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Chapitre 2 : la dyscalculie, un trouble controversé

2. Définitions et critères diagnostiques

Le terme même de dyscalculie n’est pas internationalement utilisé pour désigner le trouble (INSERM, 2007). Selon les auteurs, la dyscalculie est définie comme « un trouble disproportionné de l’apprentissage de l’arithmétique » (Wilson, 2006), comme une déficience en mathématiques (Geary, 2006), comme un « trouble des compétences mathématiques » (INSERM, 2007), comme un « trouble important et persistant dans l’apprentissage du calcul (Sousa, 2010) ou encore comme un trouble des habilités numériques et arithmétiques » (Chambrier, 2012 ; Fayol, 2012). La dénomination du trouble se transforme en fonction des appropriations faites par les différents auteurs.

Leageay et Morel (2003, cités par Vannetzel, 2012) recensent 72 définitions différentes de la dyscalculie. De nombreux auteurs dénoncent ce flou et demandent un recentrage de la définition du trouble afin de ne pas englober sous une même étiquette diverses difficultés de causes variées nécessitant des prises en charge différentes (Fischer, 2009, Vigier, 2009, Fayol, 2012, Vannetzel, 2012).

La persistance des difficultés n’est pas non plus admise par tous. Certains auteurs parlent de dyscalculies transitoires (Shalev, Manor & Auerbach, 1998, cités par Desmet & Mussolin,

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2012) correspondant plutôt à des retards d’apprentissage alors que pour d’autres il s’agit d’un trouble durable et persistant (Lasserre, 2006, INSERM, 2007, Sousa, 2010) où les difficultés sont présentes dès la naissance contrairement à l’acalculie acquise qui survient à la suite d’une lésion au cerveau.

Regardons comment les deux principales classifications internationales définissent ce trouble.

La classification de l’APA, le DSM-IV-TR (2004), définit les critères diagnostiques du trouble du calcul :

Tableau 4 : critères diagnostiques du trouble du calcul selon le DSM-IV-TR (2004)

• Les compétences en mathématiques, évaluées par des tests sont significativement en dessous du niveau escompté compte tenu de l’âge du sujet, de son niveau intellectuel (mesuré par des tests) et d’un enseignement approprié à son âge ;

S’il existe un déficit sensoriel, les difficultés en mathématiques dépassent celles habituellement associées à celui-ci ;

Le trouble interfère de manière significative avec la réussite scolaire de l’enfant ou les activités de la vie courante.

La classification de l’OMS, la CIM-10 (citée par INSERM, 2007, p. 164) donne les critères diagnostiques du trouble spécifique de l’acquisition de l’arithmétique :

Tableau 5 : critères diagnostiques du trouble spécifique de l’acquisition de l’arithmétique selon la CIM-10 (INSERM, 2007)

La note obtenue à un test standardisé de calcul se situe à au moins deux écarts-types en-dessous du niveau escompté, compte tenu de l’âge chronologique et de l’intelligence générale de l’enfant ;

Les notes obtenues à des épreuves d’exactitude et de compréhension de la lecture, ainsi que d’orthographe se situent dans les limites de la normale (± deux écarts-types par rapport à la moyenne)

S’il existe un déficit sensoriel, les difficultés en mathématiques dépassent celles habituellement associées à celui-ci ;

L’absence d’antécédents de difficultés significatives en lecture ou en orthographe.

Les deux classifications ne parlent alors pas du même objet clinique : la première, le DSM-IV

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évoque le trouble du calcul alors que la seconde, la CIM-10 parle de troubles spécifiques de l’arithmétique.

Toutefois, elles évoquent toutes deux le critère d’un score en dessous du niveau escompté dans le domaine des mathématiques (le calcul pour la CIM-10), compte tenu de l’âge du sujet, de son niveau intellectuel et d’un enseignement approprié selon le DSM-IV-TR. De plus, les deux s’accordent sur le fait que s’il y a un déficit sensoriel, les difficultés en mathématiques doivent dépasser celles habituellement associées à ce dernier.

Les définitions du DSM-IV-TR et de la CIM-10 se distinguent au sujet de la comorbidité du trouble avec la lecture et l’orthographe. Pour la CIM-10, la personne doit avoir une faiblesse uniquement au niveau de l’arithmétique pour être diagnostiquée dyscalculique. Une comorbidité avec un trouble de la lecture et de l’orthographe est un critère d’exclusion. Alors que dans la DSM-IV-TR, le sujet peut avoir des difficultés dans les deux pôles.

Le DSM-IV-TR ajoute un critère supplémentaire qui n’apparaît pas dans la CIM-10. Il s’agit du fait que le trouble doit interférer de manière significative avec la réussite scolaire de l’enfant ou les activités de sa vie quotidienne.

