Phonétique et Phonologie
1 Inventaire phonétique général
2.1.1.3 Définition et classement des consonnes en position C 1
Chaque commutation réalisée au sujet d’un phonème permet de dégager un trait distinctif : celui qui le distingue du phonème avec lequel il est mis en relation. En prenant en compte l’ensemble des commutations faites à propos d’un phonème donné, on peut dégager un ensemble de traits le distinguant des phonèmes auxquels il a été opposé, justifiant ainsi son statut même de phonème.
En position C1, voici les traits qui définissent chaque phonème : /p/ est défini par les traits suivants :
- occlusif : p/f, p/w - labial : p/t, p/k - sourd : p/b
- oral : p/m
/b/ est défini par les traits suivants : - occlusif : b/v
- labial : b/d, b/g - oral : b/m - sonore : b/p
/m/ est défini par les traits suivants : - labial : m/ɲ
- nasal : m/b
/f/ est défini par les traits suivants : - constrictif : f/p
- labial : f/ʃ - sourd : f/v
/v/ est défini par les traits suivants : - constrictif : v/b
- labial : v/ʃ - sonore : v/f
/w/ est défini par les traits suivants : - approximant : w/b - labial : w/l
/t/ est défini par les traits suivants : - occlusif : t/s, t/ts
- alvéolaire : t/p, t/k - sourd : t/d
/d/ est défini par les traits suivants : - occlusif : d/z, d/l
- alvéolaire : d/b, d/g - oral : d/n
- sonore : d/t
/n/ est défini par les traits suivants : - alvéolaire : n/ɲ
- nasal : n/t
/s/ est défini par les traits suivants : - constrictif : s/t, s/ts - alvéolaire : s/ʃ, s/f - sourd : s/z
/z/ est défini par les traits suivants : - constrictif : z/dz, z/d - alvéolaire : z/ʃ, - sonore : z/s
/ts/ est défini par les traits suivants : - affriqué : ts/s, ts/t
- alvéolaire : ts/tʃ, ts/kf - sourd : ts/dz
/dz/ est défini par les traits suivants : - affriqué : dz/z, dz/d - sonore : dz/ts
/l/ est défini par les traits suivants : - spirant : l/d, l/z
- alvéolaire : l/w, l/y /ɲ/ est défini par les traits suivants :
- palatal : ɲ/m, ɲ/n
- nasal : ɲ/y
/ʃ/ est défini par les traits suivants : - constrictif : ʃ/ɲ, ʃ/tʃ - palatal : ʃ/s, ʃ/f
/tʃ/ est défini par les traits suivants : - affriqué : tʃ/ʃ
- palatal : tʃ/ts
/y/ est défini par les traits suivants : - approximant : y/ɲ - palatal : y/l, y/w
/k/ est défini par les traits suivants : - occlusif : k/kf
- vélaire : k/p, k/t - sourd : k/g
/g/ est défini par les traits suivants : - vélaire : g/b, g/d
- sonore : g/k
/kf/ est défini par les traits suivants : - affriqué : kf/f, kf/k - vélaire : kf/ts
Pour distinguer phonologiquement les consonnes en position C1, l’appareil phonatoire est divisé en quatre régions :
- La région labiale qui concerne les bilabiales et les labiodentales
- La région alvéolaire qui couvre la région dentale et alvéolaire. Elle concerne les consonnes apico-alvéolaires.
- La région palatale qui couvre la région prépalatale et palatale. Elle concerne les consonnes prédorso-prépalatales et dorso-palatales.
- La région vélaire qui concerne les dorso-vélaires.
En se basant sur les traits distinctifs dégagés, on peut classer les phonèmes en position C1 de la manière suivante :
Tableau 9 : Tableau des phonèmes consonantiques en position C1.
