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condi-tion, en faisant l'hypothèse que l'écoulement présente un nombre de Reynolds faible à modéré, où des interfaces peuvent atteindre une forme stationnaire durant leur déplacement.

6.2 Dérivation d'une condition

Proposition 6.2.1 Supposons que la discrétisation en temps de (5.11) (5.6) traite le terme de tension de surface de manière explicite et que (5.7) soit discrétisé à l'aide d'un schéma explicite stable. Alors, quelque soit la discrétisation en espace, un schéma numérique associé à une telle discrétisation en temps du problème (5.11) (5.6) (5.7) est stable sous la condition

∆t≤min(∆tc,∆tσ), avec∆tc =c1kuk1

L∞(Ω)∆x et ∆tσ =c2η

σx (6.8) où ∆t est le pas de discrétisation en temps, ∆x, le pas en espace et c1, c2 ne dépendent pas des données discrètes du problème.

Nous notons bien que la dérivation qui va suivre n'est pas, stricto sensu, une preuve ma-thématique puisque des hypothèses physiques pertinentes relatives aux solutions de Navier-Stokes sont introduites pas à pas dans la démonstration. En fait, ces hypothèses permettent de conclure l'analyse de l'estimation en vitesse et par suite sont utiles pour l'analyse numé-rique de la contrainte sur le pas de temps. Il est probable que la démonstration rigoureuse de nos hypothèses ne soit pas triviale, du fait du caractère hautement non-linéaire exhibé par le modèle de Navier-Stokes avec tension de surface. La dérivation proposée reste donc heuris-tique mais tente de donner une analyse aussi complète que possible et apporte une nouvelle vision des perturbations capillaires dans le contexte où elles sont réellement prépondérantes. Par ailleurs, le résultat de la proposition a des implications touchant une gamme importante de régimes d'écoulements biuides.

Preuve

Tout d'abord, les termes convectifs induisent la première contrainte ∆t≤c1kukL1(Ω)∆x qui est la contrainte CFL classique. La constante c1 dépend du schéma utilisé pour discrétiser l'équation de transport (5.7).

Ensuite, la condition ∆t ≤ ∆tσ permet de supprimer les phénomènes d'oscillation de l'interface dûs à l'inuence de la tension de surface. L'analyse de ce phénomène constitue l'essentiel de la dérivation. Nous allons eectuer l'étude sur le problème continu au lieu de considérer le problème discret. Pour cela, on suppose que le schéma numérique approche le problème continu de manière consistante. L'estimation de la vitesse induite par une perturba-tion de l'interface est le point clé de l'analyse.

On considère une interface régulière Γ0(t), à l'instant t, et on suppose qu'elle peut être paramétrisée par :

Γ0(t) ={(xΓ0(s);yΓ0(s))∈R2/s∈[−1; 1)} (6.9) Soit, par ailleurs, une fonction f de classe C2 dont le support supp(f) ⊂ [−1; 1], telle que kfkC0 = 1 et kfkC2 =O(1). On considère alors la perturbation de Γ0(t) suivante :

Γ(t) =nxΓ0(s);yΓ0(s) +δfs L

R2/s∈[−1; 1)o (6.10) où δ et L sont respectivement l'amplitude et la longueur d'onde d'une petite perturbation. Nous verrons que nous sommes en fait plutôt concernés par des faibles longueurs d'ondeL,

qui génèrent de fortes variations de la courbure et, par suite, de fortes vitesses. La contrainte sur le pas de temps doit permettre au schéma numérique de prévoir une interface Γ(t+ ∆t)

dont la perturbation est plus faible que celle de Γ(t). Remarquons que l'on peut mener la même analyse en considérant une perturbation de la vitesse à la place d'une perturbation de l'interface.

Rappelons que, dans un contexte Level Set, la fonction de Dirac portée par la normale à l'interface est remplacée par son avatar lissé, grâce à la fonction de Heaviside lissée Hε qui tend vers H lorsque εtend vers zéro. En particulier,

supp Hε0

⊂(−ε;ε) (6.11)

kHε0k2

ε (6.12)

Soit, de plus, κ0(x, y) (resp. κ(x, y)), la courbure de Γ0 (resp. Γ) au point (x, y) ∈ R2. Ces deux courbures sont utiles dans un ε−voisinage de Γ0 et Γ, lorsque la fonction de Dirac à l'interface est ε−régularisée. Cependant, an de simplier l'analyse et d'estimer le terme source, les courbures sont étendues sur tout le domaine de telle manière que

k∇κ0kL∞(Ω) =k∂sκ0kL∞(Γ0) (6.13) k∇κkL∞(Ω) =k∂sκkL∞(Γ) (6.14) où ∂s est la dérivée tangentielle le long deΓou Γ0.

