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Sans doute les événements les plus importants du front oriental de la Première Guerre mondiale, les révolutions russes de février et octobre 1917 provoquent d’importantes mutations sur les scènes nationales et internationales au cours des derniers mois de conflit. Premièrement, elles signifient la fin du régime des tsars et l’avènement d’un régime parlementaire (février 1917) puis du régime bolchevique à la suite d’une longue guerre civile (octobre 1917-1922). Deuxièmement, elles accélèrent la transition vers un nouvel ordre est-européen qui s’implante progressivement dès les derniers mois de 1917. Cette transition n’est pas sans conséquence pour l’environnement politique allemand et la minorité nationale polonaise du Reich. En effet, les révolutions russes menées de front par des mouvements réformistes qui cherchent à démocratiser le système politique russe résultent en une prise de conscience au sein de l’Empire allemand du véritable potentiel politique et social des mouvements sociaux-démocrates (MSPD et USPD) à la fois sur le futur de la Question polonaise en Allemagne, mais aussi sur l’avenir politique du Reich lui-même. Ainsi, le politicien allemand Graf v. Welstarp met en évidence que le soutien des sociaux-démocrates concernant le Traité de Brest-Litovsk est primordial à la bonne conduite des choses puisqu’il est déterminant dans le développement des politiques étrangères et intérieures de l’Allemagne pour les années à venir304.

Au milieu du chaos politique des années 1917-1919, les bolcheviques se présentent en Russie comme le nouveau gouvernement russe légitime et optent pour la paix avec les Empires centraux. La Question polonaise semble, finalement, être sur le point d’être résolue puisque le gouvernement bolchevique est prêt à baser une paix à l’Est sur les grandes lignes du droit à l’autodétermination des peuples305

. Paradoxalement, malgré cette prise de conscience vis-à-vis du pouvoir des partis politiques de masses, il semble qu’au début de l’année 1918, la victoire contre la Russie a pour effet de conforter les positions expansionnistes des autorités militaires et des mouvements nationalistes allemands. Par conséquent, ceux-ci mettent en place différents projets expansionnistes dont plusieurs affectent le statut de la nation polonaise en Allemagne de l’Est. Un exemple est sans doute la question de la Polnische Grenzstreifen qui promeut l’annexion d’une frange de l’ancien territoire russo-polonais aux frontières de la Prusse- Orientale et de la Poznanie, province du Royaume de Prusse. Ainsi, malgré la volonté des

304 Welstarp, Verhandlung des deutschen Reichstag, Bd. 311, 143. Sitz., p. 4464 a/b/c 305 Haase, Verhandlung des deutschen Reichstag, Bd. 311, 127 Sitz., p. 3959

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sociaux-démocrates d’établir une paix durable basée sur le droit à l’autodétermination306, force est de constater que l’importance des communautés polonaises d’Allemagne et d’Europe a grandement diminué au tournant de l’année 1918 aux yeux des gouvernements allemand et prussien. Par ailleurs, les mouvements sociaux-démocrates empêtrés dans les querelles intestines perdent progressivement l’influence politique dont ils ont bénéficié au cours des années 1914 à 1916.

La montée en puissance des factions annexionnistes au sein de l’environnement politique allemand ne signifie toutefois pas que les conséquences des projets impérialistes allemands sur la minorité nationale polonaise perdent en pertinence. Bien au contraire, Hans Delbrück, homme politique et intellectuel prussien, pourtant favorable à l’hégémonie allemande en Europe orientale, rappelle que « de bonnes relations avec les Polonais constituent une meilleure défense pour notre frontière qu’un changement géopolitique justifié qui ferait de la Pologne entière notre ennemi mortel éternel307. » Face à cette affirmation, nous soulevons la question suivante : la chute de la Russie impériale, élément justificateur des politiques social- démocrate entre 1912 et 1917 concernant la Question polonaise, a-t-elle favorisé une restructuration de l’approche des socialistes allemands vis-à-vis de la Question polonaise ou, plutôt, a-t-elle complexifié l’approche qu’ils ont favorisée précédemment?

