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Chapitre 1 : difficultés scolaires et Troubles Spécifiques des Apprentissages

3. Acquisition des concepts numériques et arithmétiques et les difficultés pouvant

3.2. Les capacités arithmétiques

les différences entre les nombres dont la taille est petite (« effet de taille ») et ceux dont la distance qui les sépare est importante (« effet de distance »). Par exemple, il est plus facile, pour notre cerveau, de différencier 3 et 4 que 63 et 64, mais il est aussi plus aisé de reconnaître la différence entre 62 et 66 plutôt qu’entre 63 et 64.

Selon les diverses recherches, recensées par Rousselle (2005), les bébés entre quatre et sept mois sont sensibles au changement numérique. En effet, ils sont capables de différencier des collections visuelles de petite ou grande taille du moment que le rapport entre les ensembles de grande taille soit d’au moins d’1/2. Ils peuvent alors distinguer 6 vs 12, 8 vs 16, mais pas 6 vs 8 ou 8 vs 10 (Xu, 2003 ; Xu & Spelke, 2000 ; Xu, Spelke & Goddard, 2005 ; Wood &

Spelke, 2005 ; Brannon, Abbot & Lutz, 2004, cités par Rousselle, 2005). D’autres études sont venues préciser que les bébés sont aussi bien sensibles aux propriétés numériques de stimuli auditifs et visuels et cela qu’ils soient homogènes ou hétérogènes (éléments identiques ou différents) (Strauss & Curtis, 1981 ; Starkley, Pelke & Gelman, 1990, cités par Rousselle, 2005)), simultanés ou séquentiels (objets ou actions présentés en même temps ou successivement) ; (Canfiels & Smith, 1996, Wynn, 1996, Bijeljac-Babic, Bertoncini &

Mehler, 1993, cités par Rouselle, 2005).

Diverses études montrent également que les enfants sont capables, autour de l’âge de un an, de distinguer des relations quantitatives (Brannon, 2002, Feigenson & Carey, 2003, 2004, cités par Rouselle, 2005). En effet, des bébés entre 10-12 moins, manifestent une préférence pour la boîte qui comporte le plus de biscuits lorsqu’on leur en présente deux selon une étude de Feigenson, Carey et Hauser (2002, cités par Rousselle, 2005).

Les bébés semblent alors selon les recherches recensées par Rousselle (2005) sensibles au changement numérique.

Précisons que certains auteurs, d’influence piagétienne, comme Karmiloff-Smith (2009, cité par Fischer, 2009) et Fischer (2009) remettent en question les thèses de la neuropsychologie défendant l’idée de l’existence d’un module inné. Ils citent à ce propos Bideaud, Lehalle et Vilette (2004) affirmant que les compétences "numériques" des bébés sont discutables. Les compétences en mathématiques seraient alors selon eux le fruit d’un apprentissage (voir chapitre 2, point 3.3 « Le modèle piagétien »).

3.2. Les capacités arithmétiques

Les capacités arithmétiques regroupent l’ensemble des facultés qui permettent de comprendre et d’anticiper le résultat d’opérations comme l’addition et la soustraction réalisées à partir

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d’une quantité donnée.

Trois processus de quantification font partie des capacités arithmétiques : le subitizing, le dénombrement et l’estimation. Elles sont fondamentales au développement des compétences numériques et arithmétiques (Barrouillet & Camos, 2003, Lépine & Camos, 2004, cités par Lecointre, Lépine & Camos, 2005) et peuvent être à l’origine d’importantes difficultés dans ce domaine. Selon Dehaene (2010), elles contribuent au sens du nombre et sont présentes précocement chez l’enfant et de nombreuses espèces animales.

L’estimation

« Elle permet uniquement une quantification très approximative de la taille d’un ensemble » (Lecointre et al., 2005, p. 41). Il existe peu d’études à son sujet. Son rôle dans le développement des habilités numériques étant encore mal connu (Lecointre et al., 2005) nous nous focaliserons alors entièrement sur les processus de subitizing et de dénombrement.

Le subitizing

Le subitizing permet une quantification rapide de petites collections. C’est-à-dire, d’appréhender le cardinal de petites collections avant même d’être capable d’utiliser le dénombrement. Cette idée est renforcée par Sousa (2010) qui nomme subitisation les facultés des bébés à reconnaître le nombre d’objets, par un simple coup d’œil, d’un petit ensemble.