2.1.2 Position C2 (structure CVCV)
En position C2 on obtient l’inventaire phonétique suivant :
Tableau 10 : Tableau phonétique des consonnes en position C2
bilabiale
labiales alvéolaires palatales vélaires occlusives p b t d k g
nasales m n ɲ
constrictives f v s z ʃ
affriquées ts dz tʃ kf
approximantes w l y
2.1.2.1 Identification des phonèmes
De cet inventaire de 25 unités, on peut établir le statut phonologique des consonnes suivantes :
/b/
Son statut phonologique ressort des rapprochements suivants : b/m
dzíbə̀ ‘’voler, dérober’’ / dzímə̀ ‘’être profond’’
b/mb
kábī ‘’pagaie’’ / kámbì ‘’arbre sp’’
b/l
pɛ́bì ‘’poisson sp’’ / pɛ́lì ‘’camp’’
kábī ‘’pagaie’’ / kálī ‘’sœur ’’
b/g
dzíbə̀ ‘’voler, dérober’’ / dzígə̀ ‘’brûler’’
/b/ est réalisé comme une consonne occlusive, bilabiale, sonore, orale [b].
/m/
Son statut phonologique découle des rapprochements effectués au sujet de /b/ et des rapprochements suivants :
m/mb
gímì ‘’langue’’ / gímbì ‘’danse’’
kímə̀ ‘’singe’’ / (mə̀)kímbə̀ ‘’sel’’
nàmì ‘’jambe’’ / nàmì ‘’adultère’’
m/n
zímə̀ ‘’pangolin’’ / zínə̀ ‘’abcès ‘’
búmì ‘’aboyer’’ / bvúnì ‘’frapper’’
m/l
búmì ‘’aboyer’’ / búlì ‘’se casser’’
bámə̀ ‘’se marier’’ / bálə̀ ‘’blesser’’
dzímə̀ ‘’profond’’ / dzílə̀ ‘’facile’’
(ŋ̀)gúmì ‘’époux’’ / (bì)gúlì ‘’vomis’’
m/w
lúmə̀ ‘’mordre’’ / lúwə̀ ‘’coudre’’
/m/ est réalisé comme une consonne occlusive, bilabiale, sonore, nasale [m].
/mb/
Son statut phonologique découle des rapprochements effectués au sujet de /m/, /b/ et de ceux qui suivent :
mb/nd
bwèmbì‘’arbre sp’’ / bwèndì ‘’amant(e), concubin (e)’’
pìmbì ‘’mur’’ / pìndì ‘’racine’’
mb/ŋg
(ǹ)ʃàmbə̀ ‘’boue’’ / (ǹ)ʃàŋgə̀ ‘’silure’’
/mb/ est réalisé comme une occlusive, bilabiale, sonore, semi-nasale [mb]
/nd/
Son statut phonologique découle des rapprochements effectués au sujet de /mb/
et des rapprochements suivants : nd/n
tándì ‘’nasse’’ / tánì ‘’cinq’’
wándī ‘’casse-à-dent’’ / wánī ‘’neuf’’
nd/l
kwàndə̀ ‘’banane’’ / (ŋ̀)kwàlə̀ ‘’mille pattes’’
tsìndə̀ ‘’couper’’ / tsìlə̀ ‘’écrire’’
lúndə̀ ‘’frotter ‘’ / lúlə̀ ‘’forger’’
nd/r
pìndə̀ ‘’tresser’’ / pìrə̀ ‘’se métamorphoser’’
tsíndí ‘’terre ferme’’ / tsírí ‘’animal’’
kùndə́ ‘’peau’’ / kùrə́ ‘’natte’’
/nd/ est réalisé comme une consonne occlusive, apico-alvéolaire, sonore, semi-nasale [nd].
/n/
Son statut phonologique découle des rapprochements effectués au sujet de /m/, /nd/ et des rapprochements suivants :
n/l
(ǹ)ténī 29 ‘’livre, papier’’ / (ǹ)télì ‘’salive’’
29 On verra plus loin que le registre moyen est une réalisation du ton haut en position finale.les paires minimales présentées ici sont donc phonologiquement parfaites.
wánī ‘’neuf’’ / wálí ‘’rivalité, polygamie’’
n/ŋg
ɲínə̀ ‘’voir’’ / ɲíŋgə̀ ‘’enter’’
/n/ est réalisé comme une consonne occlusive, apico-alvéolaire, sonore, nasale [n].
/l/
Son statut phonologique découle des rapprochements effectués au sujet de /b/, /mb/, /m/, /nd/, /n/ et des rapprochements suivants :
l/r
kàlà ‘’beignet’’ / kàrà ‘’pont’’
vúlə̀ ‘’court’’ / vúrə̀ ‘’huile’’
ɲálə́ ‘’femelle’’ / ɲárə́ ‘’buffle’’
l/w
lúlə̀ ‘’forger’’ / lúwə̀ ‘’coudre’’
ʃùlə̀ ‘’banane douce’’ / ʃùwə̀ ‘’carpe sp’’
kúlə̄ ‘’saison sèche’’ / kúwə́ ‘’tique’’
/l/ est réalisé comme une consonne, approximante, apico-alvéolaire, sonore, orale [l].
