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Définitions, répartition géographique et structure de l’habitat Définitions et généralités

Fonctionnement écologique des zones intertidales estuariennes

1. Définitions, répartition géographique et structure de l’habitat Définitions et généralités

Les vasières sont des étendues constituées de particules sédimentaires fines et qui ne sont pas densément couvertes par des plantes vasculaires (Fig. 2.1). Ces étendues sont majoritai-rement nues mais elles peuvent également être occupées par des plantes éparses, dans la partie supérieure de la zone intertidale (Lefeuvre, 2002). Le terme « wadden » est plus géné-rique et englobe toutes les étendues intertidales constituées de sédiments fins, à l’exception des zones densément colonisées par la végétation (Verger et Ghirardi, 2009). Les marais in-tertidaux sont par définition les zones situées dans la partie supérieure de la zone intertidale et qui sont recouvertes par une végétation vasculaire dominée par des plantes herbacées ou des sous-arbrisseaux (Dijkema, 1984 ; Lefeuvre, 2002). Cette définition des marais intertidaux les différencie de deux autres types d’habitats densément végétalisés et fréquemment rencontrés dans les eaux côtières et de transition soumises à marée : d’une part, les herbiers de plantes aquatiques comme les zostères, qui se situent dans la partie inférieure de la zone intertidale ; d’autre part, les mangroves, dont la végétation est à dominante arborée.

À l’échelle du globe, les marais intertidaux sont présents sur l’ensemble du globe aux moyennes et hautes latitudes (Fig. 2.2). Ils se forment dans les zones abritées ou d’énergie relativement faible : baies, deltas, estuaires et systèmes lagunaires en particulier (Davy, 2000). Les marais intertidaux sont remplacés par les mangroves sous les climats tropicaux et sub-tropicaux (latitudes comprises entre 25°S et 25°N). Plus précisément, les marais intertidaux peuvent être associés aux mangroves mais leur importance est alors secondaire (Wolanski et Elliott, 2015). En incluant les réseaux de chenaux qui les dissèquent, les marais intertidaux et les mangroves occupent une surface de 20 millions d’hectares à travers le monde (Pendleton et al., 2012). Dans les grands estuaires des moyennes et hautes latitudes, les vasières et les marais sont les formations majoritaires des zones intertidales.

Figure 2.1 – Bloc-diagramme schématique montrant la disposition des vasières et marais in-tertidaux sur les rives des estuaires macrotidaux (Source : Royal Society for the Protection of Birds, RSPB).

Figure 2.2 – Localisation des principaux types de zones humides à l’échelle mondiale (Source : Encyclopædia Britannica).

Dans les estuaires, les vasières et les marais intertidaux sont des habitats de transition à double titre : d’une part, entre le milieu terrestre et le milieu aquatique, d’autre part, entre les eaux marines et les eaux douces continentales. Les vasières et marais intertidaux se situent

donc sur un double écocline : un gradient de durée de submersion et un gradient de salinité de l’eau (halocline). Il en résulte des conditions abiotiques particulièrement fluctuantes et contrai-gnantes qu’un nombre limité d’espèces végétales et animales peuvent supporter (Teal, 1962 ; Frid et James, 1989 ; Yozzo et Smith, 1997 ; Davy, 2000 ; Salgado et al., 2007). Ces espèces ont en retour peu de compétiteurs et de prédateurs dans les milieux intertidaux (Teal, 1962). C’est pourquoi les communautés végétales et animales des marais intertidaux sont pauvres en diversité spécifique et riches en biomasse (Drake et Arias, 1991b ; Kreeger et Newell, 2000 ; Salgado et al., 2007).

