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Les 500 millions de ruraux[25]qui constituent les deux tiers de la population africaine sont en grande majorité des agriculteurs familiaux. Malgré les migrations vers les villes, plus de la moitié de la population active dépend encore de l’exercice d’une activité agricole et la forte natalité devrait maintenir la pression pendant plusieurs années. Or, c’est parmi cette population rurale que la proportion de pauvres est la plus importante. Les enjeux pour l’agriculture africaine se posent autant en termes d’emploi que de sécurité alimentaire.

Les agricultures familiales africaines sont de plus en plus confrontées aux formes d’agricultures plus productives et plus réactives d’autres continents. Elles semblent mal armées pour non seulement améliorer les revenus, mais aussi pour offrir des possibilités d’emploi aux jeunes ruraux. De nombreux agriculteurs sous-employés ou de jeunes ruraux sans perspectives de vie à la campagne sont confrontés à la question du départ temporaire ou définitif, et à celle des capacités d’absorption de la main- d’œuvre excédentaire grâce à d’autres activités.

Les agriculteurs africains ne parviennent pas à passer d’une situation de pauvreté et de marginalisation, à celle d’une classe sociale ayant davantage de poids économique et politique. Dans la note de cadrage « Implications structurelles de la libéralisation pour l’agriculture et le développement rural », Losch parle d’« impasses de transition » pour sortir de la pauvreté faute d’alternatives crédibles et de perspectives optimistes

[25] Le développement rural a principalement été associé à l’agriculture qui constitue encore la pierre angulaire des économies rurales en Afrique. Néanmoins, si l’activité agricole demeure grande consommatrice d’espace et de ressources en milieu rural, le visage des communautés rurales et des espaces ruraux change de plus en plus au profit d’une plus grande diversité en termes d’occupation du sol et d’activités économiques et non économiques.

dans les autres secteurs (notamment en raison de l’absence de tissu industriel) (voir fiche 3. Les défis de la transition en Afrique subsaharienne). Le problème est d’une ampleur considérable vu la part encore importante de la population agricole, la faiblesse des services et des infrastructures dont elle bénéficie, les difficultés d’augmenter les surfaces cultivées par travailleur dans de nombreuses zones à forte pression démographique et les conditions écologiques souvent difficiles à maîtriser. Quelques grands traits permettent de tirer certains constats sur ce secteur et sur ses capacités en termes d’emploi et de revenu :

les économies des pays africains demeurent pour leur grande majorité des économies de rente (agricoles ou minières) où le processus d’accumulation, essentiel pour accéder à une économie moderne, n’a pas pu, à quelques exceptions près, être réellement enclenché ;

l’Afrique s’est jusqu’à présent mal intégrée dans une économie mondiale en évolution rapide ;

elle est en majorité rurale et le restera encore un certain temps.

Alors qu’une grande partie de l’attention des décideurs nationaux et de leurs partenaires au développement était portée sur le développement du secteur moderne, celui-ci a stagné au cours des trente dernières années, et surtout n’a pas atteint ses promesses en termes d’emploi ou d’opportunités de revenu : la principale transformation des économies africaines a consisté en un basculement de la population du secteur agricole vers le secteur informel urbain. Contrairement à ce que prévoyaient bon nombre d’observateurs dans les années 1960, l’agriculture est quant à elle parvenue à faire face à une bonne partie des besoins alimentaires d’une population rurale en forte croissance et d’une population urbaine en croissance encore plus forte. N’a-t-elle pas un rôle éminent à jouer en matière de préservation de l’emploi et de gestion des ressources naturelles ?

2.1. Importance de l’agriculture pour l’emploi

2.1.1. Un milieu rural qui se peuple toujours, mais aussi de plus en

plus de villes, toujours plus grandes

Bien que la proportion de la population vivant en milieu rural décroisse, elle devrait passer, selon les estimations de la FAO, à plus de 580 millions de personnes d’ici à 2030, soit plus que ce qu’annonçaient les discours sur l’urbanisation « galopante ».

L’urbanisation de l’Afrique a beau être rapide, elle ne vide pas les campagnes[26].

