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I. Recherche bibliographique

I.2. Le dioxyde d’uranium et son comportement sous irradiation

I.2.2. c. Défauts induits par irradiations

L’irradiation du combustible UO2 en réacteur provoque un changement important sur la microstructure et les propriétés physico-chimique du combustible. Ces modifications sont liées essentiellement d’une part, à l’évolution des défauts ponctuels produits par l’irradiation, et d’autre part, par les atomes étrangers produits par les réactions nucléaires. Ce paragraphe présente les différentes conséquences de l’irradiation sur le dioxyde uranium.

I.2.2.c.i. L’irradiation : paramètres, phénomènes et simulation

Energie seuil de déplacement : avant d'aborder ce paragraphe, il apparaît nécessaire

de faire une mise au point sur l'énergie seuil de déplacement Ed d’atomes d’oxygène et d’uranium dans l’UO2. Le paramètre Ed est défini comme une énergie minimale requise pour déplacer un atome d’uranium ou d’oxygène de son site habituel et pour qu’il n’y retourne pas instantanément. Malgré de nombreux travaux expérimentaux réalisés sur le comportement du dioxyde d'uranium sous irradiation, les énergies seuil de déplacement n'ont jamais été mesurées directement. Il est délicat de déterminer cette énergie, car elle repose sur la mesure de la quantité de défauts produite lors de l’irradiation du matériau par des particules énergétiques (le plus souvent des électrons); de plus, cette énergie varie en fonction de la direction cristallographique sondée [51]. Les premières estimations de Ed ont été réalisées par Soullard [52;53], en irradiant des monocristaux d’UO2 avec des électrons de hautes énergies. Les valeurs trouvées sont 40 eV pour l’atome d’uranium et la valeur de 20 eV a été avancée pour l’oxygène. Les calculs théoriques, réalisés par Meis et Chartier [51] confirment la valeur obtenue sur l’oxygène. Cependant, pour le cas de l’uranium l’énergie calculée est plus élevée et elle est estimée à 50 eV. Il faut noter que les simulations du parcours des ions dans le dioxyde d’uranium à l’aide du logiciel SRIM [54] tiennent compte de l’énergie seuil de déplacement des atomes de la cible. Les mesures d’élargissement Doppler et de temps de vie des positons réalisées par Barthe et al. [55] sur des disques UO2 irradiés avec des électrons de

2,5 MeV, montrent que l’irradiation induit des défauts lacunaires neutres ou négatifs. Ces défauts lacunaires ne sont pas détectés pour des irradiations avec des électrons de 1 MeV. L’énergie transmise maximale lors d’un choc élastique d’un électron de 2,5 MeV sur un atome de U est de 79,5 eV et supérieure à l’énergie seuil de déplacement. Les auteurs concluent que ces défauts sont des monolacunes de U et/ou des complexes impliquant la lacune de U comme des bilacunes et/ou des défauts de Schottky. Un temps de vie de 3073 ps a été identifié comme caractéristique de l’annihilation des positons dans ces défauts lacunaires.

Les défauts primaires : en réacteur, le dioxyde d’uranium est le siège de réactions de

fission, conduisant à la dissipation progressive de l’énergie de liaison du noyau d’uranium

235U sous forme d’énergie cinétique des fragments de fission et de neutrons émis. Une telle dissipation prend également part hors réacteur via la désintégration alpha des actinides mineurs produits lors du fonctionnement du combustible, et consécutivement à l’émission bêta et gamma des noyaux des produits de fission. Ces processus d’endommagement du matériau, dont la nature, fonction du numéro atomique et de l’énergie du projectile, dépend du type de choc particule-atome cible (essentiellement électronique et nucléaire), conduisent au déplacement des atomes de leur positions régulières, et sont susceptibles d’induire des modifications structurales. La prédominance de chaque choc est reliée au dépôt d’énergie par nucléon laissé par l’ion incident.

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 0 1 2 3 4 5 6 (dE/dx)élec (dE/dx)nucl d E /d x ( k e V /n m ) Profondeur (µm) Iode 10 MeV Iode 10 MeV

Figure I.14 : Pouvoirs d’arrêt électronique et nucléaire et ainsi que la zone des cascades

obtenus par calcul SRIM [54] d’ions iode d’énergie 10 MeV dans UO2.

A titre d’exemple (voir Figure I.14) : lorsque un ion iode d’énergie de 10 MeV est projeté sur une cible UO2, il cédera la plupart de son énergie cinétique au début de son parcours par des collisions inélastiques. Ensuite, le pouvoir d’arrêt électronique diminuera au fur et à mesure que l’ion pénètre dans la matière. A la fin de sa trajectoire, le projectile perdra essentiellement son énergie par voie nucléaire.

Lorsqu’il y a collision élastique, un atome de la matrice heurté directement par une particule incidente est communément appelé en anglais PKA (Primary Knock-on Atom, premiers atomes choqués) [56]. Si l'énergie transmise au PKA est inférieure à l'énergie seuil

Le dioxyde d’uranium et son comportement sous irradiation

de déplacement, l'atome cible n'est pas éjecté de sa position d'équilibre. Il retransmet son énergie au réseau sous forme de phonons, en oscillant autour de sa position d'équilibre. En revanche dans le cas où l’énergie est supérieure à Ed, le PKA quitte son site et ainsi une paire de Frenkel sera formée. Le PKA, avec une énergie suffisante, peut à son tour heurter d’autres atomes et créer ainsi ce qu’on désigne par une cascade de collisions (voir Figure I.15). Nous caractérisons ainsi les irradiations par le nombre de dpa (déplacements par atome) de la cible. Cela correspond au nombre de fois qu'un atome à été déplacé de sa position d'équilibre au cours de l'irradiation.