À l’échelle mondiale, la majorité des connaissances concernant le fonctionnement écolo-gique des marais intertidaux sont issues d’études réalisées sur le continent américain. Ces études portent notamment sur les flux biogéochimiques (e.g. Teal, 1962 ; Nixon, 1980 ; Chil-ders et al., 2000), les réseaux trophiques (e.g. Kwak et Zedler, 1997) et les liens existant entre la structure de l’habitat et son utilisation par le necton (e.g. Kneib, 1997). Le fonctionnement des zones intertidales en Europe est souvent supposé comparable, malgré des différences concernant le niveau d’implantation de la végétation, la densité des plantes vasculaires et le caractère monospécifique ou plurispécifique du schorre. En particulier, les similarités dans le mode d’utilisation des marais intertidaux par le necton entre l’Europe et les côtes atlantique et pacifique des États-Unis ont été soulignées à plusieurs reprises (Cattrijsse et Hampel, 2006).

L’objectif de cette partie est de décrire la structure et le fonctionnement de ces milieux et plus particulièrement de mettre en évidence leur intérêt écologique pour le necton – poissons et macrocrustacés. Les vasières et les marais intertidaux ont de nombreuses caractéristiques écologiques en commun mais aussi des spécificités qui seront soulignées.

1.2. Structure de l’habitat des vasières et marais intertidaux

Le flux et reflux des marées, l’alternance des phases d’immersion et d’émersion qu’elles génèrent, et la dynamique sédimentaire associée, sont les principaux facteurs qui façonnent la morphologie des vasières et des marais intertidaux (Bayliss-Smith et al., 1979 ; Eertman et al., 2002 ; Maris et al., 2007). Les vasières et les marais intertidaux reposent sur des étendues sédimentaires traversées par des réseaux de chenaux plus ou moins ramifiés (Fig. 2.3). Les chenaux de marée, larges et profonds dans les parties basse et intermédiaire de la zone in-tertidale, se ramifient dans la partie supérieure et constituent des réseaux souvent complexes. Les réseaux de chenaux sont une caractéristique structurale importante des marais intertidaux (Verger, 2005).

Vasières et marais se caractérisent par un étagement vertical de la végétation vasculaire (Dijkema, 1984 ; Wolters, 2006). Cet étagement est déterminé en premier lieu par la fréquence et la durée de submersion par les marées, bien que d’autres facteurs soient potentiellement impliqués (e.g. salinité du substrat, ressources nutritives, compétition entre espèces ; Bertness et Pennings, 2000). La distribution de la végétation conduit à distinguer, de bas en haut de la zone intertidale, une zone pionnière puis des zones de bas, moyen et haut marais, chacune caractérisée par des associations végétales distinctes (Fig. 2.4). En Europe, la limite inférieure de colonisation des plantes vasculaires correspond approximativement au niveau moyen de la pleine mer en période de mortes-eaux (Beeftink, 1977), soit le niveau maximum atteint par une marée de coefficient 45 environ. Ce niveau d’élévation marque le début de zone pionnière, où la végétation reste éparse. Des espèces comme Salicornia europaea et Spartina anglica sont caractéristiques de cet étage. Le couvert dense de végétation caractéristique des marais

(a) Baie de Chant Dorat, Gironde (© IGN, Soluris)

(b) Marais intertidaux (Source : sigmaplan.be)

Figure 2.3 – Vue aérienne des chenaux de marée qui traversent les vasières et marais interti-daux.

intertidaux n’apparaît qu’à partir du niveau moyen de la pleine mer, ce qui correspond à une marée haute de coefficient 70-75 (Lefeuvre, 2002). Les marais intertidaux ne sont donc en-tièrement submergés que lors des pleines mers de vives eaux. La limite terrestre supérieure des marais intertidaux est le niveau des grandes marées exceptionnelles. Sur la côte atlan-tique américaine, les marais intertidaux sont implantés bien plus bas dans la zone intertidale : la limite inférieure de colonisation des halophytes est le niveau moyen de la marée (Reimold, 1977 dans Cattrijsse et Hampel, 2006). Par conséquent, la végétation vasculaire des marais intertidaux de la côte atlantique des États-Unis est submergée à chaque marée ou presque, tandis que la végétation des marais européens n’est submergée que lors des pleines mers de vives-eaux. Il en résulte une accessibilité bien plus limitée des marais intertidaux européens pour le necton (Cattrijsse et Hampel, 2006). Sur la côte atlantique des États-Unis et du golfe du Mexique, Spartina alterniflora domine la végétation des marais intertidaux, jusqu’à former par endroit des étendues monospécifiques (Mendelssohn et Morris, 2000).

