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Définition de quelques concepts clés

Chapitre I Concepts, sources et méthodologie

A. Définition de quelques concepts clés

Jürgen Habermas définissait le concept d'espace public comme « le processus au cours du- quel le public constitué d’individus faisant usage de leur raison s’approprie la sphère publique contrôlée par l’autorité et la transforme en une sphère où la critique s’exerce contre le pouvoir de l’État »116. Comme le soulignent Nancy Fraser et Muriel Valenta, cet espace est distinct de l’État,

car il s’agit d’un lieu de production et de circulation de discours qui peuvent, en principe, criti- quer l’État117. C’est en fait un « modèle de communication sans contrainte entre personnes

libres », qui devrait être à la base de l’englobement des idées qui transcendent les types de gou- vernances sociétales118. C’est aussi «une scène de régulation des tensions entre les acteurs et

comme un lieu de lutte pour la reconnaissance de son identité, de son image, ou des droits à vivre ensemble tout en respectant la différence »119 au point que Charles Perraton considère l’espace

public comme le lieu où apparaissent les hommes et les femmes dans leur différence pour proposer une manière d’engager l’action. L’espace public est donc par définition un lieu de la pluralité. Ce n’est ni un espace privé ni un espace totalitaire120.

L’espace public offrant ainsi une multitude d’occasions d’échanges, les auteurs Aminata Diaw et Craig Calhoun pensent que la division entre les espaces privé et public est floue, alors qu’il y a une redistribution de plus en plus marquée des pouvoirs publics au sein des organismes

116Jürgen Habermas, L’Espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise,

Payot, Paris, 1997, 322p.

117Nancy Fraser et Muriel Valenta, « Repenser la sphère publique : une contribution à la critique de la démocratie telle qu’elle existe

réellement »,Hermès, n°31, 3, 2001, p. 109-142.

118Olivier Voirol, « L’espace public et les luttes pour la reconnaissance de Habermas à Honneth », Claudia Barril et al.,dirs., Le public

en action : usages et limites de la notion d’espace public en sciences sociales, Paris, L’Harmattan, 2003, p. 119.

119Claudia Barril et alii, « Introduction », Claudia Barril et al.,dir., Le public en action : Usages et limites de la notion d’espace public

en sciences sociales, Paris, L’Harmattan, 2003, p. 16.

120Charles Perraton, Introduction : Actes du colloque « Comment vivre ensemble ? La rencontre des subjectivités dans l’espace public

», (Université du Québec à Montréal, 20-21octobre 2007), Charles Perraton, Fabien Dumais et Gabrielle Trépanier-Jobin, dirs, [En

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privés121. Par ailleurs, François Leimdorfer122 et Irène Kassi-Djodjo123 soulignent que le concept

d’espace public renvoie à une grande variété de lieux, mais aussi à toutes sortes d’espaces moins bien délimités ou de statut intermédiaire entre le public et le privé. Dans la même logique, Céline Loudier et Jean-Louis Dubois émettent l’hypothèse selon laquelle « si par définition les espaces publics sont des espaces appartenant au domaine public ouvert et accessible à tous, par extension leur registre comprend tous les espaces accessibles au public »124. Ainsi, le secteur informel nous

semble pouvoir être intégré au concept d’espace public, secteur dans lequel sont impliquées la plupart des femmes concernées par notre recherche. Tout comme peuvent être incluses les associations comme des espaces de citadinité et de citoyenneté.

La diversité de ces espaces permet d'appréhender les dynamismes et stratégies des Ouagalaises, de rendre compte de la capacité des femmes à faire valoir leur opinion à Ouagadougou et des relations qu’elles entretiennent avec l’État, marquées par la distanciation, la cooptation, le clientélisme, la collaboration, le dialogue ou la confrontation. Car notre recherche s'inscrit d'une part dans le prolongement des écrits d'Aminata Diaw et d'Aminata Touré dans lesquels elles soulignent que s’il existe une logique d’assujettissement et de subordination qui exclut les femmes du processus de délibération, vecteur essentiel de l’espace politique et public, elles ne restent pas nécessairement inactives. Elles parviennent à mobiliser les ressources de l’espace privé tels la parenté, le voisinage, la solidarité et l’amitié pour des enjeux qu’elles n’avaient point contribué à concevoir125. D'autre part, notre recherche s'inspire des réflexions de

