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2. Recension des écrits

2.4 Définition de la connaissance organisationnelle

Le concept de connaissances est largement traité dans le monde académique, mais seulement quelques études ont traité de ses hypothèses fondamentales. Il en résulte une difficulté à établir une cohérence entre les théories, les modèles proposés et les études empiriques. De même, il demeure difficile de cumuler les connaissances, de les rendre généralisables et d’ainsi améliorer la compréhension du concept de connaissance dans les organisations (Nonaka et Von Krogh. 2009). Tout en reconnaissant la certaine confusion entourant la définition du concept, il demeure essentiel d’adopter une définition pour comprendre ce qui est utilisé.

On retrouve, tant dans la littérature sur la cognition collective que sur l’apprentissage organisationnel, un certain consensus sur une typologie de la connaissance qui distingue entre données, information et connaissances. En 1999, Bell et Albu ont proposé une typologie qui a été reprise dans de nombreux travaux académiques qui définissent les données comme des faits bruts, l’information en tant que données qui ont été organisées et structurée en tenant compte du contexte. Finalement, la typologie présente les connaissances comme l’intégration ou la synthèse d’une ou plusieurs catégories d’information résultante par un nouveau savoir et liées à l’action grâce à sa contextualisation (Bell et Albu, 1999; Sales, Fiore et Bell, 2013). Selon cette conception, au moment où les connaissances émergent au plan collectif, elles deviennent un nouveau contexte pour les individus. Il y a donc dans cette notion une idée de mouvement et d’interdépendance qui n’est pas sans rappeler le concept des « champs » de Bourdieu (1980) ou la théorie de la structuration de Giddens (1984) dans lesquels les structures, les contextes, les valeurs, les facteurs symboliques et culturels permutent, interagissent pour façonner l’action sociale.

Ainsi, cette définition place la notion de connaissances dans la sphère collective de l’action sociale. Et de manière intéressante, la typologie de Bell et Albu (1999) établit la

notion de jugement comme un facteur nécessaire pour l’enrichissement des connaissances. De même, la connaissance demande un engagement des individus pour permettre que le processus de partage des connaissances s’effectue. Ainsi, les connaissances pour Bell et Albu sont le résultat : «the judgment of the significance of events and items, which comes from a particular context and/or theory» (Bell et Albu, 1999 : lxiv). Elles ne sont pas le produit d’informations externes, mais bien le fruit d’informations brutes, du jugement, du contexte ou d’une théorie.

Dans cette définition de la connaissance, le jugement se fait en relation avec la réalité sociale. Elle inclut à la fois une part de jugement, mais aussi nécessairement, une certaine analyse. Afin de devenir organisationnelles, les connaissances doivent résulter par une compréhension commune (collective share meaning). D’autres auteurs ont adopté des définitions liant l’information au contexte social.

Ainsi, Tsoukas et Vladimirou définissent les connaissances individuelles comme étant « the individual ability to draw distinctions within a collective domain of action, based on a appreciation of context or theory» (2001 : 979). Selon Alavi et Leinder (2001), les connaissances sont des informations personnalisées liées aux faits, aux procédures, aux concepts, aux interprétations, aux idées observations et au jugement (Alavi et Leidner, 2001:109). Les individus doivent partager non seulement une certaine base commune de connaissances, mais également une compréhension du contexte, des règles et des objets (Alavi et Leidner, 2001; Tsoukas et Vladimirou, 2001). Nonaka et Takeuchi (1995) définissent également les connaissances comme étant créées grâce à un flot d’informations ancrées dans les croyances, les engagements et les valeurs. Encore ici, les différents auteurs lient tous les connaissances à l’action et à un contexte précis.

Haragadon et Fanelli (2002) ont identifié deux qualités des connaissances (artefact et possibilité). Pour ces auteurs, les connaissances organisationnelles sont le processus d’interaction ou la dualité entre ces deux qualités. Chaque processus produit une nouvelle action, mais en même temps chaque action existe en continuité avec le passé. Les connaissances sont des possibilités d’action et vice-versa. Cette conception des connaissances emprunte à la théorie de structuration de Giddens « every process of action is the production of something new, a fresh act, but at the same time all action exists in continuity with the past, which supplies the means of its initiation » (Giddens, 1979: 69-70 in Haragadon et Fanelli, 2002:291). Une perspective complémentaire suggère qu’il existe des interactions dynamiques

entre les nouvelles et les vieilles connaissances et le contexte (Hargadon et Fanelli, 2002). Le concept de connaissances maintient l’idée d’une « chose » que l’on peut échanger ou partager. C’est à partir de cette compréhension que Kozlowski et Chao (2012) ont dénoncé le fait que la plupart des recherches n’aient pas différencié entre processus d’apprentissage et connaissances. En particulier, les auteurs ont démontré que les résultats des processus d’apprentissages étaient traités comme des synonymes de l’apprentissage collectif au lieu d’être étudiés comme un résultat de ces apprentissages (Kozlowski&Chao :2012 Kozlowski et Bell, 2008; Kozlowski et Ilgen, 2006). Les connaissances sont, selon cette définition, le résultat d’un processus dynamique et social. La non différenciation des deux concepts a contribué à présenter une vision statique des processus d’apprentissages et à privilégier certaines formes de connaissances (plus pures, meilleures) au lieu de s’intéresser aux caractéristiques sociales qui favorisent certaines formes de connaissances (Touska et Vladimirou, 2001).

À partir de ces constats, les auteurs Kozlowski et Chao (2012) ont proposé une vision plus dynamique du partage des connaissances au plan collectif. Les connaissances se forment au gré du processus d’apprentissage et atteignent un plan collectif par les interactions des différents membres du groupe. Ce processus de construction des connaissances s’effectue en intégrant une information qui a été organisée et a fait sens dans un contexte particulier (Fiore, Salas et Letsky, 2010). Ainsi, la connaissance devient le résultat d’un processus social qui s’inscrit dans un contexte particulier. Ce survol des définitions de la connaissance met en évidence les différences dans la compréhension et l’application du concept de connaissance en recherche. On peut dégager des différents domaines liés à l’étude des organisations deux grandes perspectives : individualistes et collectives.