Les chenaux de marée et l’étagement de la végétation expliquent, avec d’autres facteurs (e.g. nature du substrat, charge sédimentaire des eaux charriées par les marées), l’existence de plusieurs types de sous-habitats dans les marais intertidaux (Fig. 2.6). Les chenaux de ma-rée intertidaux accélèrent le drainage des zones submergées du marais lors du jusant, ce qui diminue la durée de submersion et favorise l’implantation de la végétation vasculaire. Ils consti-tuent par ailleurs des corridors qui optimisent l’accès du necton à l’ensemble de la surface du marais et assurent le transfert de la production (production primaire, détritus, consommateurs) entre les parties intertidales végétalisées et les zones subtidales (Kneib, 1997). Par définition, les chenaux de marée subtidaux restent en eau même à marée basse. Plus larges et plus profonds que les chenaux intertidaux, ils constituent des zones de repli pour certains orga-nismes aquatiques fréquentant les marais (Kneib, 1997). Les retenues intertidales, ou bassins intertidaux, présentent une grande disparité de surfaces, formes, profondeurs, salinités et loca-lisations dans le gradient d’élévation intertidale. Ils sont souvent localisés dans la partie haute de la zone intertidale, auquel cas la connexion et le renouvellement de l’eau ne sont assurés que lors des pleines mers de vives-eaux. Les retenues intertidales peuvent subir de fortes fluc-tuations de salinité liées aux effets antagonistes de l’évaporation et des précipitations (Frid, 1988). Elles connaissent des conditions abiotiques – température, salinité – plus extrêmes que

Figure 2.4 – Zonation verticale de la végétation vasculaire dans les marais intertidaux euro-péens, à partir de l’exemple de la baie du Mont Saint-Michel (Redessinée à partir de Lefeuvre, 2002).

(a) (b) (c) (d) (e) (f)

Figure 2.5 – Quelques espèces de plantes vasculaires caractéristiques des zones intertidales en Europe. (a) La salicorne, Salicornia spp ; (b) La spartine, Spartina maritima (Source : Wi-kipedia) ; (c) L’obione faux-pourpier, Halimione portulacoides (Source : WiWi-kipedia) ; (d) L’aster maritime, Aster tripolium (© Irstea) ; (e) La soude maritime, Suaeda maritima (Source : Wikipe-dia) ; (f) La puccinelle, Puccinellia maritima (Source : WikipeWikipe-dia).

celles régnant dans les chenaux de marée (Frid, 1988 ; Hampel et al., 2004). La zone densé-ment recouverte par les végétaux vasculaires est appelée « schorre » quand les plantes sont des halophytes (zones intertidales salées et saumâtres). Il n’existe pas de terme spécifique pour les plantes non halophiles des zones intertidales d’eau douce. En Europe occidentale, la densité de la végétation dans les marais est élevée ; seules quelques espèces du necton la colonisent à marée haute.

2. Biocénose des marais intertidaux

2.1. Les producteurs primaires

Les deux principales catégories de producteurs primaires des zones intertidales estua-riennes sont (1) les plantes vasculaires, et (2) les algues benthiques microscopiques, ou micro-phytobenthos (Miller et al., 1996 ; MacIntyre et al., 1996 ; Bouchard et Lefeuvre, 2000). D’autres

Légende : 1, Retenue intertidale ; 2, Couvert dense de plantes vasculaires (appelé schorre lorsque les plantes sont des halophytes) ; 3, Microfalaise ; 4, Sédiments nus (slikke) ; 5, Chenal de marée ; 6, Zone pionnière (plantes éparses).

Figure 2.6 – Sous-habitats des marais intertidaux (source : Paskoff, 1994).

compartiments végétaux – les algues épiphytiques, les algues macroscopiques, le phytoplanc-ton – contribuent à la production primaire, mais de manière plus accessoire (Kreeger et Newell, 2000).