Janaki Nair qui rappellent que les femmes sont comme des agents de l’histoire, sans reproduire les paradigmes longtemps dominants de la « femme victime » ou de l’ « héroïne rebelle », qui ont contribué longtemps à enfermer« les femmes dans des lieux ghettoïsés »126. Ainsi dès lors que

notre recherche tend à réévaluer l’action sociale des femmes, considérées non pas comme des êtres passifs, mais comme des agents de changement social aux profils variables et évolutifs dans le temps127, l'utilisation du concept d'agency paraît incontournable afin de rendre compte de la

capacité des femmes à transcender les normes sociétales, à faire des revendications citoyennes, à

121Aminata Diaw, « Nouveaux contours de l’espace public en Afrique » in Diogène, vol. 206, n°2, 2004, p. 41; Craig Calhoun, «

Introduction : Habermas and the Public Sphere » in Craig Calhoun, dir.,Habermas and the Public Sphere, Cambridge, MIT Press, 1992, p. 1-48.

122François Leimdorfer, « Enjeux et imaginaires de l’espace public à Abidjan » in Politique africaine, n°74, 1999, p. 51-75.

123Irène Kassi-Djodjo, « Espaces publics : enjeux sociaux d’appropriation de l’espace urbain à Abidjan », Jérôme Aloko-N’Guessanet

al.,dirs, Villes et organisation de l’espace en Afrique, Paris, Karthala, 2010, p. 135-147.

124Céline Loudier et Jean-Louis Dubois, « L’insécurité dans l’espace public » in Les cahiers de L’IAURIF. Espaces publics : espaces

de vie, espaces de ville, n° 133-134, 2002, p. 34.

125Aminata Diaw et Touré Aminata, Femmes, éthique et politique, Dakar, Fondation Friedrich Ebert, 1998, p. 18.

126Janaki Nair, « La question de la capacité d’action des femmes dans l’historiographie féministe indienne », Hugon Anne,

dir., Histoire des femmes en situation coloniale. Afrique et Asie, XXe siècle », Paris, Karthala, 2004, p. 17-42.

127Céline Loudier et Jean-Louis Dubois, « L’insécurité dans l’espace public », Les cahiers de L’IAURIF. Espaces publics: espaces de

23 œuvrer dans les associations et à réussir dans le secteur informel qui sont des actes de pouvoir et de vouloir agir.

Le concept d’agency peut être traduit par « capacité d’action » ou « autonomie »128. Selon

Carine Plancke, ce concept évoque l’idée d’un acteur occidental autonome et individualiste et semble reposer sur la présupposition que seule l’action consciente et active donne le pouvoir et permet de développer sa subjectivité129. Seyla Benhabib, pour sa part, identifie l’agency comme

« the ability to vary the repetition of gender performances, she had yet to identify the factor that enables such variations to take place»130. En revanche, ce conceptne signifie pas que le sujet

autonome existe à l’extérieur des règles préétablies; il traduit plutôt sa pleine habileté à réarticuler et à dompter son environnement qui lui est étranger. En ce sens, l’usage de la notion foucaldienne du pouvoir compris comme un « faisceau plus ou moins organisé, plus ou moins pyramidalisé, plus ou moins coordonné de relations »131 est pertinent. C’est une reconfiguration dans laquelle la

complicité et la résistance constituent des éléments fondamentaux des relations de subordination132. Il représente un ensemble de rapports de force interreliés à l’intérieur desquels

une personne tente de contrôler ou de guider la conduite d’autrui133. Les formulations les plus

fortes de la question de l’agency cherchent au contraire à éviter d’opposer action et structures tout en critiquant la tenace tradition misérabiliste en sciences sociales qui veut que les « dominés » ne pensent et n’agissent pas, qu’ils soient voués à la passivité et à la soumission134.

Pour notre démarche, nous ne pourrons pas ici rendre compte de toute la richesse des travaux et des recherches qui, dans des domaines variés, tournent autour de la question de l’agency. Nous nous concentrons ici sur le problème de l’articulation de la question de l’agencyet de la lutte des femmes en Afrique dans le secteur informel et les associations. Notre propos consiste à soutenir le double argument qu’agencyet structures ne sont pas dans un rapport d’exclusion réciproque et que l’agency des femmes ne précède pas les normes et les structures sociales, mais est largement influencée par elles135. Si les femmes sont bien soumises à des

normes sociales, elles agissent également sur celles-ci en développant des stratégies pour les contourner et pour les utiliser en vue de se créer un monde de possibilités. C’est dans cette avenue

128Anne Hugon, dir.,Histoire des femmes en situation coloniale. Afrique et Asie, XXe siècle, Paris, Karthala, 2004, 240 p.

