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Déconstruire la représentation unidimensionnelle des femmes dans les médias

médias dans la foulée de l’ouvrage de Betty Friedan, La Femme mystifiée. Cette critique porte non seulement sur l’écart qui sépare les journalistes masculins et féminins en termes quantitatifs, mais aussi sur le fait que les femmes sont souvent représentées d’une façon réductrice et stéréotypée5

. Analyser Le Devoir en s’attardant aux discours qui y sont édifiés sur les femmes se révèle fascinant puisque le quotidien cherche à rompre avec une vision essentialiste de « la » femme en véhiculant diverses représentations de celles-ci. Afin de soutenir cette entreprise, Solange Chalvin n’hésite pas à publier plusieurs articles ne provenant pas nécessairement de journalistes du Devoir qui s’attaquent à la persistance des médias à présenter une vision stéréotypée des femmes.

Par exemple, dans la Chronique de la Fédération des femmes du Québec (FFQ), Solange Chalvin publie un billet sur un rassemblement d’une centaine de femmes réunies à Montréal pour rédiger un mémoire sur la participation des femmes à la vie civique à l’intention de la Comission Bird. Résumant les principaux points qui ont retenu son attention, Chalvin souligne notamment que les rédactrices du mémoire déplorent le fait que les médias présentent souvent « une image puérile et idiote des femmes », surtout dans les publicités. Ce qu’elles souhaitent, c’est que soient présentées des images de « vraies » femmes, féminines et responsables6

. La même année, dans un article au titre

4 Voir notamment à cet effet : Betty Friedan, La femme mystifiée, cité dans Le Collectif Clio, 1992, p. 414.

5 Laeticia Biscarrat, op cit., p. 3.

6 Solange Chalvin, « Les femmes veulent participer à la vie sociale et politique du pays », Le Devoir, 29 avril 1968, p. 11.

évocateur « Les femmes ne sont plus des chéries à têtes d’oiseau », paru dans la page féminine, Renée Rowan qui rapporte les propos de quatre membres du comité féminin du NPD, affirme qu’il y a un lien à faire entre la condition des femmes dans la société et l’attention médiatique que celles-ci reçoivent. Le but de l’article est de couvrir le dépôt d’un mémoire devant la commission portant sur l’éducation au Canada, mémoire qui recommande d’encourager les femmes à s’engager en politique. Pour cela, des changements doivent toutefois avoir lieu, estime le mémoire, puisque les femmes ne sont pas bien perçues dans l’espace public. Rowan, en paraphrasant le mémoire, en fournit un exemple pertinent en relevant le rôle qu’ont les médias dans cette perception négative:

Comment voulez-vous que les femmes se prennent et soient prises au sérieux […] quand à la télévision et dans tous les médiums de publicité on s’acharne à les présenter comme de gentilles petites chéries à la cervelle d’oiseau qui ne savent même pas faire un chèque ou balancer le livre de banque de la famille ? L’égalité des sexes ne réside pas seulement dans les textes de loi, mais aussi dans le changement de mentalité et d’attitudes de la société7.

Dans le même ordre d’idée, un article non signé, paru dans la page féminine du l0 avril 1970, condamne les magazines féminins en Grande-Bretagne qui continuent de véhiculer l’unique image de la « femme au foyer » malgré qu’il soit incontestable que les femmes se préoccupent d’autres choses que des questions domestiques8

. Selon l’article, cela résulte d’une logique capitaliste puisque la promotion de l’image de la ménagère est la seule « qui soit en faveur auprès des annonceurs9

». Afin d’illustrer les importantes conséquences sur la société de cette tendance des magazines féminins à propager exclusivement une image de la « bonne petite femme », l’auteur.e de l’article cite Cynthia White qui affirme que les revues féminines sont « la force de plus en plus puissante de la nation en ce qui concerne leur influence sur les femmes10

». En raison de la dimension sociale des revues et de l’influence qu’elles exercent sur les femmes, elles parviennent à

7 Renée Rowan, «Les femmes ne sont plus des petites chéries à cervelle d’oiseau », Le Devoir, 4 octobre 1968, p. 11.

8 La page féminine du Devoir, notamment par un article soutenant que les femmes sont intéressées par l’actualité, illustre que celles-ci ne sont pas que préoccupées par les sujets domestiques. Voir « Les femmes sont passionnées d’actualité », Le Devoir, 11 août 1965, p. 9.

