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La définition de l’UNESCO et la Convention de 2003 pour la Sauvegarde du Patrimoine

PARTIE II : ANALYSE POURQUOI CONSTRUIRE UNE COOPERATION CULTURELLE A PARTIR DU PCI ?

Chapitre 4 : Le Patrimoine Culturel Immatériel à la base de la construction de l’identité

2) La définition de l’UNESCO et la Convention de 2003 pour la Sauvegarde du Patrimoine

Fondée aux lendemains de la Seconde Guerre Mondiale, l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO) est une institution spécialisée du système des Nations Unies dont la mission est de « contribuer à la construction d’une culture de la paix, à l’éradication de la pauvreté, au développement durable et au dialogue interculturel à travers l’éducation, les sciences, la communication et l’information.»148

145 Cf. Annexe n°1 Séminaire des acteurs institutionnels et associatifs de la Guadeloupe sur la coopération

culturelle à partir du Patrimoine Culturel Immatériel.

146 Par exemple à la Toussaint, les familles se réunissent le soir et illuminent les cimetières, il y a également la

tradition du Grapakongo ; entre le 1er décembre et Noël, les gens se réunissent pour des Chanté Nwél ; le

carnaval dure du 1er janvier au Mardi-gras, avec des défilés tous les dimanches et des déboulés les vendredis

soirs ; à Pâques, les familles campent sur les plages et mangent du crabe ; etc...

147 On dit bien souvent que le Gwoka est l’âme de la nation guadeloupéenne. 148 UNESCO. L’UNESCO en bref (brochure PDF)

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L’UNESCO fonctionne entre autres par le biais de conventions, ratifiées par les Etats parties et par lesquels ils s’accordent sur des principes généraux, au-delà de leurs différences.149 Ces

textes, au premier abord utopiques, doivent alors être traduits et déclinés en politiques publiques par les Etats signataires.

Une réflexion sur la « culture traditionnelle et populaire » menée depuis 1973150 à

l’UNESCO aboutira, 30 ans plus tard, à la Convention pour la Sauvegarde du Patrimoine Culturel Immatériel. Compte tenu de « l’importance du PCI en tant que creuset de la diversité culturelle ; [de] son extrême vulnérabilité due aux processus de mondialisation et de transformation sociale ; [de] la volonté universelle et la préoccupation partagée de le sauvegarder ; [du] rôle important joué par les communautés détentrices dans la production, la sauvegarde, l’entretien et la récréation du PCI ; [de] la nécessité de sensibiliser les jeunes générations à l’importance de ce patrimoine et à sa sauvegarde ; et [du] rôle inestimable du PCI comme facteur de rapprochement, d’échange et de compréhension entre les êtres humains »151, l’UNESCO établit un outil normatif international pour la sauvegarde du PCI : la

Convention de 2003.

Les buts de la Convention, définis dans son article premier152, sont au nombre de

quatre : (a) La sauvegarde du patrimoine culturel immatériel ; (b) le respect du patrimoine culturel immatériel des communautés, des groupes et des individus concernés ; (c) La sensibilisation aux niveaux local, national et international à l’importance du patrimoine

149 GRENET, Sylvie et Christian HOTTIN. Avant-Propos : Un livre politique. Dans : BORTOLOTTO, Chiara. Le

Patrimoine Culturel Immatériel, Enjeux d’une nouvelle catégorie. Paris : Editions de la Maison des sciences de

l’homme, Ethnologie de la France, cahier n°26, 2011. ISBN 978-2-7351-1417-7

150 En 1973, le gouvernement bolivien propose au Directeur Général de l’UNESCO d’ajouter à la Convention

universelle sur le droit d’auteur un protocole relatif à la protection du folklore. En 1989, l’UNESCO adopte une Recommandation sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire fournissant déjà à la communauté internationale un important premier ensemble de règles internationales spécifique au PCI, à sa nature complexe et évolutive et à sa sauvegarde. (Dans : Les réponses juridiques de la communauté internationale au sein de l’UNESCO : de la recommandation de 1989 à la convention de 2003. Dans : UNESCO, Division du Patrimoine Culturel. Promouvoir la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. (Dossier d’information) Paris : 2004.)