129CarinePlancke, « The spirit’s wish: possession trance and female power among the Punu of Congo-Brazzaville », Journal of Reli-

gion in Africa, 2011, vol. 4, n° 41, p. 57-78; CarinePlancke, « Agency et possessions féminines en Afrique. Uneévaluation critique », Rives méditerranéennes, n° 41, 2012, p. 57-78.

130SeylaBenhabib, Situating the self: Gender, community, and postmodernism in contemporary ethics, New York, Routledge, 1992, p.

218.

131Michel Foucault, Dits et écrits II : 1976-1988, Paris, Gallimard, 2001, p. 302.

132Janaki Nair, « La question de la capacité d’action des femmes dans l’historiographie féministe indienne » in Hugon Anne,

dir.,Histoire des femmes en situation coloniale. AfriqueetAsie, XXe siècle, Paris, Karthala, 2004, p. 17-42.

133Michel Foucault, «Technologies of the self», Paul Rabinow, dir., Ethics: Essential works of Foucault 1954-1984, New York, Pen-

guin Philosophy, 1998, p. 223-280.

134Pierre Bourdieu, La domination masculine, Paris, Seuil, 1998, 142p.

135Carine Plancke, loc. cit., 2012, p. 57-78; Margueritte Rollinde, op. cit., 2010, p. 40; Aminata Diaw et Touré Aminata, op. cit., 1998,

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que Saba Mahmood considère l’agency comme la capacité de réaliser ses propres intérêts contre le poids de la tradition, de la volonté transcendantale ou d’autres obstacles et, dès lors, présente comme évident le désir humaniste d’autonomie et d’expression de soi se réalisant sous la forme d’un acte de résistance136.

Notre étude cherche à voir en quoi les femmes font preuve de volonté d’action dans les associations et le secteur informel, puisqu’elles initient des stratégies individuelles et/ou collectives qui reflètent des actions palpables et la création des micro-espaces de liberté. Si une approche par les trajectoires individuelles permet de reconstituer de façon précise les mécanismes de l’agency, celle-ci peut aussi être envisagée comme un phénomène collectif, en particulier dans le cas de la capacité mobilisationnelle au sein des associations. De manière plus précise, nous utiliserons la notion d’agency, comme la capacité des Ouagalaises137 à s’imposer dans la société

par le biais de leur militance dans les associations féminines et de leurs diverses stratégies dans le secteur informel. À travers des gestes quotidiens, elles arrivent à prendre le contrôle, dans une certaine mesure, de leur vie. C’est dans ce sens que Deniz Kandiyoti et Naila Kabeer pensent que les femmes n’adhèrent aux normes sociales, relatives aux relations de genre, que dans la mesure où elles bénéficient d’une certaine marge de manœuvre, si étroite soit-elle, pour élaborer des stratégies de contournement, de contestation, ou de redéfinition de ces normes138.

Par ailleurs, il apparait indispensable de définir le concept d’empowerment, qui est un pro- longement de l’agency dans la mesure où il est aujourd’hui au cœur de la rhétorique sur la « par- ticipation des pauvres » au développement139. Comme l’a souligné Paolo Freire en 1968 dans sa

théorie de la Pédagogie des opprimés, l’empowerment est identifié plus à une critique sociale radicale et s’inscrit dans une stratégie de mobilisation des individus et groupes marginalisés et opprimés140. La stratégie vise à transformer les rapports de pouvoir et remet en cause

l’exploitation dans le but de construire une société plus équitable. Notons, que c’est à la fin des années 1970, dans les milieux de recherche et d’intervention anglophones, que le concept fut développé. Le terme d’empowerment signifie littéralement « renforcer ou acquérir du pouvoir », dans des champs divers comme le service social, la psychologie sociale, la santé publique,

136NailaKabeer, « Resources, Agency, Achievements : Reflections on the Measurement of Women’s Empowerment ». Discussing

Women’s Empowerment : Theories and Practice. SIDA Studies. nº 3,Stockholm, Swedish International Development Cooperation

Agency (SIDA), 2001, p. 21; CarinePlancke, loc. cit., 2012, p. 57-78.

137Désignent les femmes ressortissantes ou qui vivent à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso.