9 « Les annonceurs continuent à promouvoir l’image de la « femme au foyer », Le Devoir, 10 avril 1970, p. 11.

propager des standards difficilement atteignables par les femmes qui se sentent pourtant contraintes d’essayer de s’y conformer pour bien remplir leur rôle de femme.

Comme le montrent ces quelques exemples, les journalistes de la page féminine du Devoir publient plusieurs articles condamnant les médias féminins qui ne présentent qu’une vision stéréotypée des femmes, c’est-à-dire celle de la femme au foyer qui ne s’intéresse à rien d’autre qu’aux questions domestiques. Nous pouvons présumer que la page féminine peut se soustraire à cette obligation dans une certaine mesure. Pour les journalistes du Devoir, traiter de beauté, de consommation ou de mode n’est pas en soi le problème des médias féminins ; ce qui pose problème, c’est le fait de ne traiter que de ces thématiques, participant du même coup à la construction d’une vision stéréotypée des femmes dans leur page.

3.1.1.1. « La » femme moderne et libérée

En débutant notre étude sur Le Devoir, nous avions certaines préconceptions relativement à la construction discursive des femmes dans le journal et particulièrement dans la page féminine. Nous pensions, à l’image de ce que l’historiographie colportait, y découvrir des articles de femmes tenant des discours traditionnels, préoccupées par la cuisine, la mode ou la consommation. Toutefois, le contenu des articles que nous avons dépouillés, en considérant le contexte dans lequel ils parurent, nous a surpris en regard des représentations des femmes qu’ils donnaient à voir.

C’est en premier lieu l’utilisation de l’expression « femme moderne »11

qui a attiré notre attention puisque celle-ci revient à vingt-sept reprises, au minimum12

, dans le

11 Le terme moderne est large et revêt plusieurs usages. Il nous semblait donc obligatoire de définir ce que l’expression signifie lorsque nous la retrouvons dans les articles dépouillés du Devoir. Dans un article, Jean-Philippe Warren propose de sortir des confusions terminologiques qui l’entourent en élaborant une typologie de la modernité au Québec. La lecture de cet article nous amène à considérer que le mot moderne, tel qu’il est présent dans les articles analysés prend le sens de « l’inédit, le neuf. […] le maintenant, l’actuel, du jamais vu. » Voir Jean-Philippe Warren, « Petite typologie philologique du « moderne » au Québec (1850-1950). Moderne, modernisation, modernisme, modernité », Recherches sociographiques, XLVI, no.3, 2005, p. 495-525.

12 Comme nous l’avons affirmé dans le premier chapitre, devant l’ampleur de notre corpus assemblé, nous avons procédé à une analyse de contenu pour certains articles seulement. Il est à peu près certain que

corpus analysé. Comme en témoigne l’ouvrage d’Yvan Lamonde, La modernité au

Québec. La victoire différée du présent sur le passé (1939-1965), l’histoire de la

modernité au Québec est majoritairement conjuguée au masculin13

. Or, dans l’après- guerre, les nombreuses revendications sociales et politiques des femmes, la multiplication des lieux où elles peuvent les exprimer, notamment dans les médias, sont autant de raisons qui font qu’elles sont aussi actrices de cette dynamique de changement14

. La période des années 1960 et 1970 est également particulière puisqu’elle s’inscrit dans le contexte de la Révolution tranquille. Cela explique certainement, en partie du moins, pourquoi cette impression de quête de la nouveauté, de l’innovation et de la modernité se ressent fortement en lisant le journal entre 1965 et 1975 et plus particulièrement dans la page féminine quand celle-ci existe toujours15

. En effet, plusieurs articles parus dans la page féminine visent à présenter cette « nouvelle » femme dont les représentations coexistent toutefois avec celles de « la » femme traditionnelle.

d’autres articles qui n’ont pas fait l’objet d’une analyse exhaustive comprennent l’expression femme moderne.