Les classifications internationales de l’OMS et de l’APA nous offrent des critères permettant le diagnostic de la dyscalculie. Toutefois, comme nous l’avons précisé, elles ne sont pas totalement semblables. Pour cette raison, les chercheurs et les cliniciens optent bien souvent pour leurs propres classifications mettant de côté les classifications internationales comme la CIM-10 et la DSM-IV-TR (INSERM, 2007).

Dyscalculie et comorbidités

Concernant l’association de la dyscalculie avec d’autres troubles, il ressort selon l’INSERM (2007) et Sousa (2010) que c’est avec la dyslexie que la comorbidité est la plus fréquente. En effet, l’INSERM cite à ce propos les résultats de diverses études : 17% d’enfants présentant une dyslexie identifiés dans un groupe de patients dyscalculiques (Gross-Tur et al., 1996), 64% de difficultés d’apprentissage de la lecture dans une population de dyscalculiques (Lewis et al., 1994) et 51% d’enfants avec des difficultés en orthographe associées pour Ostad (1998). Ces résultats confirment l’association fréquente d’enfants présentant une dyscalculie qui ont également des difficultés d’apprentissage du langage écrit. Cependant, les taux d’association varient en fonction des critères choisis par les auteurs (par exemple, critère très strict pour Gross-Tsur et al., 1996 : score inférieur au 5e percentile en lecture pour en identifier les difficultés d’apprentissage). Fletcher (2005, cité par Sousa, 2010) précise toutefois qu’il n’existe pas de liens génétiques entre les deux troubles. On observe aussi de

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plus grosses difficultés en arithmétique chez les enfants présentant une comorbidité de ces troubles qu’avec des enfants présentant uniquement une dyscalculie. Les raisons de cette comorbidité fréquente restent à ce jour peu connues (INSERM, 2007).

Nous rappelons que la dyscalculie existe aussi de façon isolée, mais que les taux de prévalence sont à observer avec prudence car selon les auteurs différents critères diagnostiques sont pris en compte.

Prévalence du trouble

« Environ 5 à 8 % d’enfants d’âge scolaire éprouvent de grandes difficultés à effectuer les opérations de base » (Fuchs & Fuchs, 2002 ; Geary, 2004, cités par Sousa, 2012, p. 163).

L’INSERM (2007) recense un taux de prévalence entre 3,6 et 7,7 % d’enfants présentant une dyscalculie dans la population scolaire selon différentes études (Kosc, 1974 ; Badian ; 1983, Lewis et al., 1994 ; Tsur et al., 1996 ; Desoete et al., 2004, cités par l’INSERM, 2007). Ces chiffres font l’objet d’une forte critique de la part de Fischer (2009). Selon lui, ils sont totalement exagérés de par le manque de consensus au niveau des critères d’inclusion et d’exclusion définissant la dyscalculie qui en devient un « terme valise » englobant tout et n’importe quoi. Fischer distingue deux types de dyscalculies. Premièrement, la dyscalculie pure (DD) (affectant uniquement le sens du nombre) qui se traduit par une déficience des numérosités, c’est-à-dire un trouble spécifique du calcul. Deuxièmement, la dyscalculie + dyslexie (DD avec comorbidités). La prévalence de la dyscalculie pure serait de 1% (2009), taux qu’il modifie à 1,5 % en 2012. Les taux de prévalence plus grands seraient alors surestimés de par la variation des critères dans les diverses méthodologies. Fischer exprime alors son doute concernant l’existence de la DD pure étant donné son « extrême rareté ».

Vilette (2009) renforce cette idée en avançant un taux de 1,5 % ainsi que le DSM-IV avec un taux de 1 % (APA, 1996, cité par Vannetzel, 2012).

Concernant le sexe, autant les filles que les garçons sont susceptibles de présenter une dyscalculie (Van Hout, Meljac & Fischer, 2005).

Molko, Wilson et Dehaene (2005) précisent que certains enfants présentant une dyscalculie arrivent toutefois à passer à travers les mailles du filet du diagnostic.

En effet, ceux-ci développent des stratégies dites alternatives ou de compensation.

C’est-à-dire qu’ils sont capables de compenser les difficultés en arithmétique grâce à l’utilisation de mécanismes fondés sur la mémoire, le comptage ou encore des stratégies d’évitement des calculs (utilisation de la calculatrice) (Molko et al., 2005, p. 42).

Malgré ces stratégies, la dyscalculie ne peut pas entièrement être contournée. Dès lors que les

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tâches mathématiques se complexifient, les stratégies se voient limitées.