Cette faculté décroît lorsque le nombre d’objet augmente et donne lieu au comptage. Il n’existe pas aujourd’hui d’outil standardisé destiné à évaluer complètement le processus de subitizing. Toutefois, le Tédi-math (Van Nieuwenhoven, Grégoire & Noël, 2001) ainsi que l’UDN-II (Meljac & Lemmel, 1999) fournissent certaines indications à son propos (Lecointre et al., 2005). Des erreurs peuvent être commises par les enfants s’ils ont un focus attentionnel réduit (le fait d’appréhender l’ensemble des éléments d’une collection en une seule focalisation attentionnelle, (Lecointre et al., 2005). En effet, le subitizing est un processus de récupération directe en mémoire de la quantité d’une collection appréhendée par une seule focalisation. D’après Cowan (2001, cité par Lecointre et al., 2005, p.66) « l’étendue du subitizing reflète la taille du focus attentionnel ». De ce fait, si l’enfant ne peut pas appréhender l’ensemble des éléments en une seule focalisation la récupération directe en mémoire de la quantité ne sera pas possible. De plus, si la vitesse de récupération en mémoire est faible, le subitizing le sera aussi.

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Le dénombrement

Les capacités de dénombrement permettent de quantifier précisément des collections quelle que soit leur taille (Lecointre et al., 2005). Plus la collection est grande, plus elle demande du temps au sujet qui dénombre. Il est fondamental au développement du concept de nombre.

Pour dénombrer, un individu doit d’abord énoncer la chaîne numérique mentalement ou oralement. Il doit en même temps être capable de pointer chaque objet sans commettre d’erreurs (oublis et doubles comptages) à l’aide de ses doigts ou de ses yeux. Ensuite, il doit faire attention de coordonner son énonciation des mots-nombres avec son pointage de sorte qu’à chaque mot-nombre cité corresponde un seul objet. C’est au niveau de ces trois composantes que les difficultés peuvent s’installer.

En effet, l’acquisition de la chaîne numérique prend du temps et n’est pas aisée. Les enfants doivent apprendre par cœur un lexique, c’est-à-dire une cardinalité associée à une seule dénomination. Il s’agit des chiffres de 1 à 9 et 0, puis les nombres jusqu’à 16, mais aussi les dizaines (vingt, trente, quarante, cinquante, soixante, septante, quatre-vingt, nonante), cent, mille, million et milliard.

Ils doivent également connaître les règles de combinatoire pour former les nombres à partir de 17. Les erreurs de dénombrement produites révèlent souvent un manque d’automatisation dans l’énonciation de la chaîne numérique (Lecointre et al., 2005).

Concernant le pointage séquentiel des objets, les erreurs produites proviennent d’une violation du principe de correspondance terme à terme. Par exemple, l’enfant énonce plus de mots-nombres que d’objets, ou pointe plusieurs fois un même objet.

Il est alors important que l’enfant coordonne l’énonciation et le pointage. Or, c’est cette étape qui provoque le plus d’erreurs chez les jeunes enfants. Pour Gelman et Gallistel (1978, cités par Lecointre, Lépine & Camos, 2005, p. 50) « le problème majeur viendrait de la difficulté de coordination entre l’étiquetage des objets (attribuer un mot-nombre à chaque objet) et leur séparation (diviser les objets entre ceux qui ont déjà été comptés et ceux qui restent à compter) ». Alors que pour Fuson (1988, cité par Lecointre et al., 2005), les erreurs de coordinations proviendraient de la difficulté d’une correspondance spatio-temporelle (les mots sont organisées temporellement, les objets spatialement). Parallèlement à cette acquisition, les enfants développent différentes stratégies (de comptage un à un, d’addition, de multiplication, etc.) de dénombrement leur permettant d’être encore plus efficaces.

Deux autres habilités essentielles peuvent susciter certaines difficultés chez certains enfants. Il s’agit des capacités arithmétiques de transcodage et de résolution de problèmes.

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Le transcodage

Le transcodage implique le passage d’un code à un autre. Par exemple, passer d’un code verbal écrit (douze), à un code arabe ou chiffrés (12) à un code analogique (dessins d’objets ou collections). Seron et Fayol (1994, cités par Lochy & Censabella, 2005) se sont interrogés sur la provenance des difficultés de transcodage auprès d’une population d’enfants de 7 ans.