13 Yvan Lamonde. La modernité au Québec. La victoire différée du présent sur le passé (1939-1965), Montréal, Fides, 2016, p. 347.

14 Denyse Baillargeon, Brève histoire des femmes au Québec, Boréal, Montréal, 2012, p. 181-182.

15 Le mot moderne est effectivement très présent dans le journal. S’il est surtout employé pour qualifier les femmes, nous le retrouvons aussi avec les mots travail, famille, homme et société dans les articles analysés.

Figure 8. Publicité de l’Institut de Sténotypie International16 qui paraît dans la page féminine du Devoir en 1970.

La femme moderne que nous présente Le Devoir est en premier lieu, et principalement, celle qui travaille comme l’atteste la publicité ci-dessus. Il y a effectivement une attention marquée portée à celles qui occupent une profession en dehors du foyer. Si plusieurs historiennes soutiennent que les femmes qui occupent un emploi n’est pas un phénomène nouveau de la seconde moitié du XXe

siècle, c’est à partir de cette période que les femmes mariées investissent de façon croissante et marquée le marché du travail17

. Cela explique pourquoi les femmes de plus en plus nombreuses à travailler apparaissent comme étant modernes, c’est-à-dire de leur temps, si l’on se réfère à la typologie de Jean-Philippe Warren présentée précédemment.

16 Le Devoir, 17 mars 1970, p. 13.

À titre d’exemple, le 6 avril 1967, Solange Chalvin signe deux articles portant sur la participation des femmes au marché du travail dans la page féminine18

. Dans ceux-ci, la journaliste soutient que le monde moderne s’ouvre de plus en plus aux femmes qui travaillent en dehors du foyer. Dans ces articles, le travail revêt une valeur positive puisque selon la journaliste, il permet aux femmes de recevoir un salaire et de s’épanouir. La page féminine devient une tribune importante pour les femmes qui occupent des emplois comme nous le verrons plus loin dans le chapitre.

Il est important de préciser que cette femme moderne présentée dans plusieurs articles du Devoir travaille, certes, mais parvient à concilier ses occupations professionnelles à son rôle de mère. Ce nouveau modèle de femme ne concerne pas uniquement les femmes québécoises dont parle Le Devoir puisqu’il fait écho aux propos d’Isabelle Giraud qui affirme qu’en France, la femme moderne correspond à la construction identitaire d’une femme qui concilie travail et famille19

. Dans un article paru le 1er septembre 1970, Renée Rowan présente Thérèse Lavoie-Roux, une travailleuse sociale nouvellement nommée à la présidence de la Commission des Écoles Catholiques de Montréal (CECM). Le titre de l’article « Une travailleuse sociale doublée d’une mère de famille : Thérèse Lavoie-Roux20

» atteste l’importance accordée à la conjugaison de leur rôle maternel et professionnel dès lors qu’il s’agit des femmes. Selon les propos de Mme Lavoie-Roux rapportés par Rowan, ce serait d’ailleurs en raison de son rôle de mère qu’elle a reçu cette promotion, étant « directement impliquée dans toutes ces questions d’éducation21

». Ainsi, c’est non seulement parce qu’elle est mère que la femme moderne saura « intégrer le monde moderne », mais aussi en raison de ses qualités, ses propres armes, différentes de celles des hommes. C’est justement parce qu’elle ne copie

18 Solange Chalvin, « La participation des femmes au marché du travail », Le Devoir, 6 avril 1967, p. 9 et Solange Chalvin, « Non, les femmes ne travaillent pas par caprice mais par besoin économique », Le Devoir, 6 avril 1967, p. 9.

19 Isabelle Giraud « Comment opérationnaliser le concept de citoyenneté dans les recherches empiriques sur les politiques de genre », dans Manon Tremblay et al. Genre, citoyenneté et représentation, Presses de l’Université Laval, Québec, 2007, p. 94

20 Renée Rowan, « Une travailleuse sociale doublée d’une mère de famille : Thérèse Lavoie-Roux », Le

Devoir, 1er septembre 1970, p. 9.

pas l’homme, mais apporte autre chose que ce dernier. Cette « femme moderne, instruite, forte, est devenue l’égale de l’homme22

».