138DenizKandiyoti, « Bargaining with Patriarchy » in Gender and Society, vol. 2, n3, 1988, p. 274-290; NailaKabeer, « The Condi-

tions and Consequences of Choice: Reflections on the Measurement of Women’s Empowerment », UNSRID Discussion Paper, n°108, Geneva, 1999, 58p.

139Anne-Emmanuèle Calvès, « « Empowerment » : généalogie d’un concept clé du discours contemporain sur le développement »,

Revue Tiers Monde, n°200, 2009, p. 735-749.

25 l’alphabétisation des adultes ou le développement communautaire141. C’est à partir des années

1980 que le concept fut étendu dans les milieux féministes pour désigner une approche alternative au développement intégrant des femmes par des pratiques de participation par le bas142. Au cours

de cette période, l’approche d’empowerment s’est affirmée véritablement comme un mode alternatif de développement dans la mesure où il a été discuté l’intégration des femmes dans la société à travers le développement143. À la fin de la décennie, le concept devient le nouveau crédo

des organisations internationales de développement, gagne progressivement l’agenda internatio- nal en matière de genre et développement tout comme il est intégré dans les discours politiques sur la lutte contre la pauvreté144. Si les origines précises du terme empowerment comme modèle

de développement alternatif restent floues, il est généralement reconnu qu’il prend son sens véritable à travers les luttes menées par des femmes militantes « du Sud » oeuvrant dans les associations, les ONG, surtout en Asie du Sud145. Par ailleurs, les auteurs comme BatliwalaSrila-

tha, Gita Sen, Jane L. Parpart et Kathleen Staudt ont reconnu notamment que les méthodes d’éducation populaire utilisées dans la formation au sein des ONG permettent de développer une approche propre, distincte, poussant au-delà de la construction, de la prise de conscience à l’organisation des pauvres dans la lutte active pour le changement146. Tout au long des années

1990, l’empowerment sera d'ailleurs largement soutenue par le réseau féministe international Development Alternatives with Women for a New Era (DAWN), qui conçoit le concept comme un processus de transformation sociale, permettant aux personnes pauvres, et particulièrement aux femmes, de prendre conscience de leur situation, de leurs droits et de leurs capacités pour contester le statu quo et les structures de pouvoir147.

Le concept a migré dans le champ des études sur le genre et le développement. Caroline Moser, Gita Sen et CarenGrown ont souligné l’impossibilité d’un développement social et économique des femmes par rapport au patriarcat et aux inégalités globales et ont surtout œuvré pour faire reconnaître la capacité des femmes à manipuler ses pesanteurs sociales à leur guise

141Barbara Levy Simon, The Empowerment Tradition in American social Work: a History, New York, Columbia University Press,

1994, 227p.

142Anne-EmmanuèleCalvès, loc. cit., 2009, p. 735-749.

143Caroline Moser, Gender Planning and Development: Theory, Practical Training, Londres, Routledge, 1993, 285p.; Gita Sen et

Grown Caren, Development, Crises and Alternative Visions: Third World Women’s Perspectives, New York, Monthly Review Press, 1987, 120p.

144Anne-EmmanuèleCalvès, loc. cit., 2009, p. 735-749.

145Nelly P. Stromquist, « The Intersection of Public Policies and Gender. Understanding State Action in Education », Mary Ann

Maslak, The Structure and Agency of Women’s Education, Albany, State University of New York Press, 2008, p. 22-27.

146Sophie Charlier, « L’analyse de l’Empowerment des femmes qui participent à une organisation de commerce équitable. Une propo-

sition méthodologique », Claude Auroi et Isabel Yépezdel Castillo, dirs, Économie solidaire et commerce équitable. Acteurs et ac-

trices d’Europe et d’Amérique latine, Genève, Presse Universitaires UCL/IUED, 2006, 32p.

147Le projet DAWN naît d’une réunion de femmes du Sud en Bangalore, Inde, en août 1984 en préparation du Congrès international

de l’ONU sur les femmes à Nairobi en1985 et se transforme en « un réseau des militantes/activistes, chercheures, et responsables », réseau international mais composé de femmes issues pour la plupart de pays du Sud. Le réseau s’est largement influencé par les tra- vaux de deux économistes Gita Sen et CarenGrown, qui l’emploient pour la première fois pour désigner une approche alternative de développement dans leur ouvrage « Développent, Crises, and Alternative Visions. Third World Women’s Perspectives » en1987.Sen Gita etCaren Grown, « Development Alternatives with Women for a New Era», DAWN 1987, p. 80.

