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2.2 L'ingénierie de la formation : une démarche

2.2.2 Définir l'ingénierie de la formation

Par souci de synthétisme et d’efficacité, je ne retiendrai ici que la définition générale de Le Boterf (1999). En effet, cet auteur semble être admis comme un des fondateurs de la discipline et de ses notions, puisqu’il est cité en référence dans la quasi-totalité des travaux traitant de ce sujet. Il définit l’ingénierie de la formation comme

l’ensemble coordonné des activités de conception d’un dispositif de formation (dispositif de formation, centre de formation, plan de formation, centre de ressources éducatives, dispositif de formation à distance, réseaux de formateurs, réseaux de ressources…) en vue d’optimiser l’investissement qu’il constitue et d’assurer les conditions de sa viabilité. (p.3)

Il me semble que l’ingénierie est ici caractérisée par deux éléments en particulier : l’optimisation de l’investissement d’abord, en ce qu’elle est au service de la rentabilité et de l’efficacité de toute entreprise ; la coordination de l’ensemble des éléments ensuite, puisqu’elle revendique une démarche cherchant à englober l’ensemble des éléments d’une situation donnée et à assurer des interactions optimales entre eux.

Au-delà de cette définition générale, la notion d’ingénierie de la formation peut être envisagée selon plusieurs niveaux. La nature de ce découpage est variable selon les auteurs

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et surtout selon les époques ; je retiendrai ici celui d’Ardouin (2003, dans : Des

catégorisations de l’ingénierie de la formation à la naissance de l’archipel, – n.d. – Master 1

SIFA, Université de Lorraine, p.1) : cet auteur propose un triptyque qui semble faire le consensus chez la plupart des acteurs du domaine à l’heure actuelle, puisqu’on le retrouve mentionné et référencé dans une grande majorité des travaux et des descriptifs de formation en ingénierie de la formation. Cet auteur distingue donc :

- L’ingénierie des politiques, en tant que domaine « stratégique et décisionnel », visant la caractérisation des « orientations en matière d’évolution des compétences individuelles et collectives ». On se situe alors dans une phase d’analyse et de prise de décisions, visant la définition de la politique d’évolution d’une entreprise ou d’un prestataire de formations. Cependant, il est remarquable que le niveau des politiques ne se focalise pas nécessairement sur une action de formation : il s’attache à analyser un contexte pour déterminer si une ou plusieurs actions de formation seraient une réponse appropriée à des besoins ou des dysfonctionnements identifiés. Ainsi, envisager une action de formation au niveau politique peut aussi avoir pour objectif la réduction des coûts de fonctionnement, l’amélioration de la qualité des produits ou des prestations délivrées ou encore l’optimisation de la cohésion au sein d’une unité. On voit bien ici l’importance d’une vision globale, incluant l’ensemble des éléments pouvant se rattacher à l’action de formation envisagée, aux besoins et aux objectifs d’une entreprise. Cependant, la définition proposée ci-dessus est relative à la réalité de l’entreprise gérant ses ressources humaines ; or, dans le cas de l’AF de Chengdu, c’est-à-dire un prestataire de formations, nous nous situons dans un contexte différent. Ainsi, la politique de cette structure s’incarne par exemple dans la décision récente de cibler le marché supposément prometteur des collégiens et des lycéens chinois étudiants le français, ou encore de développer une offre de formation spécifique pour les candidats à l’immigration au Québec souhaitant passer le test du TEFaQ. Il s’agit bien de décisions donnant un cap général à la structure et à ses dispositifs de formation.

- L’ingénierie des systèmes de formation, en tant que traduction de la politique « en dispositif et en action » ; on se situe alors à un niveau organisationnel. L’ingénieur en charge du dispositif en assure « la mise au point, l’architecture d’ensemble, le pilotage et la régulation, à partir d’un cahier des charges et d’un échéancier ». On parle également de gestion du plan de formation. Deux fonctions principales ressortent à ce niveau : celle de la planification et de la création d’un dispositif, en amont de l’action de formation, et celle du pilotage pendant la formation. Le dispositif qui nous intéresse, au

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sein de l’AF de Chengdu, est en place depuis la création de la structure ; il ne s’agit donc pour lui que de pilotage, voire d’évolution, selon les décisions prises au niveau des politiques.

- L’ingénierie pédagogique, en tant que « niveau opérationnel » de l’enseignement/apprentissage ; il préside aux choix pédagogiques en matière de supports, de contenus, de modalités de transmission des savoirs. Ce niveau se déroule plus ou moins en synchronie avec le précédent, mais ne relève pas du même point de vue, ni des mêmes fonctions : on s’intéresse alors concrètement à l’action de formation et aux modalités de celle-ci. A titre d’exemple représentatif de ce niveau, on rappellera que la commission pédagogique du Réseau AF Chine a sélectionné un manuel de FLE unique au mois de février 2012, dont l’adoption entrera en vigueur, vraisemblablement, au début de l’année 2013. Le manuel rassemblant les contenus et conditionnant fortement les modalités de transmission des savoirs, nous nous situons bien ici dans une logique d’ingénierie pédagogique.

Ce découpage sur trois niveaux permet d’isoler les fonctions de l’ingénieur de la formation selon le niveau sur lequel il se positionne : ainsi, les compétences mobilisées ne seront pas les mêmes selon qu’il participe à la définition de la politique de formation d’une entreprise, à la mise en place d’un dispositif de formation ou à la sélection des contenus enseignés et à l’encadrement des formateurs. En effet, ce découpage sur trois niveaux est principalement intervenu pour répondre à la spécialisation progressive des ingénieurs de la formation à l’intérieur du domaine large de référence. D’autres travaux de découpage, de plus en plus précis, laissent penser que cette phase de spécialisation est encore en cours et que le domaine de l’ingénierie de la formation est loin d’être fixé sur sa nature : il évolue en permanence, pour répondre aux besoins d’« environnements caractérisés de plus en plus par la complexité et l’instabilité » (Le Boterf, 1999, p.8).