On introduit alors u le champ de vitesse associé à l'interface Γ0 et vériant

ρ(∂tu+u.∇u)−div(2ηDu) +∇p0 =−σ∇κ0Hε0)

div(u) = 0 (6.15)

ainsi que vcelui associé à l'interface Γ et vériant

ρ(∂tv+v.∇v)−div(2ηDv) +∇p=−σ∇κHε(φ)

div(v) = 0 (6.16)

Notons, qu'un relèvement en pression classique permet d'écrire une telle formulation du terme de tension de surface, puisque

κ∇Hε(φ) =∇(κHε(φ))− ∇κHε(φ). (6.17) On dénit alors w = v−u, la perturbation de vitesse qui vérie l'équation induite par la diérence (6.16)-(6.15). En supposant que ρ etη sont constantes et en notant q =p−p0, il vient :

div(w) = 0 (6.18)

ρ∂tw−div(2ηDw) +ρv.∇w+ρw.∇u+∇q=

−σ∇(κ−κ0)Hε(φ)−σ∇κ0(Hε(φ)−Hε0)) (6.19)

On constate rapidement que les deux termes du second membre peuvent être respective-ment estimés par :

k∇(κ−κ0)Hε(φ)kL∞(Ω)≤c δ

6.2 Dérivation d'une condition 125 k∇κ0(Hε(φ)−Hε0))kL∞(Ω)≤ k∂sκ0kL∞(Γ0)

ε (6.21)

La première estimation provient de considérations géométriques sur le terme de courbure pour des perturbations caractérisées par (6.10). La seconde est une conséquence directe de la forme du Heaviside lissé.

On en déduit que le terme source de (6.19), que l'on notera g dans la suite, est donc contrôlé à l'instant t= 0, en normeL(R2) par :

kg(0)kL∞(Ω)≤cσ δ L3 + k∂sκ0kL∞(Γ0) δ ε (6.22) oùcne dépend pas de δ,L,εetσ. Nous sommes bien conscients que l'estimation qui met en jeu εn'est pas optimale quand ce paramètre tend vers zéro ; cependant, nous verrons qu'elle est susante pour l'analyse lorsque que l'on se place dans la gammeε∼∆x. Une estimation d'énergie L2 classique de (6.19) donne :

ρ 2 d dtkwk 2 L2(Ω)+ηk∇wk2L2(Ω)≤ kgkL2(Ω)kwkL2(Ω)+ρk∇ukL∞(Ω)kwk2L2(Ω) (6.23) Il convient maintenant d'introduire l'hypothèse suivante, qui se révèle être vériée numérique-ment :

k∇wkL2(Ω)1

LkwkL2(Ω) (6.24) i.e. le terme source considéré génère une perturbation en vitesse qui exhibe essentiellement la même fréquenceL. Par conséquent, il existe une constanteC telle que

ρ 2 d dtkwk 2 L2(Ω)+ Cη L2 −ρk∇ukL∞(Ω) kwk2L2(Ω)L 2kgk 2 L2(Ω) (6.25) et, si ρk∇ukL∞(Ω) 2L2, (6.26)

ce qui est le cas lorsque l'écoulement est modéré et la longueur d'onde L est susamment faible, on obtient : kw(t)k2L2(Ω) ≤ kw(0)k2L2(Ω)exp − ρL2t + 1−exp − ρL2t L4 C2η2 sup s∈(0,t) kg(s)k2 L2(Ω). (6.27) Si l'on considère que le champ de vitesse initial n'est pas perturbé, w(0) = 0 et le terme sourceg est maximal pourt= 0, donc nalement

kw(t)kL2(Ω)L

2

kg(0)kL2(Ω), t >0. (6.28) En invoquant de nouveau l'hypothèse en fréquence (de même que pour la relation (6.24)), on a pour la perturbation en vitesse et le second membre

kwkL2(Ω)∼L0kwkL∞(Ω)

kgkL2(Ω) ∼L0 kgkL∞(Ω) (6.29) La même constante L0 de part et d'autre de l'inégalité (6.28), lors du passage de la norme k.kL2(Ω) à la normek.kL∞(Ω), permet d'écrire :

kw(t)kL∞(Ω)L

2

Fig. 6.1 Une interface perturbée et la vitesse induite

Une discrétisation explicite du terme source implique de prendre un pas de temps susamment faible de manière à ce que le déplacement de l'interface (durant un pas de temps) soit plus faible que la tailleδ de la perturbation de l'interface. En eet, si ce déplacement dépasse2δ, la perturbation va être ampliée et osciller autour de l'interface. Par conséquent, la condition de stabilité consiste à supprimer ce type d'oscillations en imposant (voir Figure 6.1)

∆tσ = δ kwkL∞(Ω) ≤cη σ L 1 +k∂sκ0kL∞(Γ0)L 3 ε . (6.31)

Comme la longueur d'ondeLest bornée supérieurement, cette condition est la plus restrictive pour les longueurs d'onde les plus faibles. Mais d'un point de vue discret, la plus petite valeur deLque l'on peut capter est celle induite par le pas d'espace. Si bien qu'avecL∼∆x, (6.31) donne

∆tση

σx (6.32)

et clôt la preuve dans le cas où on a considéré que le champ de vitesse initial n'était pas perturbé.