151 Principes, définitions, organes de la convention. Dans : UNESCO, Division du Patrimoine Culturel.

Promouvoir la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. (Dossier d’information) Paris : 2004

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culturel immatériel et de son appréciation mutuelle et (2) la coopération et l’assistance internationale.

L’article 2 de la Convention propose une définition institutionnalisant la notion de patrimoine culturel immatériel (PCI): « On entend par « patrimoine culturel immatériel » les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire – ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés – que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération, est recréé en permanence par les communautés et les groupes en fonction de leur milieu, de leurs interactions avec la nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment d’identité et de continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine. Aux fins de la présente Convention, seul sera pris en considération le patrimoine culturel immatériel conforme aux instruments internationaux existants relatifs aux droits de l’homme, ainsi qu’à l’exigence du respect mutuel entre communautés, groupes et individus, et d’un développement durable. »153

Cet article définit aussi les domaines dans lesquels se manifeste le PCI154 : (a) les traditions et

expressions orales, y compris la langue comme vecteur du patrimoine culturel immatériel ; (b) les arts du spectacle ; (c) Les pratiques sociales, rituels et évènements festifs ; (d) les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers ; et (e) les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel.

L’article 2 donne également une définition de la notion de sauvegarde : « On entend par sauvegarde les mesures visant à assurer la viabilité du patrimoine culturel immatériel, y compris l’identification, la documentation, la recherche, la préservation, la protection, la promotion, la mise en valeur, la transmission, essentiellement par l’éducation formelle et non formelle, ainsi que la revitalisation des différents aspects de ce patrimoine. »155

L’inventaire du PCI par les Etats parties est un des principaux outils proposés par la Convention. Cette dernière dispose d’une Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité recensant les PCI déclarés par les Etats parties, pour leur assurer une meilleure visibilité à l’échelle internationale. Les Etats désireux de faire apparaître un

153 Article 2.1. de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. 154 Article 2.2. de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. 155 Article 2.3. de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel.

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élément de leur PCI sur cette Liste doivent constituer un dossier –dans lequel l’inventaire est l’élément principal– qui sera examiné par le Comité intergouvernemental de sauvegarde du PCI156.

Les communautés et porteurs de traditions sont placés au cœur de la Convention : l’Article 11 indique la responsabilité des Etats parties à « identifier et définir les différents éléments du patrimoine culturel immatériel présents sur [leurs] territoire avec la participation des communautés, des groupes et des organisations non gouvernementales pertinentes. »157

L’Article 15 soutient également que « dans le cadre de ses activités de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, chaque Etat partie s’efforce d’assurer la plus large participation possible des communautés, des groupes et, le cas échant, des individus qui créent, entretiennent et transmettent ce patrimoine, et de les impliquer activement dans sa gestion. »158 Elle propose donc un rôle plus actif aux communautés qui jusqu’ici ne

« participaient aux interventions de protection du patrimoine [qu’] à titre d’informateur. »159

« La Convention de 2003 sur le PCI propose [...] d’investir les « communautés, groupes et individus » d’un nouveau rôle, plus actif, dans les actions auparavant réservées aux spécialistes du patrimoine. La place accordée aux communautés positionne la société civile au cœur même du système du PCI, au point que, selon Valdimar Tr. Hafstein, la Convention serait avant tout un outil de sauvegarde des communautés mêmes, reflétant en cela ‘le désir de communauté’ qui caractérise la société contemporaine et soutient son besoin d’affirmer une appartenance et une identité partagées (Bauman 2001). »160

Si les Etats sont finalement libres d’appliquer ou non ces principes, la participation des communautés dans l’inventaire du PCI est cependant une exigence fondamentale du Comité à l’heure d’examiner les nouveaux dossiers d’inscription à la Liste représentative. Les

156 Ce Comité est composé de représentants de 24 Etats parties, élus tous les quatre ans par les Etats parties

réunis en Assemblée générale (Articles 5 et 6 de la Convention de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel).