Le phénomène de dépeuplement des campagnes que les pays industrialisés connaissent depuis la fin du XIXesiècle et qui s’est étendu à de nombreux pays du

Sud (l’Amérique latine dans les années 1980, la Chine dans les années 1990) semble moins marqué en Afrique. Ainsi, le milieu rural africain continuait à se peupler à un rythme de l’ordre de 2 % par an en moyenne au cours des dernières décennies[27]. Conjointement, l’augmentation de la population urbaine a été particulièrement rapide. En Afrique de l’Ouest par exemple, au rythme de la croissance démographique actuelle (2,7 % par an), celle-ci devrait être multipliée par deux dans les vingt-cinq prochaines années, entraînant le doublement de la demande alimentaire. En 1960, la population urbaine d’Afrique de l’Ouest ne représentait que 13 % de la population totale ; en 1990, les petites et grandes villes atteignaient 40 % de la population totale et on prévoit que 60 % ou plus de la population de la région résidera en milieu urbain d’ici 2020. On dénombrera probablement plus de 300 villes de plus de 100 000 habitants[28], contre 90 en 1990. Cette croissance démographique crée des opportunités de marché et stimule l’investissement pour augmenter la productivité agricole (voir fiche 6. Croissance démographique, redistribution du peuplement et développement rural).

[26]Trois processus sont ici combinés : l’exode rural vers les villes, la croissance démographique in situ des villes et des campagnes, les villages qui s’agglomèrent de par cette croissance et deviennent des villes. L’urbain est ainsi composé de villes de tailles très différentes représentant des problématiques diverses : les petites villes, les villes secondaires et les villes primaires/métropoles. Pour plus d’informations, voir les travaux Africapolis sur les dynamiques de l’urbanisation en Afrique de l’Ouest de 1950 à 2020.

[27]Cette augmentation ne va pas sans poser de sérieux problèmes dans un certain nombre de régions où les systèmes de production agraires et la législation sur le foncier, conçus en des temps où l’espace disponible pouvait être considéré comme illimité, n’évoluent pas ou pas assez vite pour s’adapter à la réduction de l’espace dont peut disposer chaque producteur.

[28]La croissance urbaine n’est pas nécessairement le résultat de l’exode rural : dans un contexte de forte natalité, c’est au contraire son absence, laquelle prend dans ce cas la forme d’une prolifération de petites et moyennes agglomérations (sur cette question, voir les travaux Africapolis).

Comme dans les autres régions du monde qui ont été ou sont encore en voie de peuplement et d’ouverture à l’économie de marché, l’Afrique subsaharienne est le siège de migrations entre zones agroclimatiques, entre zones enclavées hors marché et zones côtières, et entre milieu rural et villes. Ces migrations internes sont d’autant plus intenses et difficiles à gérer que le continent est balkanisé en une cinquantaine d’États aux frontières artificielles et que, contrairement aux autres régions du monde où la phase de peuplement est à peu près achevée, l’Afrique subsaharienne ne peut plus compter sur l’émigration au loin pour épancher son trop plein momentané de population.

L’une des manifestations les plus spectaculaires de ces dynamiques de peuplement est le processus d’urbanisation, par lequel la densité de population et d’activité est localement multipliée par un facteur de l’ordre de cent à mille par rapport au milieu rural. Cette concentration, qui est source de multiples problèmes, est aussi la condition nécessaire de la division du travail, de la diversification des activités et du développement du marché. Entre 1950 et 2006, la population urbaine de l’Afrique subsaharienne a ainsi été multipliée par un facteur 14, alors que la population rurale n’a « que » triplé.

L’évolution du rapport U/R entre le nombre d’urbains et le nombre de ruraux est un bon indicateur du processus d’urbanisation. Ce rapport est passé de 0,13 à 0,59, soit une multiplication de près de 5 en deux ou trois générations. Pour suivre l’évolution du marché qui en résulte, un indicateur un peu plus précis est donné par le rapport entre le nombre de consommateurs non producteurs de denrées alimentaires, majoritairement urbains, et le nombre de producteurs de ces denrées, majoritairement ruraux.

Tableau 6. Afrique subsaharienne : population urbaine et rurale (millions d'habitants), ratio U/R et niveau d'urbanisation

Source : Nations unies.

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Fiche

Croissance démographique, redistribution du peuplement et

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