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Chapitre 1 Etat de l’art : Les aérosols d’origine marine et leur réactivité

3. Propriétés d’hygroscopicité des particules d’aérosols d’origine marine

3.3. Déliquescence

La variation d’humidité relative RH, qui s’étend de 10% jusqu’à 150% en haute troposphère (Martin, 2000), peut permettre la capture de molécules d’eau par les particules et induire des transitions de phases liquide-solide réversibles.

Les phénomènes de déliquescence et d’efflorescence, correspondant respectivement à des transitions solide-liquide et liquide-solide, régis par l’équilibre thermodynamique présenté par l’équation (1.4), sont décrits dans cette partie. Les particules inorganiques présentent communément des cycles hystérésis d’hydratation et de déshydratation.

μH 2O 0 + RT ln(p w) = μH2O * + RT ln (α w) (1.4) Avec μH 2O 0 et ρ

w le potentiel chimique et la pression de vapeur d’eau, et μH 2O

* et α

w le potentiel chimique et l’activité de l’eau en solution.

Le processus de déliquescence d’une particule constitué d’une seule espèce chimique est caractérisé par son point de déliquescence DRH (Deliquescence Relative Humidity) qui correspond à la valeur de RH à partir de laquelle une particule solide commence à spontanément absorber de l’eau et forme une gouttelette aqueuse saturée. Une fois le DRH atteint, pour le maintien d’un équilibre thermodynamique, la particule continue d’absorber de l’eau et voit donc sa masse et son facteur de croissance GF augmentés. La concentration du sel au sein de la gouttelette diminue à mesure que le RH croît.

D’un point de vue thermodynamique, à de faibles valeurs de RH, pour une espèce inorganique donnée, son énergie libre à l’état solide étant inférieure à celle de la solution aqueuse correspondante, la particule reste solide. Cependant, à mesure que le RH augmente, l’énergie libre

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du liquide diminue. La particule commence à spontanément absorber de l’eau lorsque les énergies libres du solide et du liquide atteignent une valeur égale, correspondante au DRH. Après ce DRH, l’état aqueux de la particule est favorisé.

Les points de déliquescence d’espèces communément présentes dans les aérosols sont répertoriés dans le Tableau 1.3.

Tableau 1.3. Points de déliquescence d’espèces inorganiques à 298 K (Tang, 1980 ; Tang and Munkelwitz, 1993). Sel DRH (%) KCl 84,2 ± 0,3 Na2SO4 84,2 ± 0,4 NH4Cl 80,0 (NH4)2SO4 79,9 ± 0,5 NaCl 75,3 ± 0,1 NaNO3 74,3 ± 0,4 (NH4)3H(SO4)2 69,0 NH4NO3 61,8 NaHSO4 52,0 NH4HSO4 40,0

Le comportement de déliquescence de sels en mélange sera différent et ne correspond pas à la somme des DRH des sels isolés. La courbe de déliquescence ne possède pas une seule transition mais plusieurs, et est caractérisée par plusieurs valeurs de DRH associées au mélange. Pour un mélange binaire d’électrolytes, deux valeurs de DRH sont observables. A mesure que le RH augmente, la particule reste solide jusqu’à un premier changement d’état appelée MDRH (Mutual Deliquescence

Relative Humidity). A partir du MDRH, la particule absorbe de l’eau et deux phases coexistent : une

phase solide et une phase aqueuse. La particule diphasique continue d’absorber de l’eau jusqu’à devenir liquide, cette seconde transition est caractérisée par une valeur de DRH. Ce phénomène se produit pour toutes les fractions molaires du mélange à l’exception d’une seule appelée composition eutonique pour laquelle le solide ne présente qu’une seule transition à la valeur du MDRH. Alors que le MDRH dépend uniquement de la nature des sels, le 2nd DRH varie en fonction de la fraction molaire du mélange. De plus, il est toujours inférieur à ceux des composés purs. Les données thermodynamiques régissant ces propriétés étant relativement connues pour les sels communs (H+, NH4+, Na+, SO42−, NO3−, Cl−), il est possible de simuler les diagrammes de déliquescence à l’aide d’outils de simulation de type E-AIM (Clegg et al., 1998) et AIOMFAC (Zuend et al., 2008).

Etat de l’art : Les aérosols d’origine marine et leur réactivité dans l’atmosphère

Le diagramme de déliquescence d’un mélange de NaNO3 et NH4NO3, illustré par la Figure 1.11, représente les valeurs des deux DRH en fonction de la composition molaire de la particule. Sa composition eutonique correspond à une fraction molaire en NaNO3 de 0,28.

Figure 1.11. Diagramme de déliquescence de NaNO3:NH4NO3 construit à partir du modèle E-AIM

(Clegg et al., 1998).

Ce diagramme est clairement divisé en quatre zones distinctes :

① NaNO3 et NH4NO3 sont tous deux mélangés à l’état solide pour un RH inférieur au MDRH et toutes les fractions molaires.

② NH4NO3 solide est en équilibre avec une phase aqueuse à la composition eutonique, entre le MDRH et le 2nd DRH, pour X

NaNO3 inférieur à 0,28.

③ NaNO3 solide est en équilibre avec une phase aqueuse à la composition eutonique, entre le MDRH et le 2nd DRH, pour X

NaNO3 supérieur à 0,28.

④ NaNO3 et NH4NO3 sont tous deux mélangés sous forme aqueuse pour un RH supérieur aux 2nd DRH et toutes les fractions molaires.

Le comportement de particules contenant plus de trois sels a été étudié par (Potukuchi and Wexler (1995a), 1995b)) et Martin (2000) et a conduit à la construction de diagramme de déliquescence tridimensionnel.

La relation reliant le DRH(T) à une température T et celui à 298 K, DRH(298), est décrite par l’équation suivante (Seinfeld and Pandis, 2006) :

Chapitre 1 DRH(T) = DRH(298) × exp [ΔHs R (A ( 1 T - 1 298) - B × ln ( T 298) - C(T - 298))] (1.5)

Avec ΔHs l’enthalpie de la solution salée, R la constante des gaz parfaits, et A, B et C des constantes caractéristiques de l’espèce concernées dont les valeurs de certaines espèces minérales sont listées dans le Tableau 1.4.

Tableau 1.4. Constantes A, B et C, et enthalpies de solution à 298 K, pour des espèces inorganiques communément présentes dans les aérosols (Seinfeld and Pandis, 2006).

Sel A B C ΔHs (kJ.mol-1) (NH4)2SO4 0,1149 -4,489.10-4 1,385.10-6 6,32 Na2SO4 0,3754 -1,763.10-3 2,424.10-6 -9,76 NaNO3 0,1868 -1,677.10-3 5,714.10-6 13,24 NH4NO3 4,2980 -3,623.10-2 7,853.10-5 16,27 KCl -0,2368 1,453.10-2 -1,238.10-6 15,34 NaCl 0,1805 -5,310.10-4 9,965.10-7 1,88

La relation (1.5) découle de l’équation de Clausius-Clapeyron appliquée au DRH et intégrée d’une température de 298 K à T, en supposant que l’augmentation de température dans la gouttelette aqueuse est linéaire. Pour une diminution de la température de 25 à 20°C, une variation positive du DRH de 0,1 et 1,3% sont notables pour NaCl et NaNO3 respectivement.

Alors que la valeur du DRH diminue avec l’augmentation de la température pour la plupart des sels inorganiques, ce comportement n’est pas une généralité. En effet, quelques rares minéraux comme Na2SO4 voient leur DRH augmenter avec la température.