Concernant les négociations du Traité de Brest-Litovsk, il est important de mentionner qu’il est inutile, dans le cadre de cette étude, de s’attarder au document en soi étudié de façon exhaustive. Cependant, il est intéressant de s’attarder aux impacts découlant du cheminement des négociations et de la période suivant la signature du traité de paix sur les politiques des sociaux-démocrates et les communautés germano-polonaises. Du point de vue des acteurs politiques allemands et prussiens, incluant les membres du MSPD, la chute du gouvernement impérial russe facilite la résolution de la Question polonaise dans un avenir immédiat. Ceci s’explique principalement par la présence à la table des négociations d’un gouvernement bolchevique en manque de légitimité, en pleine guerre civile et pressé de sortir d’une guerre

306 David, « 14./16.8.1915: Gemeinsame Sitzung von Reichstagsfraktion und Parteiausschuss », Gemeinsame

Sitzung von Reichstagsfraktion und ParteiausschuSS/ SPD Fraktionsszitung, 1915, p. 61-63 dans DOWE,

Dieter, Op. Cit.

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extérieure qu’il sait perdue. Cependant, la situation sociopolitique en Russie amène Philipp Scheidemann (MSPD) à argumenter que le traité de paix doit être établi sur une entente « d’un peuple envers l’autre308

» et non d’un État envers un autre. Or, c’est justement à ce niveau que nous croyons que Brest-Litovsk devient le facteur décisif dans la chute soudaine du capital politique allemand et social-démocrate vis-à-vis de sa minorité polonaise. En effet, bien que Scheidemann insiste sur le fait que « le peuple allemand ne se bat pas pour la couronne royale polonaise […] pas [plus que] pour l’extension de l’impérialisme allemand309 », force est de constater, à la suite de la cessation des hostilités, que le Traité de Brest-Litovsk est l’incarnation même de l’impérialisme européen. En fait, nous pouvons presque excuser les dérives généralisatrices des postulats de l’école d’Hambourg concernant les objectifs de guerre allemands au cours de la Grande Guerre si nous nous arrêtions uniquement aux closes négociées à Brest-Litovsk à la fin de l’année 1917310.

Les événements de Brest-Litovsk soulignent également l’adoption définitive d’un discours qualifié de « patriotique » au sein des sociaux-démocrates majoritaires. Ainsi, bien que Eduard Bernstein (MSPD) réaffirme que la social-démocratie allemande ne reconnaît pas le droit de conquête d’une nation envers l’autre311

, il devient apparent en 1918 pour les communautés germano-polonaises que les sociaux-démocrates ne possèdent pas le pouvoir politique nécessaire afin de défendre leurs intérêts convenablement au sein des États allemand et prussien. Tandis que les volontés expansionnistes allemandes sont légitimées par des rhétoriques défensives vis-à-vis des troubles sociopolitiques en Russie, elles se traduisent au sein de l’Allemagne même par de nouvelles provocations aux dépens des communautés germano-polonaises et un isolement diplomatique tout aussi problématique vis-à-vis de ceux- ci312. Par conséquent, la nature même des projets polonais allemands semble n’avoir qu’un seul dénouement possible, c’est-à-dire l’aliénation des membres de la nation polonaise. Sans couvrir l’entièreté des événements entourant les négociations de paix de Brest-Litovsk, quelques éléments se doivent d’être mis de l’avant afin de comprendre les répercussions de ces

308 Philipp Scheidemann, Verhandlungen des Deutschreichstag, Bd. 311, 127. Sitz., p. 3950 309 Ibid.

310 Fritz Fischer, Op. cit., 652 pages

311 Bernstein, « 372a: Vom Parteivorstand herausgegebenes Kurzprotokoll, als Manuskript gedruckt »,

Gemeinsame Sitzung von Reichstagsfraktion un Parteiausschuss/SPD Fraktionssitzung, 1915, p. 61-63 dans

DOWE, Dieter, Op. Cit.

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événements, d’une part, le MSPD et les communautés germano-polonaises, d’autre part, sur la social-démocratie allemande et la nation polonaise au sens large.

Brest-Litovsk et les Kriegszielsfrägen

Dissimulées sous le gouvernement civil du chancelier Georg von Hertling313, les institutions militaires allemandes exercent un contrôle certain sur ses contreparties civiles depuis l’hiver 1917. Les contrecoups de cette situation favorisent l’établissement de la « dictature militaire » Ludendorff-Hindenburg, l’un des facteurs du déclin du partenariat germano-polonais. Dans cette logique, il semble qu’en 1918, la résolution des questions frontalières avec le nouvel État polonais devient l’une des principales préoccupations concernant la Question polonaise pour tous les partis qui sont impliqués dans les débats germano-polonais, reléguant au second plan la nécessité des réformes domestiques visant à l’amélioration de la condition des minorités nationales de l’Empire.