/r/
Son statut phonologique découle des rapprochements effectués au sujet de /nd/ et /l/
/r/ est réalisé comme une consonne vibrante, apico-alvéolaire, sonore, orale [r].
/g/
Son statut découle des rapprochements effectués au sujet de /b/, /m/, /l/ et des rapprochements suivants :
g/ŋg
kùgú ‘’soir’’ / kùŋgú ‘’siège’’
/g / est réalisé comme une consonne occlusive, dorso-vélaire, sonore, orale [g].
En position C2 de la structure CVCV, /g/ présente une variante combinatoire contextuelle réalisée comme une fricative, dorso-vélaire, orale, sonore [ɣ] devant [a] et [u] en contexte isotimbre (|-u-u|, |-a-a|).
Exemple : /kágá/ est réalisé [káɣá] ‘’lier’’
/ǹtsùgù/ est réalisé [ǹtùɣù] ‘’prison’’.
/ŋg/
Son statut de phonème découle des commutations envisagées au sujet de /mb/, /n/ et /g/.
/ŋg / est réalisé comme une consonne occlusive, dorso-vélaire, sonore, semi-nasale [ŋg].
En position C2 de la structure CVCV, /ŋg/ présente une variante combinatoire contextuelle réalisée comme une occlusive, dorso-vélaire, nasale, sonore [ŋ] devant /a/
et /u/ en contexte isotimbre (|-u-u|, |-a-a|).
Exemple : ǹtángá ‘’blanc’’ est réalisé [ǹtáŋá]
kùŋgú ‘’couteau’’ est réalisé [kùŋú]
myáŋgá ‘’argent’’ est réalisé [myáŋá]
/w/
Son statut de phonème découle des commutations envisagées au sujet de /m/ et /l/.
/w / est réalisé comme une consonne approximante, labio-vélaire, sonore, orale [w].
2.1.2.2 Discussions
a. À propos des occlusives sourdes [p], [t] et [k] de la constrictive [s] et la nasale [ɲ]
Les occlusives sourdes [p], [t] et [k] ont été relevées en position C2 de CVCV.
Elles apparaissent dans les termes suivants : gyápɛ́ŋgyɛ́ ‘’lézard’’
pɛ̀pɛ̂ ‘’cafard’’
tùtú ‘’vin de palme’’
yákū ‘’étoile’’
kùkù ‘’albinos’’
Les termes dans lesquels elles apparaissent résultent : - soit de la composition nominale : gyápɛ́ŋgyɛ́ ‘’lézard’’
- soit d’un processus de réduplication : pɛ̀pɛ̂ ‘’cafard’’, tùtú ‘’vin de palme’’, kùkù
‘’albinos’’.
[s] et [ɲ] ont pour leur part été relevées dans si peu de termes qu’il est impossible de définir leur statut réel.
wúsá ‘’musulman’’
ɲíɲúŋ ‘’moustique’’
míɲūŋ ‘’frère’’
b. À propos de la glottale [ʔ] et de l’approximante [y].
Pour la glottale [ʔ] et l’approximante [y], il a été difficile de trouver assez de paires minimales pour justifier leur statut de phonème. [ʔ] n’est susceptible de s’opposer qu’à [r], comme l’atteste l’exemple ci-dessous, alors que [y] n’offre aucune possibilité de commutation.
páʔá ‘’écorce’’ / párá ‘’sabot’’
Cette question sera traitée plus loin lors du traitement de la structure syllabique.
On verra que [ʔ] et [y] ont un statut d’épenthèse et résultent d’un processus de resyllabisation.
c. Classement de /l/, /r/ et /w/
Les commutations réalisées au sujet de /w/ permettent de le classer, non pas comme vélaire, mais comme labial. Il s’oppose en effet à /m/. Il s’oppose en outre à /l/
ce qui permet de le définir comme approximante. /r/ pour sa part commute avec /nd/ et /l/, ce qui permet de le définir comme alvéolaire et vibrante.