque nanocristal, l’état de conduction (resp. valence) le plus bas (resp. le plus haut) est composé d’un groupe de huit états (en comptant la dégénérescence de spin). La dégénérescence de ces états est légèrement levée à cause des couplages inter-vallées induits

0.4 0.5 E (eV) (b) 0.4 0.5 X Γ M X’ Γ E (eV) (c) 0.4 0.5 E (eV) (a)

Figure 4.8 – Structures de bandes de super-réseaux carrés de PbSe. (a) Bandes de

conduction les plus basses (bleu) calculées par la méthode des liaisons fortes atomistique pour un super-réseau de nanocristaux PbSe. La distance centre-à-centre de deux nanocristaux premiers

voisins (c’est-à-dire le paramètre du réseau) est a = na0 où n = 8 et a0 est le paramètre de

maille atomique (de PbSe). La courbe rouge représente la relation de dispersion obtenue par

l’équation (4.2) avec Es = 0.460 eV et t = −0.032 eV. (b) Idem avec n = 9, Es = 0.438 eV et

t = +0.026 eV. (c) Idem mais pour un super-réseau rectangulaire avec Es = 0.461 eV, n = 8

Figure 4.9 – Nanocristaux PbSe et termes de couplage. (a) Super-réseau carré de nano- cristaux PbSe attachés via les facettes {100}. Chaque nanocristal est un nanocube tronqué avec six facettes {100}, huit facettes{111} et douze facettes {110}. Les sphères grises (resp. jaunes) représentent les atomes Pb (resp. Se). (b) Schéma montrant la fonction d’onde électronique de deux nanocristaux voisins. Deux situations sont possibles avec des signes opposés du terme de couplage t.

par le confinement quantique.

Quand des nanocristaux identiques sont attachés afin de former un super-réseau carré, cela génère quatre bandes (deux fois dégénérées) au lieu d’une seule, mais la relation de dispersion

est approximativement décrite par l’équation (4.2) (voir section 2.1 sur le modèle LEGO R)

comme le montre la figure 4.8.

E(k) = Es+ 2t[cos(kxa) + cos(kya)] (4.2)

Cependant, les figures 4.8a et 4.8b montrent un résultat remarquable : les deux structures de bandes ont des termes de couplage (termes de saut) aux premiers voisins t de signes opposés. Ces structures de bandes ont été obtenues pour des super-réseaux carrés de nanocristaux PbSe

avec un paramètre du super-réseau a = na0 (distance centre-à-centre) où a0 est le paramètre de

maille microscopique (du PbSe massif) et n est un entier. Les figures 4.8a et 4.8b sont obtenues pour n = 8 et n = 9, respectivement.

En effet, il a été montré dans la référence [24] que le signe de t dépend de la parité de n. Ce signe est déterminé par la fonction de Bloch de l’électron (et trou) qui oscille rapidement dans chaque nanocristal, comme le montre la figure 4.9b de manière schématique.

La figure 4.8c montre que cet effet est dissociable. Lorsque l’on considère n = 8 dans la direction [100] et n = 9 dans la direction [010], la structure de bandes montre que les deux directions arborent deux termes de couplage opposés en signe.

Figure4.10 – Réduction du désordre de signes dans les systèmes 1D. Les atomes de la chaîne 1D sont représentés par les points bleus. Les segments rouges (resp. noirs) représentent les liaisons avec un terme de couplage négatif (resp. positif). Un exemple d’un désordre de signes est montré dans (a). (b) Afin de réduire le nombre de liaisons négatives, des renversements sont appliqués sur le deuxième, cinquième et dernier atomes (en comptant à partir de la gauche). (c) La liaison négative restante est éliminée en appliquant un renversement au premier atome. Dans ce contexte, la dispersion en taille des nanocristaux naturellement présente dans les super-réseaux PbSe doit engendrer un désordre sur les signes des termes de couplage, en plus des autres types de désordre.

Dans la suite, nous parlerons de liaisons positives ou négatives, par abus de langage. Afin de simplifier l’étude, nous considérons des réseaux carrés en présence du seul désordre de signes pour en étudier ses spécificités. Comme pour le cas des flocons (sous-section précédente), il n’est pas possible d’incorporer ces effets de désordre dans le modèle atomistique à cause du nombre d’atomes trop important. Par conséquent, nous avons utilisé le modèle effectif. Le problème étant symétrique par rapport au changement de signe de toutes les liaisons, nous prenons la convention que le désordre est représenté par la proportion de liaisons négatives dans le réseau.

Invariance de jauge

Avant de considérer le réseau bidimensionnel, il est intéressant de discuter des résultats de la littérature autour du système 1D. Dans le cas d’une chaîne finie, il a été montré qu’il n’y aucun moyen d’avoir du désordre induit par les signes de couplage [235]. En effet, si l’on considère une chaîne comportant quelques liaisons négatives, il est toujours possible de réécrire l’Hamiltonien afin d’obtenir que des liaisons positives (et donc de supprimer le désordre de signes).