Sans vouloir réduire le statut du Traité de Brest-Litovsk à celui d’un traité « polonais », le débat – si l’on peut qualifier les négociations à Brest-Litovsk ainsi – entourant la création de l’État polonais en est un point central. Cette importance s’explique par la prépondérance des problématiques frontalières en Europe orientale à la suite de la création ou « libération » de nombreux nouveaux États sur les cendres du territoire européen de Russie. Outre la Finlande gagnant son indépendance en 1917, la naissance géopolitique de la Pologne et la présence des communautés germano-polonaises aux frontières orientales de la Prusse demeurent inquiétantes pour les acteurs politiques prusso-germaniques puisqu’elles menacent l’intégrité territoriale de l’Empire314

. Ces inquiétudes ne sont évidemment pas sans fondement comme le fait remarquer l’historien Hans-Erich Volkmann, puisque la proclamation du Royaume de Pologne et les débats qui concernent l’application du droit à l’autodétermination, droit fortement défendu par

313 Georg von Hertling fut le successeur du chancelier Georg Michaelis à la tête de la chancellerie impériale et à titre de Ministre-Président de Prusse. Il fut le premier chancelier allemand et ministre-président du Royaume de Prusse n’étant pas né ou étant directement un sujet de Wilhem II en tant que Roi de Prusse. Ce bavarois de naissance a d’abord été le 26e ministre Président du Royaume de Bavière, deuxième puissance politique au sein de l’État fédéral allemand. Par conséquent, pour la première fois dans l’histoire moderne des États allemands, l’hégémonie prussienne était ébranlée.

314 Vejas Gabriel Liulevicius, Jay Winter, Paul Kennedy, Antoine Prost, Emmanuel Sivan, National Identity

(Poles) & Germany Polish Minority: Culture, National Identity and German Occupation in World War I,

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les sociaux-démocrates, ne font que renforcer le sentiment d’attachement national des communautés germano-polonaises au nouvel État polonais. Ce sentiment se manifeste d’ailleurs par une augmentation des manifestations publiques en faveur de la résurrection d’un État polonais indépendant315.

Les préoccupations territoriales de plus en plus présentes au sein du MSPD poussent certains de ses membres à proposer la reconfiguration des frontières polonaises, non pas aux frontières germano-polonaises, mais plutôt à l’est de la Pologne, c’est-à-dire en compétition directe avec les nouveaux États naissants. Il est surprenant de voir que les sociaux-démocrates majoritaires proposent une solution de cette ampleur afin de solutionner les aspirations territoriales polonaises, d’autant plus qu’ils continuent d’affirmer qu’ils sont opposés au concept de conquête territoriale. Or, lorsque les députés du MSPD Erzberger et David ainsi que Friedrich Naumann (Fortschrittliche Volkspartei), politicien libéral avec un intérêt particulier pour les questions sociétales, proposent de baser les modifications frontalières dans le respect du droit à l’autodétermination, ils annoncent publiquement que le mouvement social-démocrate majoritaire, pourtant opposé à la restitution territoriale des territoires polonais historique conformément aux préceptes du droit à l’autodétermination, ne voit pas de problème à ce qu’il soit appliqué pourvu qu’il n’affecte pas les frontières allemandes316. Or, puisque les sociaux- démocrates majoritaires se refusent complètement à considérer des modifications frontalières entre l’Empire et la Pologne, ceux-ci perdent en quelque sorte leur statut de médiateur dans les relations entre le gouvernement impérial et la minorité nationale polonaise aux frontières orientales déchirées entre leurs doubles identités allemande et polonaise. Les opposants du MSPD, notamment Hugo Haase et le USPD, saisissent l’occasion d’exploiter cette inaction apparente de leurs collègues concernant les problématiques frontalières en s’attaquant à la crédibilité des députés de la Majorität concernant le dossier germano-polonais317. En ce sens, secoués et critiqués pour leurs positions ambivalentes concernant la paix de Brest-Litovsk, il est avancé que la décision d’adhérer ou non aux clauses du traité de paix avec la Russie est « crucial pour le futur de la social-démocratie en Allemande318 » puisque cette paix serait

315 Hans-Erich Volkmann, Op. cit., p. 386 316 Ibid., p. 365

317 Haase, Op. cit., p. 4542

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déterminante pour le développement des futures politiques intra- et extra- de l’Empire pour les années à venir.

