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Chapitre II – Les antigènes érythrocytaires du chat

1. Découverte du système AB chez le chat

1.1. Définition générale

Les groupes sanguins sont définis par des déterminants antigéniques exprimés à la surface des globules rouges, généralement des carbohydrates portés par des glycoprotéines ou des glycolipides, et qui possèdent des fonctions indépendantes de leur statut antigénique. Les antigènes des groupes sanguins sont des allo-antigènes, c’est-à-dire des marqueurs du « soi » qui sont exprimés par un groupe d’individus au sein d’une même espèce. Contrairement aux antigènes d’un agent pathogène qui conduisent au développement d’une réponse immunitaire chez tous les individus exposés, les allo-antigènes peuvent induire une réponse immunitaire uniquement chez les individus de l’espèce qui ne les expriment pas. Ces réactions immunitaires sont généralement liées à la production d’anticorps et ont mené à la découverte des groupes sanguins, aussi bien en médecine humaine qu’en médecine vétérinaire.108

Un système de groupes sanguins se définit par des antigènes érythrocytaires qui sont produits par différents allèles d’un même gène ou de gènes étroitement liés. Lorsqu’il existe plusieurs systèmes de groupe sanguin dans une espèce donnée, ils sont génétiquement indépendants.108 Contrairement à

d’autres espèces, comme le chien, le cochon, le mouton, la vache ou le cheval, qui possèdent de nombreux systèmes de groupes sanguins, un seul système est actuellement défini chez le chat : le système AB qui comprend les groupes A, B et AB (parfois appelé C).

1.2. Histoire du système AB

La découverte du système AB remonte au début du 20ème siècle. En 1912 dans la région de New-York,

Ingebrigsten démontre l’existence d’isoagglutinines sériques qui réagissent avec les globules rouges chez deux chats (sur une population de 40).109 En 1915, de nouveau dans la région de New-York, Ottenberg et

Thalhimer confirment la présence d’isoagglutinines et démontrent l’existence de réactions transfusionnelles chez le chat.110

En 1950, Holmes définit pour la première fois un système de groupes sanguins chez le chat en étudiant 447 chats de la région de Manchester (Angleterre). Il décrit un groupe "EF" présentant un « isoagglutinogène » à la surface des globules rouges, qui représente 97 % de la population étudiée, et un groupe "O" ne présentant pas l’ «isoagglutinogène » mais ayant l’isoagglutinine correspondante et qui

représente 3 % de la population.111 En 1953, Holmes ajoute au système précédent un troisième groupe

appelé « F », avec 95 % des chats de groupe « EF », 4 % des chats de groupe « O » et 1 % des chats de groupe « F », sur une population de 103 chats.112

La nomenclature actuelle du système AB est définie un peu plus tard, en 1962. Les groupes A et B correspondent aux groupes décrits précédemment par Holmes : A étant le groupe "EF" et B étant le groupe "O". À ce moment, aucun chat de groupe AB n’était observé dans une population de 350 chats en France.113

En 1981, l’existence des groupes A et B est confirmée et le groupe AB (ancien groupe « F ») est identifié dans une population de 1895 chats de la région de Brisbane en Australie. Cette étude montre également que le système AB du chat est parfaitement indépendant du système ABO de l’humain, et que les antigènes A et B félins sont détectables chez le fœtus à partir du 38ème jour de gestation. Des croisements de chats

de groupe sanguin connu ont également été réalisés et, bien que les données étaient insuffisantes pour conclure définitivement sur le mode de transmission des groupes sanguins, il apparaissait déjà que deux allèles du même gène existaient, codant pour les antigènes A et B. L’allèle A semblait dominant par rapport à l’allèle B. Une codominance des allèles A et B était exclue puisque le croisement d’individus de groupe A avec des individus de groupe B n’avait donné aucun descendant de groupe AB.114

1.3. Hérédité dans le système AB

1.3.1. Mode de transmission des groupes A et B

Suite aux travaux de 1981, une analyse d’un plus grand nombre de pedigrees de chats de différentes races a été conduite afin de confirmer le mode de transmission des groupes sanguins du système AB. Les pedigrees d’une famille d’Abyssin et d’une famille de Birman montraient les résultats suivants (figure 8) :115

- Le croisement de deux individus de groupe B donne uniquement des descendants de groupe B - Le croisement de deux individus de groupe A donne des descendants de groupe A et de groupe B - Le croisement d’un individu A avec un individu B donne des descendants de groupe A en majorité

et quelques descendants de groupe B (21.5 % sur 311 descendants)

Figure 8 - Pedigree de deux familles de chats

Ces résultats sont en faveur d’une hérédité monogénique ou mendélienne, c’est-à-dire que les groupes A et B sont liés à deux allèles situés sur le même locus. L’allèle b est récessif par rapport à l’allèle A, c’est-à- dire que les individus de groupe B sont homozygotes bb tandis que les individus de groupe A sont soit homozygotes AA, soit hétérozygotes Ab.115

1.3.2. Cas du groupe AB

Pendant longtemps le mode de transmission du groupe AB est resté hypothétique. Les observations obtenues de différentes études de pedigree montraient que le groupe AB était détecté uniquement chez les races dans lesquelles le groupe B était présent. Les chats AB étaient produits suite à un accouplement de chats AB avec des chats B ; le croisement d’un chat AB avec un chat A ne donnant que des descendants

(A) une famille d’Abyssin; (B) une famille de Birman; d’après115; © 1991 The American Genetic

de groupe A.114 , 115 , 116 Ces observations avaient conduit à l’hypothèse de l’existence d’une troisième

version allélique du même gène avec un allèle AB récessif par rapport à l’allèle A et dominant par rapport à l’allèle b.116

En 2007, cette hypothèse a été confirmée grâce à l’identification d'une mutation caractérisant l’allèle AB (aab). Le mode de transmission des groupes sanguins félins a ainsi pu être établi.117 (voir le paragraphe 3

pour plus de détails)