Afin de simplifier l’Hamiltonien, la procédure est simple. Dans l’approche des liaisons fortes, la matrice de l’Hamiltonien est écrite dans une base d’orbitales atomiques. Ces orbitales, comme toute fonction d’onde, sont définies à un facteur de phase près. Par conséquent, il est possible de multiplier une orbitale atomique donnée par un scalaire, sans changer les valeurs et vecteurs propres de l’Hamiltonien (transformation unitaire). En pratique, si l’on change le signe devant l’orbitale atomique du i-ème atome, on multiplie la i-ème ligne et la i-ème colonne de la matrice par −1. Autrement dit, le système est invariant par transformation de jauge locale.

Cette procédure, que nous appellerons renversement, correspond à inverser les signes de toutes les connexions du i-ème atome. En appliquant une série de renversements, il est donc possible de changer la position d’un terme de couplage négatif le long de la chaîne 1D. Par conséquent, il est trivial de voir que tous les signes peuvent être changés dans le cas d’une

chaîne finie. La figure 4.10 montre un exemple de suppression (en 2 étapes) du désordre de signes dans une chaîne 1D finie.

Cette suppression systématique du désordre n’est pas vraie dans le cas d’une chaîne infinie (avec des conditions periodiques aux bords). Par exemple, dans une chaîne de N sites avec des conditions aux bords cycliques, chaque atome possède deux connexions. Par conséquent, le cas avec une seule liaison négative dans toute la chaîne ne peut jamais être réduit à celui avec zéro liaison négative. Ceci vient du fait que chaque renversement va inverser les signes des deux connexions d’un atome donné. Par conséquent, n’importe quelle série de renversements ne fera que déplacer cette liaison négative.

À partir de ce résultat, nous déduisons que dans le cas d’une chaîne 1D périodique, il y a deux classes de configurations : les configurations avec une liaison négative et les configurations avec zéro liaison négative. Toutes les autres configurations avec un nombre plus élevé de liaisons négatives peuvent être réduites à un des deux cas précédents. Cependant, les éléments de chaque classe sont totalement déconnectés, c’est-à-dire qu’il est impossible de trouver une série de renversements qui permet de transformer une configuration d’une classe donnée, en une autre appartenant à l’autre classe.

Le cas bidimensionnel

Le cas bidimensionnel est naturellement plus complexe à cause des degrés de liberté plus élevés. Afin de l’étudier, nous considérons le cas des réseaux carrés de N x N sites, avec une orbitale S par site. Pour simplifier la lecture des résultats, nous considérons un terme de

couplage |t| = 1 et une énergie potentielle par site Es = 0. L’Hamiltonien s’écrit donc comme

Hij = ±1, si i @ j (4.3)

= 0 sinon

où @ désigne les sites adjacents et les signes des liaisons (±) sont distribués aléatoirement avec une concentration initiale de liaisons négatives notée p. H est une matrice symétrique de

dimension N2.

Des propriétés importantes découlent de cette définition. H possède 2N2−1

représentations qui gardent le déterminant inchangé. Comme discuté pour le cas 1D, ces représentations cor-

respondent au fait de multiplier les orbitales atomiques par un signe moins. Ces 2N2−1

repré- sentations constituent une classe d’éléments équivalents. Il est à noter que si le nombre total

des configurations est plus grand que 2N2−1

, il existe par conséquent plusieurs classes.

Dans le reste de ce travail, nous considérons uniquement le cas des conditions aux bords périodiques. Chaque site possède donc V = 4 liaisons. Le nombre total des liaisons dans le

système est donné par Nl = N

2V

2 . Le facteur

1

2 permet de ne pas compter la même liaison deux

fois.

L’espace des configurations, c’est-à-dire tous les Hamiltoniens que l’on peut générer, contient

NCf = 2Nl = 2 N 2V

2 éléments, vu que chaque liaison peut prendre deux valeurs (±1) indépen-

En utilisant le fait que chacun de ces éléments possède 2N2−1

représentations équivalentes,

le nombre de classes d’équivalence est NCl = 2

N 2V

2

2N 2−1 = 2

N2(V

2−1)+1. Il est simple de vérifier que

pour le cas 1D (V = 2), le nombre de classes est de 2. De plus, pour V > 2, ce qui est le cas des réseaux bidimensionnels, le nombre de classes évolue en fonction de N, la taille du système.

Nous définissons une configuration irréductible comme une configuration dans laquelle le nombre de liaisons négatives ne peut être réduit par aucune série de renversements. Dans la suite, nous utiliserons la terminologie désordre résiduel pour qualifier ce désordre qui ne peut pas être éliminé. Ces définitions impliquent par construction que chaque classe possède au moins une configuration irréductible, celle avec le nombre le plus faible de liaisons négatives (pouvant être nul).

Contrairement au cas 1D, les classes ne peuvent plus être définies par le nombre de liai- sons négatives de la configuration irréductible. Deux configurations irréductibles avec le même nombre de liaisons négatives n’appartiennent pas nécessairement à la même classe. Par exemple, considérons l’exemple simple d’une seule liaison négative sur le i-ème site. Le site possède au total quatre liaisons, donc quatre configurations possibles pour choisir une d’elles négative. Ces quatre configurations ne peuvent pas appartenir à la même classe car il est impossible de dé- placer la liaison négative autour du i-ème site en gardant toutes les autres liaisons du système inchangées. Par conséquent, différentes configurations irréductibles avec le même nombre de liaisons négatives peuvent appartenir à différentes classes, les classes ne peuvent donc plus être définies par le nombre de liaisons négatives.