3.1.1.2. « La » femme traditionnelle

Il est intéressant de remarquer que la figure de « la » femme moderne se construit fortement en opposition à « la » femme traditionnelle, qui ne travaille pas et qui est peu préoccupée par les changements qui prennent d’assaut la société. C’est d’ailleurs majoritairement en analysant la représentation de la première figure que nous arrivons à cerner les contours de ce que signifie être une femme « traditionnelle », puisque celle-ci est très peu présente dans la page féminine. S’il est manifeste que les représentations de cette femme moderne prennent le pas sur les représentations plus traditionnelles des femmes dans Le Devoir, principalement dans la page féminine, soulignons que cette figure ne fait pas pour autant consensus. Certains articles, diffusés principalement dans la page féminine, témoignent d’une certaine méfiance face aux nouvelles opportunités qui s’offrent aux femmes. Parmi les articles dépouillés, ce sont surtout ceux qui sont signés par la journaliste Germaine Bernier qui se fait le porte-étendard de cette représentation. Dans un article paru le 14 juin 1965 et qui fait nettement allusion au livre de Betty Friedan, cette dernière affirme qu’il est important de ne pas oublier que certaines femmes sont très contentes de leur sort dans la société même si plusieurs auteurs d’articles et d’ouvrages soutiennent que le sort de « la » femme en 1965 est loin d’être enviable23

.

Si Bernier, journaliste au Devoir depuis les années 1930, témoigne d’une certaine opposition aux changements en cours concernant les femmes et leur rôle dans la société, une lettre parue dans Le Devoir permet de constater que le travail des femmes ne fait pas non plus consensus au sein de son lectorat féminin. L’auteure, Mme Claire Campbell, rétorque à l’article de Solange Chalvin « Non, les femmes ne travaillent pas par caprice mais par besoin économique », par une lettre intitulée « Les femmes ne travaillent pas par

22 Renée Rowan, « Non plus à part, mais près de l’homme, la femme doit être partout, avec le même bagage », Le Devoir, 11 août 1967, p. 9.

23 Germaine Bernier, « Des femmes que le malaise sans nom ne rejoint pas », Le Devoir, 14 juin 1965, p. 11.

caprice » que nous avons citée précédemment. Elle amorce d’abord sa lettre par une citation (dont la provenance n’est pas indiquée) qui illustre que les femmes se réalisent au travail : « Les femmes modernes sont submergées par leur mari et anéanties par leurs enfants. Quand elles vont travailler, elles deviennent radieuses. Enfin, elles prennent part à la vie24

». En poursuivant la lecture, nous pouvons rapidement remarquer que la citation en introduction se veut ironique puisque l’auteure rapporte par la suite des exemples de femmes qui travaillent simplement pour se payer du luxe ou encore parce qu’elles manquent de contacts humains à la maison. Ainsi, conclut-elle, « un grand nombre de femmes travaillent parce qu’elles sont égoïstes»25

. Cette lettre, comme quelques autres, constitue donc une critique de la femme dite moderne, préoccupée davantage par son bonheur et les produits de luxe que par sa famille.

La présence, dans la page féminine du Devoir, de sujets traditionnellement traités dans les médias féminins comme la mode, la consommation ou encore la beauté peut aussi attester de la persistance de la présence de la figure de la femme traditionnelle dans les pages féminines du Devoir. Mais notre analyse montre que plus les années passent et plus ces sujets sont marginalisés comme l’illustrent les tableaux III et IV. Comme on peut le constater, les baisses sont plus notables à partir de 1971, ce qui n’étonne pas puisqu’il s’agit de l’année où la page féminine est abolie. Le tableau IV illustre cependant une baisse moins marquée de la thématique « famille » au fil de la période. Cela nous amène à constater que, malgré une diminution de ce sujet, celui-ci conserve son importance dans

Le Devoir. Le fait que la page féminine, à partir de 1970, prenne le nom de Famille et

société l’illustre bien. Par ailleurs, peu de place est accordée à la contestation du modèle normatif de la famille nucléaire tant dans la section générale que dans la section féminine.

