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Chapitre III : Simulation numérique des processus de claquage dans l’eau de confinement

III.3 Application au choc laser

III.3.1 Définition des paramètres

Après avoir vérifié le bon fonctionnement du code, nous avons cherché à comparer ses prédictions avec les résultats de différentes expériences concernant le choc laser. Dans un premier temps, les paramètres utilisés dans le modèle ont dû être adaptés pour tenir compte des spécificités des plasmas de claquages générés dans les expériences de choc laser.

III.3.1.1 Densité initiale d’électrons et critère de démarrage de l’avalanche

Les conditions d’irradiation utilisées pour le choc laser sont très différentes de celles utilisées pour les mesures expérimentales de seuils de claquage en volume dans l’eau. Dans la plupart de ces expériences, on se place au foyer image des lentilles de focalisation, et le diamètre de la tâche focale ne dépasse pas quelques dizaines de mm. Dans de telles conditions, de nombreux auteurs supposent que la présence d’un électron dans le volume focal suffit pour déclencher une avalanche électronique [III-11][III-12]. Cependant, pour des tâches focales plus importantes, il a déjà été montré que la présence d’un seul électron pourrait ne pas être suffisante pour déclencher l’avalanche dans l’ensemble du volume focal [III-11][III-41]. En effet, un électron ne peut déclencher une avalanche que dans une zone délimitée par son rayon caractéristique de diffusion pendant l’impulsion laser, ce qui représente une très petite zone. Vogel et al. [III-41] ont montré expérimentalement que pour des tâches focales supérieure à 5 mm, la valeur du seuil de claquage devient indépendante de celle de la tâche focale. Ils en ont conclu que le claquage nécessite une densité électronique initiale constante plutôt qu’un nombre d’électrons donné. Pour des impulsion de 6 ns à 1064 nm, ils ont trouvé que cette densité électronique initiale devait être d’environ 109 cm-3 pour pouvoir initier un claquage. Nous avons donc retenu le critère suivant : pour que l’avalanche électronique puisse démarrer, la densité électronique doit être supérieure à une valeur seuil ncasc. L’eau de confinement utilisée pour le choc laser est généralement de l’eau courante, et elle contient donc toujours une certaine quantité d’impuretés. Ces dernières vont pouvoir générer des électrons primaires par différents processus tels que l’ionisation thermique, et on peut donc estimer que cette eau contiendra toujours une densité électronique initiale de l’ordre de 108-109 cm-3 [III-10]. Dans tous les calculs qui suivent, nous avons considéré que l’eau contient une densité électronique initiale d’environ 108 cm-3, suffisante pour le déclenchement d’une avalanche électronique.

III.3.1.2 Critère de claquage

Dans leur étude expérimentale de la transmission d’impulsions lasers de 25 ns à 1064 nm, Berthe et al. [III-1] ont montré que, pour des intensités laser supérieures ou égales à 13.5 GW/cm2, leur faisceau sonde (laser Argon émettant à 514 m) était totalement absorbé par le plasma de claquage. Il en ont conclu qu’une densité électronique de 1021 cm-3 (densité critique à la longueur d’onde du faisceau sonde) devait être atteinte ou dépassée dans le plasma généré à la surface de l’eau. Les résultats de nos calculs montrent que les seuils de claquages obtenus

à 1064 nm avec cette valeur de la densité critique de claquage surestiment d’un facteur deux les valeurs expérimentales (Tableau III-1). Le meilleur accord obtenu pour ncr = 1020 cm-3 peut s’expliquer au vu des résultats récents de Nahen et Vogel [III-42]. Dans ces travaux, ils ont montré que pour des impulsion ns à 1064 nm, la transmission de plasmas sous-critiques pouvait être réduite en dessous de 5 % si le trajet de l’onde laser à travers ces plasmas était suffisamment long, ces plasmas ayant un coefficient d’absorption de quelques milliers de cm-1 [III-12]. Or, des photographies des plasmas de claquages survenant à la surface de l’eau lors d’expériences de choc laser ont montré que l’épaisseur de ces plasmas est d’environ 1 mm au maximum de l’impulsion laser, et d’environ 2-3 mm à la fin de cette même impulsion, pour une intensité de 10 GW/cm2 [III-2]. Un plasma sous-critique (ne » 1020 cm-3) avec de telles dimensions peut donc être suffisamment absorbant pour expliquer l’écrantage total du faisceau sonde observé à 13.5 GW/cm2. Dans la suite, nous avons supposé que la densité électronique critique de claquage est égale à ncr = 1020 cm-3 quelle que soit la longueur d’onde considérée.

Le Tableau III-4 résume les différents paramètres utilisés dans le modèle pour les calculs concernant l’application du code de claquage aux expériences de choc laser.

Paramètre Valeur

Fréquence de collision électron-particule lourde n = 1/t = 1015 s-1 Energie moyenne des électrons eav = DE/2 Densité initiale d’électrons libres ne0 = 108 cm-3 Critère d’amorçage de l’avalanche électronique ncasc = 108 cm-3

Critère de claquage ncr = 1020 cm-3

Tableau III-4 : Récapitulatif des paramètres utilisés dans le code pour traiter les phénomènes de claquages dans les expériences de choc laser.