Les plantes vasculaires constituent la partie la plus visible des producteurs primaires. Dans les parties salées et saumâtres des estuaires, ce sont majoritairement des plantes halophiles (halophytes), représentées par un faible nombre d’espèces. Elles caractérisent la zone pion-nière des vasières et la majeure partie de la surface des marais intertidaux. Les plantes vascu-laires représentent, en stock, l’essentiel de la biomasse végétale des marais intertidaux. Sur la côte atlantique nord-américaine, la production aérienne par les plantes vasculaires varie entre 200 et 4 000 g C.m-2.an-1 (Turner, 1976 ; Good et al., 1982 ; Day et al., 1989 dans Ibáñez et al., 2000). Sur la côte atlantique sud-américaine, la production aérienne par les plantes vasculaires1 varie, selon les espèces dominantes et la position dans le marais, entre 585 et 1 665 g C.m-2.an-1 (Gallagher et al., 1980). En Amérique du Nord, la production primaire de Spartina alterniflora varie de façon importante selon la latitude, avec des valeurs de moins de 60 g C.m-2.an-1 au nord du Canada et en Alaska et de 812 g C.m-2.an-1 sur la côte nord du Golfe du Mexique (Mendelssohn et Morris, 2000). La production primaire des marais intertidaux européens a été moins étudiée. Dans les marais intertidaux de la Baie du Mont Saint-Michel, la même production aérienne nette par les plantes vasculaires varie entre 490 et 890 g C.m-2.an-1, avec des valeurs croissantes entre le bas et le haut marais (Table 2.1). Un gradient altitudinal de production primaire a également été mis en évidence dans les marais intertidaux du golfe de Cadix (Neves et al., 2007). La production primaire de la zone pionnière des zones intertidales est nettement inférieure à celle des bas, moyens et haut marais, avec des valeurs estimées entre 90 et 225 g C.m-2.an-1(Lefeuvre et al., 2000).

Le microphytobenthos se développe dans et à la surface des sédiments, que ceux-ci soient nus ou recouverts par des plantes vasculaires. Il est principalement constitué de diatomées, 1. Les valeurs de 1 300 et 3 700 g biomasse sèche.m-2.an-1 indiquées par les auteurs sont converties en g C.m-2.an-1en considérant que la teneur en carbone des plantes vasculaires correspond à 45% de la biomasse sèche (Schlesinger, 1991).

Table 2.1 – Estimation de la production primaire aérienne nette (PPAN) des plantes vasculaires dans les marais intertidaux de la Baie du Mont Saint-Michel, dans les haut, moyen et bas marais (Bouchard et Lefeuvre, 2000).

Niveau dans le

marais Espèce PPAN en massesèche (g.m-2.an-1)

PPAN en carbone

(g.m-2.an-1) PPAN en azote(g.m-2.an-1)

Bas marais Puccinellia maritima 480 210 8.0 Suaeda maritima 440 210 9,0 Aster tripolium 130 60 2,0 Salicorniaspp. 30 10 < 1,0 Total 1 080 490 19,0 Moyen marais Atriplex portulacoidesTotal 1 8001 910 770840 29,029,0