157 Article 11. (b) de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. 158 Article 15 de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel.

159 BORTOLOTTO, Chiara. Le Trouble du Patrimoine Culturel Immatériel. Dans : BORTOLOTTO, Chiara. Le

Patrimoine Culturel Immatériel, Enjeux d’une nouvelle catégorie. Paris : Editions de la Maison des sciences de

l’homme, Ethnologie de la France, cahier n°26, 2011. ISBN 978-2-7351-1417-7

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interventions patrimoniales prennent donc une dimension politique, accordant davantage de pouvoir aux communautés : elles deviennent un outil pour définir et contrôler l’image publique qu’elles auront sur la scène internationale.

La place accordée à la coopération est également très importante au sein de la Convention. L’Article 19 de la Convention stipule à cet effet :

1. Aux fins de la présente Convention, la coopération internationale comprend en particulier l’échange d’informations et d’expériences, des initiatives communes ainsi que la mise en place d’un mécanisme d’assistance aux Etats parties dans leurs efforts pour sauvegarder le patrimoine culturel immatériel.

2. Sans préjudice des dispositions de leur législation nationale et de leurs droits et pratiques coutumiers, les Etats parties reconnaissent que la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel est dans l’intérêt général de l’humanité et s’engagent, à cette fin, à coopérer aux niveaux bilatéral, sous-régional, régional et international. 161

Ainsi un des buts premiers de la Convention est la coopération entre les Etats parties, pour assurer un dialogue interculturel continu. Les Etats peuvent par exemple proposer l’inscription commune d’un élément du PCI d’une communauté transfrontalière (on compte par exemple en Amérique Centrale, l’inscription de « Langue, danse et musique des Garifuna », menée de manière commune par le Belize, le Honduras, le Nicaragua et le Guatemala). Une assistance internationale peut de plus être accordée aux Etats partie pour l’accompagner dans la mise en place de ses mesures de sauvegarde162. Elle peut prendre la

forme d’assistances financières et techniques : formations, mise à disposition d’études, d’experts ou de praticiens, élaboration de mesures normatives, création d’infrastructures, fourniture d’équipement et de savoir-faire, prêts à faible intérêt et dons163.

161 Article 19 de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel.

162 Article 20 de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel : « L’assistance

internationale peut être accordée pour les objectifs suivants : (a) la sauvegarde du patrimoine inscrit sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente, (b) la préparation d’inventaires au sens des articles 11 et 12, (c) l’appui à programmes, projets et activités conduits au niveaux national, sous-régional et régional, visant à la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, (d) tout autre objectif que le Comité jugerait nécessaire. »

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Pour conclure sur l’UNESCO, voici les principaux avantages et bénéfices que la Convention offre à ses Etats parties164: « (a) assurer aux échelles internationale et nationale

la sauvegarde du patrimoine culturel aux fins de sa continuité, sa transmission, sa valorisation, sa connaissance scientifique ; (b) Contribuer sur le plan socio-culturel, au développement durable du pays ou de la région ; (c) renforcer à la fois les identités locales et l’identité nationale, l’ouverture et le respect à l’égard de la diversité culturelle, équilibre précieux face, d’une part, à la mondialisation socio-économique contemporaine et, d’autre part, aux vagues d’intolérance ; (d) favoriser la continuité socio-culturelle entre les générations passées, présentes et à venir ; (e) favoriser et orienter un tourisme respectueux du patrimoine culturel immatériel, source à la foi d’identité et de cohésion sociale, ainsi que de respect et d’appréciation de la diversité culturelle ; et (f) bénéficier d’un réseau d’Etats parties, parmi lesquels la coopération international, l’assistance et l’échange d’expériences sont une réalité. »165