III.3.2 Seuils de claquage en intensité

Les conditions d’irradiations utilisées dans le code sont similaires à celles des expériences de Berthe [III-1][III-2] : impulsions gaussiennes de 25 ns de durée à mi hauteur, focalisées sur une tâche de 4 mm de diamètre pour les trois harmoniques du laser Nd :YAG (1064, 532 et 355 nm). Trois seuils en intensité différents sont calculés : IKeld en utilisant le

taux d’ionisation par MPI de Keldysh, IGM1 en utilisant celui de Grey Morgan avec s = 10-16

cm2 pour toutes les longueurs d’onde, et enfin IGM2 en utilisant cette même expression mais avec une valeur de s ajustée afin d’obtenir le meilleur accord possible pour chaque longueur d’onde. Dans le Tableau III-5, les résultats de ces calculs sont comparés avec les seuils expérimentaux (Isat) obtenus à partir de mesures de pression [III-43][III-44]. Nous devons souligner ici le fait que ces seuils expérimentaux (Isat) ne correspondent pas exactement à la définition usuelle des seuils de claquage. Ils correspondent au seuil à partir duquel la pression sature du fait de l’apparition d’un plasma de claquage qui absorbe partiellement ou totalement l’impulsion laser incidente. Toutefois, comme nous l’avons vu au Chapitre II, les mesures de transmission réalisées par Berthe [III-1] ont clairement établi que la saturation de la transmission à travers le plasma de claquage intervient à la même intensité laser que celle de la pression pour des conditions d’irradiation similaires. On peut donc en conclure que le seuil en intensité (Isat) au delà duquel la pression sature, correspond bien à un seuil de claquage pour les expériences sur le choc laser.

l (nm) Isat IKeld IGM1 IGM2

1064 10 12.0 12.0 12.0

532 6 40.5 28.0 6.1

355 4 85.3 3.0 4.0

Tableau III-5 : Comparaison des seuils expérimentaux (Isat) obtenus à partir de

mesures de pression avec les seuils théoriques calculés par le modèle numérique. Tous les seuils en intensité sont donnés en unités de 109 W/cm2.

A 1064 nm, les résultats numériques sont en bon accord avec les mesures expérimentales : les deux expressions du taux d’ionisation par MPI donnent le même seuil de claquage de 12 GW/cm2 comparable au seuil expérimental de 10 GW/cm2. Pour les autres longueurs d’ondes, on constate des différences importantes entre les calculs et les mesures expérimentales. Alors que les seuils expérimentaux décroissent lorsque la longueur d’onde décroît (10 GW/cm2 à 1064 nm et 4 GW/cm2 à 355 nm), les résultats des calculs effectués avec le taux de MPI de Keldysh montrent un comportement opposé : IKeld est égal à 12 GW/cm2 à 1064 nm, et 85,3 GW/cm2 à 355 nm. Ces résultats semblent donc confirmer la remise en cause de la formule de Keldysh déjà mentionné au paragraphe III.1.1.1, lorsque le

nombre de photons impliqués dans la MPI est faible, c’est à dire aux courtes longueurs d’ondes [III-19][III-20]. Le seuil IGM1 calculé en utilisant l’expression de Grey Morgan avec s = 10-16 cm2 pour le taux de MPI, donne de bons résultats à 1064 nm et à 355 nm, mais il surestime le seuil de claquage à 532 nm. Le problème réside dans le fait que pour utiliser cette expression, on doit connaître la valeur de la section efficace d’absorption simultanée de k-photons qui varie avec la longueur d’onde. A notre connaissance, il n’y a pas à l’heure actuelle de données expérimentales sur ce paramètre pour l’eau. Nous avons donc fait varier sa valeur numérique jusqu’à obtenir le meilleur accord possible entre les seuils expérimentaux et numériques (IGM2) à 532 nm et 355 nm. Les meilleurs résultats ont été obtenus pour s = 6.5´10-16 cm2 à 532 nm, et s = 7.5´10-17 cm2 à 355 nm. A 1064 nm, la valeur de s n’a aucune influence sur le seuil de claquage, car à cette longueur d’onde, le claquage est dominé par l’avalanche électronique et la MPI est complètement négligeable. Sur la Figure III-3, nous comparons les valeurs de s utilisées dans nos calculs pour l’eau avec les valeurs expérimentales obtenues pour différents gaz aux mêmes longueurs d’ondes [III-9].

10-17 10-16 10-15 300 400 500 600 700 800 900 1000 1100 H2O He Ar Xe Ne S ecti o n e ff ica ce de M P I s (c m -2 ) l (nm)

Figure III-3 : Evolution de la section efficace de multiphotoionisation avec la longueur d’onde. Comparaison avec les valeurs expérimentales de certains gaz rares [III-9].

On peut voir que la variation en fonction de la longueur d’onde est similaire, mais des mesures expérimentales devraient être réalisées afin de confirmer le choix de ces valeurs.