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Les CSLP : une approche multisectorielle au volet emploi encore trop peu harmonisé

Fiche Analyse des stratégies des élites économiques au Sahel

5. Intégrer la question de l’emploi dans les stratégies

5.2. Les CSLP : une approche multisectorielle au volet emploi encore trop peu harmonisé

La plupart des économistes s’accordent sur l’idée que la fourniture d’emplois décents constitue le moyen privilégié de faire de la croissance économique un instrument efficace de lutte contre la pauvreté.

Les CSLP ont été initialement conçus pour faire face au double défi de la croissance économique et de réduction de la pauvreté. Il était question à moyen et long termes d’atteindre des objectifs de croissance de 7 % en moyenne et de réduire de moitié le nombre de pauvres (ce qui constitue l’un des objectifs du Millénaire pour le développement). La revue à mi-parcours des CSLP a montré que l’accès à des opportunités d’emplois productifs était un passage obligé pour traduire les scénarios de croissance en mécanismes de réduction de la pauvreté, l’Afrique étant le seul continent ayant enregistré une augmentation de la pauvreté au cours des dernières décennies.

Au cours de l’assemblée générale des Nations unies de 2005, une nouvelle cible fut ajoutée à l’objectif de réduction de l’extrême pauvreté. Il s’agissait d’assurer le plein- emploi et la possibilité pour chacun, y compris les femmes et les jeunes, de trouver un travail décent et productif. Un tel intérêt pour les questions de l’emploi offre une porte d’entrée pour l’analyse des différents cadres de développement sur le continent africain.

Une récente analyse des CSLP réalisée par la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique[71]montre que sur les 21 analysés[72], 17 disposaient d’une section clairement consacrée au problème d’emploi[73]. Les mesures spécifiées dans les différents pays pour atteindre cet objectif concernaient :

[71] Uneca (2005), Analyse sur le contenu (et non l’impact) d’indicateurs mentionnés dans les CSLP.

[72]Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Djibouti, Ethiopie, Gambie, Ghana, Guinée, Kenya, Madagascar, Malawi, Mali, Mauritanie, Mozambique, Niger, Ouganda, Rwanda, Sénégal, Tanzanie, Tchad, Zambie.

[73]Sachant que la notion de « prise en compte de l’emploi » a été définie par l’Uneca comme la mesure dans laquelle les objectifs de lutte contre le chômage sont articulés avec les autres sections dans le CSLP.

la promotion de l’accès à l’éducation et à la formation ;

l’investissement dans les travaux d’infrastructures ;

le développement du secteur privé (17 CSLP considèrent explicitement le soutien au développement des PME comme un instrument efficace de sortir du chômage chronique) ;

l’amélioration du climat des investissements pour la promotion de l’emploi, qui n’est en revanche mis en avant que par trois pays (Cameroun, Djibouti, Mozambique) ;

le développement agricole et rural, mis en avant par l’ensemble des pays. En revanche, les moyens de dynamisation varient d’un pays à l’autre : le Cameroun mise sur la dynamisation de l’agriculture, l’élevage et l’artisanat dans le segment informel de l’économie ; le Ghana axe sa stratégie sur l’utilisation des technologies de production agricole intensive en main- d’œuvre ; tandis que le Mali mise sur le soutien aux activités des PME rurales.

Quelques réserves existent toutefois quant à la capacité de ces stratégies à relever efficacement le défi de l’emploi. Ainsi, seulement sept des 21 CSLP font explicitement le lien entre les stratégies de promotion de l’emploi et les outils de politiques macroéconomiques, notamment la gestion de l’inflation, les politiques de change et le contrôle du déficit budgétaire. La négligence des aspects relatifs aux mesures à mettre en œuvre pour une intégration régionale et internationale constitue une autre faiblesse mise en avant par le rapport 2005 de l’Uneca. En effet, seules la Tanzanie et la Zambie consacrent dans leur CSLP une analyse des effets de l’intégration régionale et de la libéralisation des flux internationaux sur les secteurs importateurs et exportateurs de l’économie. Cependant, aucun des CSLP ne propose de mesures concrètes à entreprendre pour résorber les effets négatifs immédiats de la libéralisation sur l’emploi dans les secteurs importateurs de l’économie. Pourtant, il existe dans les règles de l’OMC la clause dite « de sauvegarde » qui permet aux États d’empêcher, par des droits de douanes élevés, des importations qui pourraient nuire à certains secteurs exposés de leur économie[74].

Dans la plupart des cas, les CSLP proposent des mesures visant à cibler plus particulièrement les femmes et les jeunes sur le marché du travail, notamment en raison de leur vulnérabilité. La plupart des pays proposent de réadapter leur dispositif de formation professionnelle en faveur des jeunes. Le Ghana, par exemple, propose

[74] La clause de sauvegarde spéciale permet à tous les pays membres de l’OMC d’imposer des droits de douane additionnels, pendant une durée limitée, sur les produits sujets à une hausse des volumes importés ou à une baisse de leur prix d’importation.

un système de microfinance destiné aux jeunes qui se lancent dans la création d’entreprises. Cependant, l’un des aspects négligés concerne le ciblage en termes d’instruments spécifiques adaptés aux différentes zones géographiques (en fonction de l’acuité du problème de l’emploi, urbain/rural) et aux différents secteurs (formel/informel, agricole/non agricole). Certains CSLP, notamment ceux du Burkina Faso, de la Guinée, de l’Ouganda, du Rwanda, de la Tanzanie et du Tchad ignorent encore trop cet aspect. En effet, le taux de chômage des jeunes est plus élevé en milieu urbain qu’en zone rurale. Les conditions de travail insupportables, la faible productivité dans les campagnes incitent les populations à l’exode rural avec l’espoir de trouver de meilleures conditions de travail en ville. Ce surplus de jeunes qui s’ajoute à une population urbaine déjà pléthorique est problématique puisque le faible tissu industriel n’est pas en mesure d’absorber la demande sans cesse grandissante. Cette situation nécessite des mesures politiques différenciées. En milieu rural, la cible privilégiée devrait être l’articulation des soutiens aux secteurs agricole et non agricole, afin de promouvoir la diversification agricole et la productivité du travail.

5.3. Vers une prise en compte de l’emploi dans une

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