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dans le but d’en tirer profit148. D'autres auteurs ont analysé des situations concrètes de femmes

pour rendre compte de leur capacité à changer les choses. Par exemple, Josée Van Santen analyse comment les femmes islamisées du Cameroun ont trouvé des moments pour contourner les pesanteurs sociales à leur guise, au point de faire des profits dans le commerce et d'exercer des pressions pour permettre de transformer leurs relations avec leurs familles et leurs maris149.

Gertrude Mianda Mutonkoley fait remarquer, quant à elle, que les femmes au Zaïre montrent leur capacité à tirer avantage de certains éléments de l’organisation sociale, telles que les obligations traditionnelles des femmes, qui apparaissaient à la base comme des contraintes pour les femmes pour les retourner en leur faveur. Elles ont profité des opportunités qui leur étaient offertes, suite à la crise économique qui a miné la crédibilité financière des hommes, pour endosser leur nou- veau rôle de pourvoyeuses de biens et par làmême pour tirer un avantage relatif au moment de la négociation avec leurs maris150.

Le courant historiographique des stratégies individuelles des femmes fait ressortir l’image de femmes qui cherchent des solutions pour lutter contre la pauvreté. Bien qu’elles soient sous l’emprise de certaines contraintes sociales qui pèsent sur elles, en raison de leur rôle central dans la reproduction (biologique, matérielle et symbolique) du groupe, elles tentent de renégocier les rapports en provoquant des écarts entre les règles et les pratiques en raison de leur flexibilité151.

Elles vont au-delà du cadre institutionnel et parviennent même à façonner et à créer des idées très ingénieuses de contournement des pratiques culturelles au Burkina Faso et de les manipuler152.

Cette avenue est notamment défendue par Lise Chartier dans le cadre de son étude sur l’empowerment des femmes latino-américaines153, défini comme étant un processus qui

permettrait à l’individu de se former dans le but d’acquérir des compétences à exploiter. Il renvoie à l’ensemble des moyens lui permettant une prise de décisions dans le cadre personnel et sociétal. Caroline Moser154 identifie deux types de choix : ceux qui procurent la subsistance et

ceux qui sont en étroit rapport avec les choix stratégiques. Si ces conditions ne sont pas réunies,

148Caroline Moser, « Gender Planning and Development: Theory, Practice and Training », Feminist Politics, Spring, No. 49, 1995, p.

117-119; Gita Sen et Caren Grown, Development, Crises and Alternative Visions: Third World Women’s Perspectives, New Delhi: DAWN; New York: Monthly Review Press, 1987, p. 240-242.

149Josée Van Santen, « Dot, commerce et contrebande : stratégies chez les femmes islamisées de Mokokolo», Pierre Geschiere et P.

Konings, dirs, Itinéraires d’accumulation au Cameroun, Paris, Karthala, 1993, p. 301-334.

150Gertrude Mianda Mutonkoley, « Genre, pouvoir et développement. Des stratégies des femmes dans la production maraichère de

Kinshasa, Zaïre », thèse de doctorat, Québec, Université Laval, 1992, p. 149-150.

151Marie Djuidjeu et Hélène Guétat-Bernard, « Stratégies féminines de survie et rapports à l’espace. L’exemple du pays bamiléké

(Cameroun) », Sophie Dulucq et Soubias Pierre, dirs, L’espace et ses représentations en Afrique, Paris, Karthala, 2004, p. 120.

152 Suzanne Lallemand, « Une famille mossi », Recherches voltaïques, vol. 17, Ouagadougou, Paris, CVRS-CNRS, 1977, 380p; Anne

Attané, « Quand la circulation de l’argent façonne les relations conjugales. L’exemple de milieux urbains au Burkina Faso », Autre-

part, n° 49, 2009, p. 155-172; Doris Bonnet, Corps biologique, corps social. Procréation et maladies de l’enfant en pays mossi, Burkina Faso, Paris, Éditions de l’ORSTOM, 1988, 138p.

153Sophie Charlier, « L’empowerment des femmes dans les organisations de commerce équitable : une proposition méthodologique »,

Claude Auroi et Isabel Yépezdel Castillo, dirs., Économie solidaire et commerce équitable. Acteurs et Actrices d’Europe et

d’Amérique latine, UCL/ Presses Universitaires de Louvain, IUED, Genève, 2006, p. 87-109.