Ils leur ont fait passer des tâches testant d’un côté la compréhension du nombre verbal et l’élaboration de la quantité correspondante et de l’autre des tâches testant la production de nombres arabes sur la base d’une collection de jetons. Les résultats sont significatifs, la source de difficulté dans le transcodage se trouve dans la maîtrise du système positionnel arabe, donc au niveau de la production. Les erreurs communément produites sont de type syntaxique. Par exemple, lors d’une dictée orale du nombre « deux cent quarante » l’enfant va généralement choisir les bons chiffres individuels le « 2, 4, 0 », mais va commettre des erreurs d’assemblage « 2040 ». Il s’agit alors d’une utilisation inadéquate des règles de transcodage qui pourra poser de grosses difficultés à certains enfants.

Résolution des problèmes arithmétiques

Siegler (1986, 1996, cité par Gandini & Lemaire, 2005) s’est beaucoup questionné sur l’utilisation de stratégies dans la résolution de problèmes arithmétiques chez les enfants.

« Une stratégie est l’ensemble des processus qu’un individu met en œuvre pour accomplir une tâche cognitive » (Gandini & Lemaire, 2005, p. 140). Ses observations l’ont mené à rendre compte d’un phénomène développemental dans le domaine de l’arithmétique. Il existe des différences intra et interindividuelles. Pour les premières, à tout moment du développement l’enfant comme l’adulte disposent de plusieurs stratégies pour résoudre un même problème.

Le choix des stratégies est adaptatif en fonction de la nature du problème. Les sujets tendent à choisir la stratégie la moins coûteuse et la plus efficace. Il existe aussi des différences interindividuelles. C’est-à-dire que tous les sujets n’optent pas pour les mêmes stratégies en fonction des problèmes. La fréquence d’utilisation des stratégies évolue au cours du développement de l’enfant. De nouvelles stratégies sont acquises et remplacent celles qui sont moins efficaces (Gandini & Lemaire, 2005).

Concernant les problèmes additifs simples (ex : 5+3), les enfants disposent de cinq stratégies différentes (Gandini & Lemaire, 2005, 2005, INSERM, 2007). Il y a l’utilisation d’objets (dès 3 ans, Fuson, 1982, cité par l’INSERM, 2007), le comptage sur les doigts, le comptage verbal,

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mais aussi les décompositions (ex : 9+4 ! 10+4 = 14 et 14-1 = 13 donc 9+4 = 13) et finalement la récupération directe en mémoire à long terme de la solution.

Entre quatre et cinq ans, les enfants utilisent plus volontiers les stratégies de comptage sur les doigts et verbal (Siegler et Shrager, 1984, cités par l’INSERM, 2007). Pour se stabiliser dans le comptage verbal, l’enfant doit avoir un bon contrôle mental du déroulement du calcul. Il existe deux types de stratégies du comptage verbal. La première concerne le comptage verbal à partir de 1. Par exemple pour résoudre 3+4 l’enfant débute à 1, il fait « 1,2,3 » et ajoute

« 4,5,6,7 ». Alors que dans la deuxième, la stratégie du Min (minimum), l’enfant part de 4 et ajoute « 5,6,7 ».

Pour la soustraction, les stratégies sont les mêmes que pour l’addition (Carpenter & Moser, 1984, cités par l’INSERM, 2007). Pour l’utilisation d’objets (dès quatre ou cinq ans), l’enfant peut procéder de trois façons différentes pour résoudre 5-3. Il peut « séparer de » c’est-à-dire prendre 5 objets, en ôter 3 et compter le reste ou bien « ajouter à partir de » l’enfant prend 3 objets, il en ajoute jusqu’à en obtenir 5 ; la différence à ajouter est le résultat. Il peut également« apparier » : l’enfant place en correspondance terme à terme une collection de 5 et de 3 objets et compte ceux qui sont isolés.

Concernant la multiplication de 6*3, l’enfant peut utiliser trois stratégies différentes comme l’addition répétée (3+3+3+3+3+3 = 18), la décomposition (6*3 = 3*5 +3 = 15+3 = 18) ou encore la récupération directe de la solution en mémoire.

La division a été très peu étudiée, cependant Campbell (1997, cité par l’INSERM, 2007) propose deux stratégies utilisées par les enfants. Premièrement, la récupération des faits multiplicatifs associés et deuxièmement, l’addition récursive du diviseur jusqu’à l’atteinte du dividende. L’utilisation d’objets peut être ajoutée. En effet, les enfants peuvent, pour résoudre 27÷3, faire des tas de trois jusqu’à trouver 27.

Comme nous l’avons vu, les habilités arithmétiques reposent sur l’acquisition de différents processus. Ces processus sont complexes et peuvent poser rapidement problème aux enfants s’ils ont été mal construits. En effet, ils sont indispensables au bon développement de l’ensemble des apprentissages arithmétiques postérieurs.

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