Ce paradoxe est central à la débâcle polonaise des sociaux-démocrates en Allemagne. Comment justifier des cessions territoriales aux futures frontières polono-ukrainiennes selon le principe de l’unité nationale polonaise, alors qu’ils s’y refusent avec les régions orientales de la Prusse, telle la Silésie, où les Polonais représentent 65 à 75% de la population319? La problématique avec cette question réside dans le double standard qui est créé par les social- démocraties allemandes et le précédent qu’il entraine. Aucun des partis sociaux-démocrates n’est en mesure de réagir promptement face à ces enjeux territoriaux. Même la gauche du USPD, qui est appelée à former le noyau du mouvement communiste allemand, rejoint les positions gouvernementales à ce propos tout en continuant de défendre l’égalité des droits de la minorité polonaise en Prusse. Cette situation a pour conséquence immédiate l’affiliation des mouvements sociaux-démocrates par la minorité nationale polonaise de l’Empire aux diverses instances politiques et militaires qui se refusent à voir la restitution des territoires de la partition polonaise au Royaume de Pologne320. Cependant, contrairement à ces mouvements sociopolitiques nationalistes qui souhaitent procéder à des annexions territoriales, les sociaux- démocrates majoritaires optent toujours pour la position auparavant proposée par Scheidemann qui se résume ainsi : « ce qui est français doit rester français, ce qui est belge demeurer belge et ce qui est allemand doit rester allemand321 », bien que la position de Scheidemann et la doctrine Müller, abordée précédemment, concernant une paix sans annexion demeure la ligne directrice de la Majorität. À ce stade, il nous apparaît nécessaire de mettre en évidence l’absence d’une mention, volontaire ou non, des territoires polonais dans ces positions. Certes, la Pologne n’est pas un État avant la guerre, mais à la suite des reconnaissances de l’État polonais par les Empires centraux en 1916, l’absence d’une mention concernant l’avenir des territoires polonais laisse présager que ce qui était polonais ne redeviendrait pas nécessairement polonais. L’une des répercussions de cette ligne directrice concernant cette paix est l’amplification des tensions

319 Stanislas Du Moriez, La Question polonaise : sa solution, - principes immuables. Frontières polono- allemandes, Paris, Librairie Félix Alcan, 1919, p. 89-90

320 Hans-Erich Volkmann, Op. cit., p. 439

321 « 3. Die Friedensarbeit der Fraktion », 1917, p. 74, Protokoll über die Verhandlungen des Parteitages der

Sozialdemokratischen Partei Deutschlands; Abgehalten in Würzburg vom 14. bis 20. Oktober 1917, Berlin,

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entre les sociaux-démocrates et la minorité polonaise qui engendre une perte de crédibilité des premiers dans le dossier polonais.

Avec les négociations à Brest-Litovsk et ses possibles répercussions, il devint impératif pour les sociaux-démocrates des deux partis d’établir des limites claires par rapport à leurs capacités réelles à réformer la situation sociopolitique des Polonais de l’Empire et d’assurer le rétablissement du territoire polonais selon la doctrine Müller. Ainsi, les visées annexionnistes des autorités militaires allemandes sont constamment confrontées par les sociaux-démocrates qui continuent d’affirmer qu’il est dans l’intérêts du Reich que « les peuples marginalisés, dans leur entièreté322 », puissent construire leur État de leur propre chef. Après tout, la rhétorique polonaise des sociaux-démocrates, maintenue tout au long de la guerre, est centrée autour de la lutte contre le tsarisme dans le but de permettre l’émancipation du peuple polonais des régimes impérialistes. Pour plusieurs Polonais de Prusse, et plus largement d’Allemagne, la guerre est avant tout « le père légitime323 » du phénix polonais.

