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Chapitre II – Les antigènes érythrocytaires du chat

3. Caractéristiques biologiques du système AB

3.2. Bases génétiques du système AB

Dans cette partie, le terme phénotype fera référence au groupe sanguin d’un individu.

3.2.1. Découverte du polymorphisme du gène de la CMAH

En 2007, l’analyse des séquences génomiques de la CMAH a été menée chez huit chats de groupes sanguins différents. Cette analyse a permis d’identifier plusieurs mutations dont deux mutations en amont du codon de démarrage (-217G>A et -371C>T), un indel de 18 paires de bases en position 53 (Δ-53) dans

la région non codante 5’ UTR (Untranslated Region) de l’exon 1, et trois mutations faux sens dans la région codante (exon 2 : 139G>A, exon 3 : 265T>A et exon 13 : 1600G>A). Ces six mutations formaient des haplotypes (combinaison de polymorphismes sur le même brin d’ADN qui ont tendance à être hérités ensemble) concordant avec les phénotypes A et B (tableau 12).117

Mutations caractérisant les haplotypes A et B

Région du gène Position de la mutation Haplotype du phénotype A Haplotype du phénotype B 5’ UTR 217 A G 371 C T

53 Indel non présent Indel présent

Exon 2 142 G A

Exon 3 268 T A

Exon 13 1603 G A

Toutes les mutations sont présentées avec les abréviations des nucléotides (A = adénine, C = cytosine, G = guanine, T = thymidine) – la numérotation des mutations est présentée avec la mise à jour de 2016.

Les chats de phénotype B étaient homozygotes (bb) pour les six mutations tandis que les chats de phénotype A ne présentaient pas les mutations (homozygote AA) ou étaient hétérozygotes et porteurs de l’allèle b (Ab). Les chats de phénotype AB n’étaient jamais homozygotes pour les six mutations; ils étaient homozygotes (AA) ou hétérozygotes (Ab), exactement comme les chats de phénotype A. Le phénotype AB ne pouvait donc pas être différencié génotypiquement du phénotype A selon les résultats de cette étude. Les analyses d’ADN complémentaires laissaient suspecter que les mutations identifiées pouvaient conduire à une altération de la structure et de la fonction de la CMAH.117 Il est important de noter que,

dans cette étude de 2007, la numérotation originale des nucléotides de la région codante était mal-alignée de trois paires de bases. Les positions des différentes mutations présentées ci-dessus ont donc été mises à jour à partir de 2016. Par exemple, la mutation originale 139G>A est en réalité en position 142 (142G>A).164, 166

3.2.2. Identification de nouvelles mutations

Par la suite, d’autres mutations dans le gène de la CMAH ont été identifiées. Par exemple, la mutation 327A>C a été identifiée chez les chats de phénotype B.166 Une autre étude a identifié 19 mutations, dont

quatre jamais rapportées auparavant, réparties dans tous les exons du gène de la CMAH, exceptés les exons 1a, 5, 6, 7, 8 et 15.164 Parmi ces quatre nouvelles mutations, la mutation 179G>T a été associée à

l’allèle b, notamment chez l’Angora Turc et le Turc de Van.167 Un total de 13 nouvelles mutations ont été

En 2016, une étude d’association pangénomique menée chez 37 chats de race Ragdoll (22 chats de phénotype AB et 15 chats contrôle de phénotype A ou B) a permis de détecter la mutation 364C>T dans l’exon 4 du gène de la CMAH chez les Ragdolls AB. Cette mutation entraîne une substitution de l’acide aminé proline en sérine très probablement à l’origine d’une diminution de l’activité de la CMAH. Suite à une analyse génomique menée chez 280 chats de groupe sanguin connu, la mutation 364C>T a été retrouvée chez 89 des 115 chats AB et a été fortement associée au phénotype AB chez les Ragdolls.166

Cette mutation 364C>T a également été trouvée chez d’autres races comme le Bengal, le Maine Coon, le Scottish Fold et le British Shorthair.168 Cette mutation n’a par contre pas été identifiée chez des Devon Rex

de phénotype AB, laissant supposer l’existence d’autres mutations à l’origine de ce phénotype.166

Au fur et à mesure de la découverte de nouvelles mutations, la meilleure association de mutations a été recherchée afin d’offrir un test génétique capable de prédire avec précision le phénotype des chats.

