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3. LA SOUFFRANCE A L’ECOLE

3.3. Psychodynamique des difficultés scolaires :

3.3.2. Le décrochage scolaire :

Le décrochage scolaire est pour sa part un phénomène qui touche de nombreux adolescents, les amenant, sans raisons particulières apparentes, à sortir du circuit scolaire. Il est présent dans de très nombreux pays, posant problème internationalement, tel que l’illustre l’extrait suivant : « Le décrochage scolaire n’est pas un phénomène lié à un seul pays ou à

une seule organisation scolaire. Il constitue une inquiétude importante autant dans les pays développés que dans les pays émergents ou en développement » (Blaya, 2010). De

nombreuses démarches politiques au niveau des systèmes éducatifs sont tentées afin de trouver des solutions pour endiguer le phénomène, qui attire l’attention des gouvernements par son caractère récurrent. En France, une définition du décrochage scolaire a été élaborée au sein du ministère de l’Education Nationale : « le ministère de l’éducation français, définit le

décrochage scolaire comme la sortie anticipée ou sans qualification du système éducatif. On distingue ainsi la population des moins de 16 ans qui, s’ils quittent le système prématurément, sont en infraction quant à l’obligation scolaire, et ceux de plus de 16 ans qui conformément à la loi française ne sont plus contraints de fréquenter l’école » (Blaya, 2010). Le phénomène interpelle en ce qu’il est significatif d’une problématique de crise sociale et éducative, sans recours possibles : « l’absentéisme est le symptôme le plus aigu de la crise de l’école. Il

montre que, pour beaucoup d’élèves, l’école n’a guère de sens. Ils ne perçoivent pas le contenu intellectuel des études car ils ont le sentiment d’être plus actifs et plus mobilisés hors de l’école. Celle-ci est aussi confrontée à un mécanisme d’inflation des diplômes qui, conjugué au chômage, fait que l’utilité sociale de certaines formations semble dérisoire »

(Dubet, in Huerre 2006). Il interpelle d’autant plus que les « décrocheurs » se retrouvent sans diplômes, sans qualifications, dans une société conformiste où pour tout emploi un diplôme est aujourd’hui recquis : « l’absence de qualification est devenue anormale au fur à mesure

qu’elle représentait un handicap pour l’insertion, notamment au cours des années 1980 où le taux de chômage des jeunes non diplômés a atteint des chiffres très élevés » (Catheline,

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critique radicale et sans retour possible de l’Ecole, de ses normes et de son fonctionnement: « Un enseignant est moins contesté par l’agressivité de ses élèves que par leur absence ».

Différentes causes sont identifiées au travers de la littérature traitant de la problématique du décrochage scolaire ; notamment à un niveau individuel, des difficultés d’apprentissage importantes et installées de longue date : « la sortie sans qualification est

presque toujours l’aboutissement de difficultés scolaires survenues très tôt dans la scolarité primaire […] dans la majorité des cas, la rupture avec la scolarité standard a été consommée dès le début de la scolarité primaire et les difficultés d’apprentissage se sont durcies, aboutissant à un échec permanent » (Catheline, 2012). Toujours à un niveau individuel on

trouve également des cause d’ordre psychopathologique telle que la dépression : « il n’est pas

toujours évident de reconnaître certaines formes larvées et qui peuvent passer totalement inaperçues et aboutir, sans que personne n’y ait pris garde, à une rupture scolaire brutale.

[…] en fait, il existe toujours un lien avec la dépression que celle-ci soit antérieure à la

décision et qu’elle soit passée inaperçue, ou bien qu’elle inaugure une dépression en train de se constituer. Lorsque cette dimension peut être reconnue par le sujet, la reprise de scolarité est alors possible » (Catheline, 2012).

Parmi les facteurs de risques recensés on compte également le facteur familial, avec un impact de la classe sociale : « La situation familiale pèse aussi sur le risque de sorties sans

qualification. Le risque de connaître un tel destin est quasi inexistant parmi les enfants d’enseignants et reste très faible dans les familles de cadres et des chefs d’entreprise. Il s’amplifie au fur et à mesure qu’on descend l’échelle sociale » (Catheline, 2012).

Cependant, ces facteurs apparaissent remis en question par certains auteurs tels que Blaya (2010), pour qui il n’est pas possible de négliger la part de responsabilité conjointe du système scolaire lui-même : « La responsabilité du décrochage scolaire est souvent attribuée

à des problèmes de déficiences parentales. Parfois également elle se naturalise dans une vision du jeune paresseux, sans force et sans mérite pour les apprentissages scolaires. Ces deux visions sont pour nous autant de simplismes qui dédouanent le milieu scolaire de toute influence dans la construction de ce décrochage ». Pour l’auteur, outre les facteurs

individuels (troubles du comportement, dépression, délinquance) et familiaux (niveau social), le facteur scolaire tiendrait une place centrale dans la problématique du décrochage ; notamment au travers du climat scolaire : « d’autres travaux, dont ceux sur le climat scolaire,

indiquent que le milieu scolaire joue aussi un rôle important et peut amener des élèves à décrocher, notamment lorsqu’ils sont victimes de maltraitance de la part de leur pairs » ;

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mais également au travers de la notion d’ennui : « L’ennui est souvent invoqué par les jeunes

que nous avons rencontré afin d’expliquer les raisons de leur absentéisme ou de leur manque d’intérêt. Ennui dû à la structure scolaire (environnement et rythme scolaire), à une orientation subie et mal vécue, à des difficultés de compréhension, à des relations élèves/enseignants difficiles voire conflictuelles » ; ou encore au travers de la relation

élève/professeur où les attentes des élèves à l’égard de leurs enseignants pèsent sur la façon dont la scolarité sera investie : « l’enseignant demeure un personnage très investi par l’enfant

et l’adolescent, comme en témoigne le nombre toujours très important de jeunes désireux d’embrasser cette carrière et ce malgré les critiques faites à l’éducation nationale »

(Catheline, 2012). Ces attentes sont autant d’ordre pédagogique qu’affectives ; et notamment : « elles sont très importantes et demeurent tout au long de la scolarité, même si les attentes

diffèrent : en primaire, l’enfant aura tendance à rechercher une qualité relationnelle proche de celle de ses parents, alors que l’adolescent, collégien puis lycéen, appréciera d’être reconnu dans sa singularité, dans ses capacités de jugement naissantes » (Catheline, 2012).

Ainsi, pour Blaya (2010) : « on sait que les jugements émis par les enseignants, que ce soit

par écrit ou à l’oral, contribuent à la construction d’un statut scolaire tant d’un point de vue académique que social […] le sentiment de manque de soutien de la part des enseignants influence de façon négative la motivation, le niveau d’efforts fournis par les élèves et par conséquent leurs résultats scolaires ».