Haut marais

Elytrigia aetherica 1 720 770 26,0

Festuca rubra 240 110 4,0

Puccinellia maritima 30 10 < 1,0

Total 1 990 890 30,0

mais aussi de cyanobactéries et d’algues vertes. La photosynthèse est limitée à la couche su-périeure de sédiment, jusqu’à 3 mm de profondeur (Sullivan et Currin, 2000). Les microalgues benthiques (diatomées) migrent verticalement dans les sédiments en réponse à différents stimuli, en particulier à l’éclairement (Sullivan et Currin, 2000). Comme des algues micro-scopiques se déposent régulièrement sur toute la surface des marais grâce l’effet disper-sif des marées, leur absence à certains endroits reflète des conditions de vie inappropriées (Williams, 1962 dans Sullivan et Currin, 2000). D’après des études menées sur les côtes amé-ricaines, la production microalgale benthique varie de 28 à 341 g C.m-2.an-1(Sullivan et Currin, 2000). À une échelle plus globale, cette même production est souvent comprise entre 50 et 200 g C.m-2.an-1 (Blanchard et Cariou-Le Gall, 1994 ; Brotas et Catarino, 1995 ; Sullivan et Currin, 2000). Ces valeurs homogènes peuvent s’expliquer par les mécanismes qui régulent en permanence la biomasse des algues microscopiques à la surface des sédiments et leur activité photosynthétique : remise en suspension permanente des cellules avec les courants, faible épaisseur de la zone photique à la surface des sédiments (toutes les microalgues ne peuvent pas contribuer de manière optimale à la production primaire) et limites de diffusion du CO2et des nutriments à travers le biofilm (De Jonge et Colijn, 1994). La production micro-phytobenthique représente de moins de 10% à 140% – plus fréquemment, de 25% à 75% – de la production aérienne nette par les plantes vasculaires (Kreeger et Newell, 2000 ; Sullivan et Currin, 2000). Les déterminants de la production microphytobenthique restent mal connus, sans doute en raison d’interactions entre de multiples facteurs. La production microphytoben-thique n’est pas corrélée, ou peu corrélée, à la température et à l’irradiance – dès lors qu’un seuil minimum est dépassé (Sullivan et Currin, 2000). Le phénomène de photo-inhibition n’est généralement pas observé à la surface des sédiments (Blanchard et Cariou-Le Gall, 1994 ; Montani et al., 2003). Il semble que le meilleur estimateur de la production soit la biomasse algale à la surface des sédiments, mesurée par la concentration en chlorophylle a (De Jonge et Colijn, 1994 ; Sullivan et Currin, 2000). Étudiée à l’échelle d’un cycle de marée, la production microphytobenthique semble corrélée à l’humidité des sédiments : elle augmente à mesure que l’eau des sédiments est évacuée (Sullivan et Currin, 2000). Dans le cas des vasières, la production microphytobenthique est étroitement liée à l’élévation dans la zone intertidale (De Jonge et Colijn, 1994). La consommation du microphytobenthos par les invertébrés benthiques peut en réduire la biomasse ; c’est le cas par exemple dans la baie de Marennes-Oléron, en

pé-riode estivale (Cariou-Le Gall et Blanchard, 1995). De manière générale, le microphytobenthos a une importance dominante dans la production primaire des zones intertidales dépourvues de plantes vasculaires (Montagna et al., 1995). Dans les estuaires turbides, la production micro-phytobenthique reste limitée aux périodes d’émersion des sédiments, en raison d’un manque de lumière lors des périodes de submersion (Barranguet et al., 1998).

Le phytoplancton contribue peu, en moyenne, à la production primaire des zones interti-dales mais son importance augmente avec l’influence des eaux marines, dont il provient en grande partie. Par exemple, sur l’île de Sapelo (États-Unis), la matière produite in situ par le phytoplancton représente environ 12% de la production primaire des plantes vasculaires (Pomeroy et al., 1981 dans Kreeger et Newell, 2000). Néanmoins, la distinction entre les mi-croalgues benthiques et planctoniques est artificielle dans les zones intertidales et peu pro-fondes en raison de la fréquence de dépôt et de remise en suspension de ces organismes (MacIntyre et al., 1996).

Les algues macroscopiques des zones intertidales sont représentées par des genres tels que Ulva, Vaucheria et Chrysomeris. Leur présence et leur importance parmi les producteurs primaires des marais intertidaux sont hétérogènes à l’échelle du globe (Vernberg, 1993). Les macroalgues ont généralement une importance secondaire dans la production primaire des marais intertidaux et des vasières (voir néanmoins Roman et al., 1990 ; Vernberg, 1993).