Opposition MSPD et USPD : Les territoires polonais de l’Empire et le Schisme de 1917

A posteriori, nous pourrions croire que la majorité des sociaux-démocrates ont perdu de vue leurs idéaux de 1914 concernant l’avenir de la minorité polonaise d’Allemagne. Après tout, ceux-ci semblent s’intéresser davantage au maintien des frontières germano-polonaises dans leur état actuel, plutôt que de voir les Polonais de Prusse-Orientale rejoindre leurs concitoyens au sein d’un État national polonais comme le souhaite la Minorität. Cette obstination à sauvegarder l’intégrité territoriale de l’État prussien au détriment de la volonté de ses habitants polonais a pour conséquence de soulever une vague de critique contre le MSPD, particulièrement, de la part de leurs collègues indépendants. D’ailleurs, ceux-ci n’hésitent pas à qualifier les politiciens du MSPD de « nationalistes » comme le démontre la joute verbale des députés Keil (MSPD) et Ledebour (USPD)lors d’une session du Reichstag324. Bien que les députés du USPD soient prompts à l’utilisation de qualificatifs découlant de champs lexicaux à nature péjorative au sein du mouvement social-démocrate européen pour décrire leurs collègues

322 Ebert, Verhandlungen des deutsche Reichstag, Bd. 311, 145. Sitz., p. 4225 d 323 Hans-Erich Volkmann, Op. cit., p. 392

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de la Majorität, il ne faut pas oublier que ces attaques découlent d’un contexte bien précis de lutte intestine et d’influence entre deux mouvements sociaux-démocrates qui sont, essentiellement, divisés par des détails idéologiques très précis325. Après tout, comme le démontre les déclarations des deux mouvements lors des préparatifs du Congrès de Stockholm et au sein des instances parlementaires allemandes, les majoritaires comme les minoritaires partagent plusieurs positions, voire des points communs concernant leurs programmes polonais. En ce sens, plusieurs des points communs sont centrés autour de la sauvegarde des régions orientales de l’Empire dites « allemandes » par oppositions à celles dites « polonaises ».

Brest-Litovsk : Tournant du projet polonais des sociaux-démocrates allemands

En mars 1918, Friedrich Ebert, Président des sociaux-démocrates majoritaires, réaffirme au Reichstag dans des discussions en lien avec la signature de la paix de Brest- Litovsk que son parti n’a « rien laissé sur [son] engagement pour une paix à l’Est. […] J’ai déclaré à la Reichsleitung dans certaines déclarations [que le] peuple de Pologne […] aurait le droit de s’autodéterminer326

». Sans nécessairement vouloir réduire tout un pan du programme politique polonais des sociaux-démocrates majoritaires concernant la Pologne pendant et après Brest-Litovsk, nous croyons que dans cette unique citation réside la fondation des problèmes de crédibilité qu’éprouvent les mouvements sociaux-démocrates tout au long de l’hiver 1917 jusqu’à la signature du Traité de Versailles en 1919. En effet, l’utilisation par Ebert de la désignation « peuple de Pologne327 » n’est pas anodine puisqu’elle rappelle la promesse des dirigeants de l’Empire aux Polonais de Pologne du Congrès, qu’ils accéderaient au droit à s’autodéterminer. Or, dans cette référence, comme dans la majorité des interventions des sociaux-démocrates majoritaires et minoritaires de cette période, il n’est pas fait mention des Polonais de Prusse et d’ailleurs en Allemagne. Doit-on voir en cela un refus de reconnaître l’identité nationale polonaise des membres de la minorité polonaise allemande? Nous ne croyons pas qu’il soit nécessaire de pousser la réflexion à ce point puisqu’aucun document contemporain de l’époque ne nous laisse penser qu’une quelconque hostilité apparente s’est développée vis-à-vis des Polonais de l’Empire au sein des mouvements sociaux-démocrates. Cependant, il devient évident que l’ère Brest-Litovsk a amené de nombreux changements au

325 William Maehl, Op. cit. 326 Ebert, Op. cit., p. 4225 d 327 Ibid.

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sein des social-démocraties allemandes. Par conséquent, si Brest-Litovsk représente un tournant pour les sociaux-démocrates allemands concernant les problématiques de la minorité polonaise de l’Empire, c’est essentiellement sur leur approche des problématiques polonaises qu’il s’observe.

L’atténuation du « facteur russe » et la création de ce qui prend toutes les allures d’un protectorat allemand de Pologne fait du Königsreich Polen, une extension des problématiques

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