24 Claire Campbell, « Les femmes ne travaillent pas par caprice », Le Devoir, 15 avril 1970, p. 4. 25 Ibid.

Tableau III. Nombre d’articles traitant de mode et de beauté dans Le Devoir à l’intérieur de l’échantillon constitué selon les années (1965- 1975)

Tableau IV. Nombre d’articles traitant de la famille et de la maternité dans Le Devoir à l’intérieur de l’échantillon constitué selon les années (1965-1975)

La publicité participe également à donner une visibilité à une vision plus traditionnelle des femmes. Bien que nous ne nous soyons pas particulièrement concentrées sur l’aspect publicitaire du journal, mais plutôt sur le contenu sémantique du quotidien, nous avons trouvé quelques annonces qui font l’apologie des femmes souhaitant se marier et fonder une famille comme l’illustre notamment la figure 9. Il n’est d’ailleurs pas surprenant que la page féminine soit fortement parsemée de publicités, ce que nous avons démontré dans le précédent chapitre. Comme l’indiquent plusieurs historiennes, la consommation, particulièrement ménagère, est fortement associée à la féminité26

. L’historienne Stéphanie O’Neill soutient que malgré une certaine perte de terrain de la ménagère consommatrice durant les années 1960 et 1970, les femmes jouent toujours un rôle prédominant dans la consommation du ménage27

. Le nombre important d’articles et de chroniques portant sur la consommation domestique parus dans la page féminine du Devoir, le rôle de consommatrice assumé par les femmes que la chronique « Le Panier à provisions » de Renée Rowan vient renforcer, appuient les observations d’O’Neill et mettent en exergue la persistance de la figure de « la » consommatrice

26 Voir notamment Denyse Baillargeon pour la période antérieure à la Deuxième Guerre mondiale (Denyse Baillargeon, Ménagères au temps de la crise, Montréal, Éditions du remue-ménage, 1993, p. 146) et Magda Fahrni pour la période des années 1940-1950 (Magda Fahrni, Household Politics. Montreal Families and Postwar Reconstruction, Toronto, University of Toronto Press, 2005, p. 120).

27 Stéphanie O’Neill, L’argent ne fait pas le bonheur : les discours sur la société de consommation et les

modes de vie à Montréal, 1945-1975, thèse de doctorat en histoire, Université de Montréal, 2016, p. 258.

1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973 1974 1975

23 15 7 10 6 6 2 3 2 1 0

1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973 1974 1975

ménagère.

.

Figure 9. Publicité de Birks parue dans Le Devoir, 14 septembre 1971, p. 11.

Il est intéressant — mais pas vraiment surprenant— de noter que cette thématique est traitée exclusivement par les femmes journalistes, principalement par Renée Rowan. Si par ailleurs les sujets comme la beauté, la mode et, dans une moindre mesure, la maternité diminuent fortement, la consommation conserve son importance durant l’ensemble de la période analysée comme l’illustre le tableau V.

Tableau V. Nombre d’articles portant sur la consommation dans Le Devoir à l’intérieur de l’échantillon constitué (1965-1975)

1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973 1974 1975

14 13 16 14 15 10 12 13 11 10 12

Selon la journaliste, le succès et la pérennité de sa chronique sur la consommation, que nous relevons durant les onze années investiguées, vient sans aucun doute du fait que cela répondait à un besoin des mères de famille qui, comme elle, devaient faire quotidiennement leur marché28

. Si les propos de Rowan font référence à la dimension domestique de la consommation, c’est que les femmes sont fortement ciblées par ces articles qui paraissent sous le titre « Le panier à provisions ». Dans cette chronique, Renée Rowan suggère des endroits où se procurer des aliments à faible prix chaque semaine et s’adresse directement aux femmes comme l’illustre l’usage fréquent du terme « mesdames » dans la chronique.

Les articles portant sur le sujet qui paraissent en dehors de la page féminine, à l’époque où celle-ci existe toujours, présentent parfois des femmes consommatrices, mais dans une perspective qui dépasse le cadre domestique. Un article publié par Le Devoir, en première page, au sujet des nouvelles conditions d’admissibilité de la Fédération des