3.2.3. Tests génétiques

Plusieurs laboratoires proposent un test génétique basé sur la recherche des mutations 142G>A (ancien 139G>A) et Δ-53 à l’origine de l’allèle b. Ces tests sont réalisés à partir d’un écouvillon de salive par : Genomia Genetic Laboratory (République Tchèque), VetoGene (Milan), Langford Veterinary Services (Royaume-Uni), et Veterinary Genetics Laboratory (Davis, USA).

Dans une étude de 2014, ce test de génotypage associé à une autre PCR ciblant une mutation rare située dans l’exon 2 (136C>T qui devient 139C>T à partir de 2016) a été réalisé chez 112 chats de phénotype connu. Les résultats du génotypage étaient en accord avec le phénotype chez 96 % des chats. Cinq chats de phénotype B présentaient un génotype discordant (soit Ab soit AA). Si la mutation 136C>T n’avait pas été incluse dans le génotypage, cinq chats supplémentaires auraient été incorrectement génotypés dont quatre chats de génotype bb qui auraient été génotypés Ab et donc classés en phénotype A ou AB. Les principales limites de ce test génétique étaient les erreurs de génotypages secondaires à l’existence de mutations non identifiées et non testées, et, bien sûr, l’impossibilité de différencier un phénotype A d’un phénotype AB.122

Suite à la découverte de nombreuses autres mutations dans le gène de la CMAH, une étude de 2018 a utilisé le logiciel PROVEAN (Protein Variation Effect Analyzer) afin d’identifier les mutations ayant un réel impact sur la fonction enzymatique de la CMAH et ainsi mieux cibler les mutations à tester. Cette étude a trouvé que la mutation 142G>A, précédemment utilisée pour le test génétique, conduisait en réalité à un changement neutre sur la fonction enzymatique de la CMAH et ne pouvait donc pas être associée

principalement à l’origine du défaut de l’activité de la CMAH et étaient associées à l’allèle b chez les chats domestiques et de race.167

En utilisant ce panel 179G>T, 268T>A, 1322delT associé à la mutation 364C>T rapportée chez les chats AB, une corrélation presque parfaite génotype-phénotype a été trouvée chez 421 chats (99 %) et 37 chats (100 %).167, 168 L’intérêt de ce nouveau panel de mutations comparativement à l’ancien panel comprenant les

mutations 142G>A et Δ-53 a été étudié chez 2145 chats de 31 races différentes. En utilisant l’ancien panel

de mutations, 105 chats (5 %) ne pouvaient être assignés à un phénotype alors que tous les chats étaient attribués à un phénotype avec le nouveau panel. Le nouveau panel (179G>T, 268T>A, 364C>T et 1322delT) est donc supérieur à l’ancien panel (142G>A et Δ-53) car il permet la détection des génotypes aab/aab, aab/b et b/b liés aux mutations homozygotes 179G>T et 1322delT, ou aux mutations hétérozygotes 268T>A (tableau 13).168 Ce panel est disponible via le laboratoire Laboklin (Allemagne).

Combinaison de génotypes et de phénotypes prédits en fonction des mutations identifiées par le nouveau panel de PCR

* : un allèle avec une délétion; ** : deux allèles avec une délétion

Génotype c.179G>T c.268T>A c.364C>T c.1322delT Phénotype

A/A GG TT CC TT A A/b GG TA CC TT GT TT CC TT GG TT CC T* A/aab GG TT CT TT aab/b GG TA CT TT AB GG TT CT T* GT TT CT TT aab/aab GG TT TT TT b/b GG AA CC TT B TT TT CC TT GG TT CC ** GT TA CC TT GG TA CC T*

Bien que les tests génétiques ne puissent pas remplacer les tests immuno-hématologiques en pratique courante, le nouveau panel de génotypage représente une étape supplémentaire pour s’assurer de la compatibilité sanguine; et également un outil pour les éleveurs souhaitant identifier les chats porteurs de l’allèle b. Ces tests génétiques pourraient aussi être utilisés chez les chats montrant des résultats incohérents aux tests de groupage immuno-hématologiques. Il est à noter que de nouvelles mutations pourraient encore être découvertes dans d’autres races et d’autres régions géographiques.