Si on suppose maintenant que la perturbation a lieu sur le champ de vitesse initial (avec une longueur d'onde L) et non sur l'interface alors w(0)6= 0 et la déformation de l'interface exhibera la même longueur d'onde, du fait de l'inertie, à un instant ultérieur. On peut donc conduire la même analyse en partant de (6.27). Il existe alors un temps positif en lequel la valeur maximale de g sera atteinte, correspondant à la valeur maximale de l'amplitude de la déformation de l'interface. Grâce à (6.27), il apparaît que la donnée initiale subit une évanescence exponentielle ; le terme source va croître à cause de la perturbation en vitesse et sa génération a lieu avant que cette perturbation ne soit écrasée par l'exponentielle.

Notons enn, qu'avec un modèle de Stokes, la dérivation est plus simple et conduit à la même condition de stabilité.

Conrmation numérique de la condition de stabilité

Dans les applications pratiques, il faut déterminer la constante c2. En utilisant un code résolvant le modèle de Stokes pour des applications en microuidique, des tests numériques

6.2 Dérivation d'une condition 127 ont, par exemple, montré quec2= 8 est une valeur seuil pour laquelle les calculs d'évolution sont stables (cf. Figure 6.2). Pour des valeurs plus fortes, les oscillations sont ampliées et le calcul devient instable (cf. Figure 6.3). De plus, cette valeur est relativement invariante lorsque l'on rane le maillage (entre 6 et 8). Ces expériences numériques traduisent bien le fait quec2 est indépendante du pas d'espace∆x.

Fig. 6.2 Champ de vitesse (en bleu) dans le référentiel de la goutte pour c2 = 8, quelques lignes de courants (en lignes échées) et interface (en noir) : le calcul est stable.

Fig. 6.3 Champ de vitesse (en rouge) dans le référentiel de la goutte pour c2= 9et interface (en noir) : le calcul est instable.

Remarque 6.1

A titre illustratif, nous présentons le problème induit par la seule utilisation de la condition CFL. Pour cela, on considère une interface initiale qui a la forme d'une ellipse (courbe verte sur la Figure 6.4). Elle est soumise à un écoulement dirigé vers le bas de la gure et la force de tension de surface est prépondérante. On distingue les interfaces (en noir) aux temps

5∆t, 10∆t, 15∆t et 20∆t : la goutte atteint donc rapidement une forme quasi-circulaire sous l'action de la tension de surface mais reste ensuite immobile dans le canal (au sens où, même si la forme de l'interface est modiée, le barycentre de la goutte est pratiquement immobile). Ceci est problématique puisque un calcul correct devrait exhiber une goutte qui se translate sous l'action de l'injection. En fait, les champ de vitesse associés à ces interfaces oscillantes autour d'une position d'équilibre présentent des vitesses, au niveau de l'interface, signicativement plus fortes (en norme) que la vitesse d'injection.

Fig. 6.4 Un problème de stabilité numérique : une interface initiale (ellipse verte) évolue sous l'inuence de l'injection et la tension de surface est prépondérante. En noir sont données les interfaces aux temps5∆t,10∆t,15∆t et20∆t. Les lignes verticales vertes sont les parois du canal.

L'explication de ce phénomène est illustrée sur la Figure 6.5 et est à relier à la dérivation précédente (cf. Figure 6.1) : comme la contrainte de stabilité n'est ici donnée que par la condition CFL, l'interface se déplace d'une distance ∆x en un temps ∆tc = ∆x/max(u). Cependant, le pas de temps ainsi déterminé induit des déplacements de l'interface conduisant à une amplication des ondes capillaires et donc à des vitesses très fortes au niveau de l'interface car générées par des courbures élevées (associées à ces interfaces perturbées). Par suite :

Fig. 6.5 L'utilisation de la seule contrainte CFL, alors que la dynamique est pilotée par la tension de surface, induit des oscillations de l'interface autour d'une position asymptotique, conduisant à l'immobilité de la goutte.

l'interface ne se stabilise pas, car à chaque itération, elle se déplace de∆xen traversant la position asymptotique ;

l'interface est globalement stationnaire car elle oscille autour de cette position avec des pas de temps très faibles.