PKA

Figure I.15 : Illustration du phénomène de cascade de déplacement initié par un premier atome choqué (Primary Knock-on Atom).

Des simulations de cascades nucléaires à l’aide de la dynamique moléculaire classique ont été réalisées par Guillaume et al. [16] dans l’objectif d’étudier l’effet de l’énergie des PKA sur la génération de défauts lacunaires (U, O) et la formation des amas de défauts et d’interstitiels. Des cascades ont été générées, à basse température (300 K et 700 K), en accélérant des PKA d’uranium à une énergie cinétique comprise entre 1 keV à 80 keV dans un cristal d’UO2 parfait.

a) b)

Figure I.16 : a) Evolution du nombre total de défauts d'uranium et de l'oxygène en fonction de l'énergie des PKA. b) Evolution de la taille des amas de lacunes et

D’après les auteurs, les résultats de simulations montrent un comportement similaire pour les deux températures étudiées. Le niveau de désordre (voir Figure I.16.a) induit par les irradiations dans le cristal UO2 est proportionnel à l’énergie initiale des PKA supérieure à 5 keV. Cette dépendance linéaire est le résultat de la formation de sub-cascades et elle peut être utilisée dans le but d’extrapoler les résultats de la dynamique moléculaire à des PKA d’énergie plus élevée. La taille des amas de lacunes et d’interstitiels (voir Figure I.16.b) évoluent également d’une façon linéaire en fonction de l'énergie cinétique initiale des PKA, ce qui est en accord avec la littérature. Cette étude de cascades de déplacement montre également que 90 % des atomes déplacés se recombinent.

I.2.2.c.ii. Caractérisation des défauts d’irradiations dans UO2

Depuis plusieurs années, différents auteurs ont caractérisé l’endommagement du dioxyde d’uranium par irradiation. Certaines études ont été effectuées sur des combustibles en-pile, sur des échantillons irradiés dans des réacteurs nucléaires, et d’autres sur des échantillons irradiés grâce aux accélérateurs de particules où les conditions expérimentales (la nature et l’énergie des particules irradiantes, la température d’irradiation, le flux et la fluence totale introduite dans l’échantillon) peuvent être modifiées et contrôlées. Les premières ont permis d’évaluer, dans les conditions réelles de fonctionnement d’un combustible dans un réacteur, et malheureusement sans savoir la contribution de chaque paramètre, l’évolution de la microstructure du matériau à l’échelle macroscopique. Mais ce sont surtout les implantations d’ions à l’échelle du laboratoire qui offrent des informations les plus pointues. En effet, grâce à ces accélérateurs d’ions nous avons la possibilité d’étudier séparément l’effet de chaque particule (ions lourds, particules alpha, neutrons, électrons) en fonction des conditions d’expériences. En ce qui concernent les produits de fission les gaz (Xe, Kr,…) ont été largement étudiés.

a) b) c) d)

Figure I.17 : Images de microscopie électronique à balayage réalisées sur des combustibles irradiés : a) 23 GWd/t, b) 44 GWd/t, c) 83 GWd/t, d) La structure RIM [65].

Les études par microscopie électronique à balayage et à transmission [57;58;59;60] sur les combustibles usés ont permis d’observer l’évolution microstructurale du matériau et de constater la précipitation des gaz de fission sous forme de bulles. Les observations faites par certains auteurs montrent que la taille de ces bulles dépend essentiellement du taux de combustion comme le montre la Figure I.17.a, b et c. Un combustible irradié à plus de 45

Le dioxyde d’uranium et son comportement sous irradiation

GWd/t mène à la formation du phénomène de la structure RIM (voir Figure I.17.d). D’après plusieurs auteurs [61;62;63,64] ce phénomène est attribué à la subdivision des grains et non à l’amorphisation de l’UO2. L’évolution de la microstructure se traduit par la variation du paramètre de maille et la génération des contraintes dans le réseau cristallin, comme l'illustre la Figure I.18.

UO2-sc

this study Evron et al. Noe & Fuger, Chikalla et Turcotte Weber fit (this study)

10-6 10-5 10-4 10-3 10-2 10-1 100 101 102 103 0.0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1.0 239 PuO2 pc. irr. UO2 pc. irr. a/ a 0 , % UO-10 UU233 MOX40 UO-01 dpa RTG1 T4 238 PuO2 238 PuO2 U2 UO2 sc. irr. a/a0 = 0.632 (1 - e-2.5 dpa)

Figure I.18 : Evolution du paramètre de maille de du dioxyde d’uranium en fonction de dpa [66].

A l’échelle du laboratoire, les mesures d’élargissement Doppler et de temps de vie des positons, réalisées par Labrim et al. [50;67;68;69] ont permis d’étudier l’endommagement induit dans des disques UO2 par des électrons de 2,5 MeV, des particules  de 45 MeV et ainsi que des ions 3He de 1 MeV. Ces mesures montrent que l’irradiation génère des défauts lacunaires neutres ou négatifs. Ces défauts sont des monolacunes d’uranium et/ou des complexes impliquant la lacune d’uranium comme les bilacunes et/ou des défauts de Schottky. Le temps de vie caractéristique de ces défauts est de 3073 ps quelque soient les particules incidentes et la fluence d’irradiation. En revanche, les expériences montrent que la concentration de ces défauts augmente en fonction de la fluence d’irradiation ou d’implantation.