Toutes contributions considérées, les marais intertidaux font partie des écosystèmes ayant la plus forte productivité primaire de la planète. La production aérienne et souterraine nette des plantes vasculaires2(200 à 400 g C.m-2.an-1 dans la zone pionnière ; 2 000 g C.m-2.an-1

dans le bas marais ; 4 000 g C.m-2.an-1 dans les moyens et hauts marais) et celle du micro-phytobenthos (50 à 200 g C.m-2.an-1) donnent des valeurs cumulées comprises entre 250 et 4 200 g C.m-2.an-1, qui dépendent en grande partie de la position verticale dans la zone interti-dale. À titre de comparaison, la production primaire par le phytoplancton dans les eaux côtières est de l’ordre de 200 g C.m-2.an-1(Mann, 1988).

2.1.1. Saisonnalité de la production primaire

Les informations concernant la saisonnalité de la production microphytobenthique dans les zones intertidales ne sont concordantes ni à l’échelle mondiale (Sullivan et Currin, 2000 ; Mon-tani et al., 2003), ni à l’échelle européenne (Cariou-Le Gall et Blanchard, 1995 ; Troccaz et al., 1995 dans Créach et al., 1997). Les divergences portent d’une part sur l’existence même d’un patron saisonnier (Varela et Penas, 1985) et d’autre part sur les périodes de production mini-male et maximini-male. Dans certains contextes, les productions sont plus importantes au printemps et en été qu’en automne et en hiver (Cariou-Le Gall et Blanchard, 1995 ; Troccaz et al., 1995 ; Montani et al., 2003), avec des pics printaniers et estivaux dont l’occurrence varie fortement selon les années (Montani et al., 2003). Sur les côtes atlantiques et pacifiques, les travaux de Sullivan et Currin (2000) montrent que la production microphytobenthique des marais interti-daux est maximale au mois de novembre, lorsque les plantes vasculaires sont en dormance. Le pic de production est observé à la même période sur les vases dépourvues de plantes vas-culaires et dans les bassins des marais intertidaux. Malgré des fluctuations saisonnières de biomasse et de production, le microphytobenthos représente une ressource disponible tout au long de l’année pour les maillons trophiques supérieurs (Teal, 1962 ; Sullivan et Currin, 2000).

2. On considère ici que la production souterraine nette équivaut à la production aérienne (PPAN) des plantes vasculaires.

La production primaire des plantes vasculaires est maximale en fin de printemps et en été, et minimale en hiver. En automne, les plantes entrent en sénescence. Pour les plantes pé-rennes comme la spartine, les tiges mortes restent sur place toute l’année. Inversement, la surface couverte par des plantes annuelles comme la salicorne redevient de la vase nue après l’automne (Frid, 1988). Il existe un décalage temporel entre la production maximale des détritus, en automne, et leur incorporation dans les réseaux trophiques, au printemps-été (Wainright et al., 2000). En effet, la baisse des températures hivernales retarde la décomposition des végé-taux. Au printemps, la matière détritique produite l’année précédente a relargué ses composés les plus labiles et contient davantage de composés réfractaires. Les détritus les plus nutritifs sont donc produits en été, lorsque les feuilles des jeunes plantes tombent et se décomposent au niveau des sédiments (Wainright et al., 2000). Il est difficile de généraliser sur le schéma saisonnier de production, de sénescence et de décomposition des plantes vasculaires tant les variations dépendent des communautés végétales considérées (Simenstad et al., 2000).

2.1.2. Devenir de la production primaire des marais intertidaux

Le devenir de la production primaire des marais intertidaux suscite un vif intérêt de la part des écologues depuis le début des années 1960, à la suite les travaux pionniers de Teal (1962). Le transfert de la production primaire des marais vers les estuaires et le milieu côtier, et sa possible contribution au soutien des stocks de poissons et macrocrustacés, sont aujourd’hui encore des sujets de recherche. La matière végétale produite par les plantes vasculaires et les algues dans les marais intertidaux suit trois voies principales (Fig. 2.7) : (1) l’émission de matière organique dissoute (MOD) par les plantes vivantes ou mortes (dans les premiers stades