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Emmanuel d’Astier journaliste ou le réveil des dispositions politiques latentes

1. Les débuts dans le journalisme

1.1. Un chroniqueur mondain

C’est en mobilisant son capital social acquis par sa fréquentation des milieux littéraires et mondains que d’Astier parvient à débuter dans le journalisme. Le journal Marianne, que dirige Emmanuel Berl521, est le premier à lui ouvrir ses colonnes. Fondé en 1932 par les éditions Gallimard dans le but de promouvoir les auteurs de la maison et concurrencer les hebdomadaires de droite Candide et Je suis partout, propriétés du concurrent Fayard,

Marianne est alors le principal hebdomadaire de gauche de la presse française522. Sous-titré

Grand hebdomadaire littéraire illustré, il se caractérise notamment par le prestige de sa

rédaction. Des écrivains reconnus tels que Jean Giraudoux, Roger Martin du Gard, André Malraux, Pierre Drieu La Rochelle, Jean Giono, etc., ainsi que des personnalités politiques de gauche de premier plan telles que les radicaux Édouard Daladier et Joseph Caillaux ou le socialiste Léon Blum, collaborent plus ou moins régulièrement au journal. À côté de l’actualité littéraire et culturelle, la politique y tient, sous l’impulsion de Berl et de Pierre Brossolette, directeur technique, une place importante. Si l’hebdomadaire est clairement marqué à gauche, il se veut toutefois éclectique et ouvert, défendant dans l’ensemble une ligne modérée dont le pacifisme et l’antifascisme constituent les éléments forts.

D’Astier débute donc dans un journal de haute tenue et à la solide réputation, mais c’est par une petite porte qu’il y fait son entrée. Dans les rubriques « Les lumières de la ville » et « Les plaisirs et les jours », il est l’auteur de courtes chroniques sur la vie mondaine et les lieux de sortie parisiens. Comme note son biographe Jean-Pierre Tuquoi, en la matière, les « lecteurs de Marianne bénéficient au moins du savoir d’un spécialiste523 ». Ses articles s’intéressent à la Pâques orthodoxe fêtée par les Russes de Paris524, aux régates du Yacht Moteur Club525, aux établissements (qu’il connaît bien) de Louis Moyses526 ou de Volterra527,

521 Issu d’une famille de la haute bourgeoisie juive, Emmanuel Berl est un vieil ami de Pierre Drieu La Rochelle. Les deux hommes se sont connus sur les bancs du lycée Carnot à Paris avant la Première Guerre mondiale, puis se sont retrouvés en 1920. Devenus très proches, ils fréquentent tous deux les surréalistes et, en 1927, fondent ensemble une éphémère revue politico-littéraire, Les Derniers jours (cf. Emmanuel Berl et Patrick Modiano, Interrogatoire, op. cit.). Emmanuel d’Astier a fait la connaissance de Berl par l’intermédiaire de Drieu, au milieu des années 1920.

522 Pierre Assouline, Gaston Gallimard. Un demi-siècle d’édition française, Paris, Balland, 1984, pp. 216-218.

523 Jean-Pierre Tuquoi, Emmanuel d’Astier, op. cit., p. 52.

524 Emmanuel d’Astier, « La Russie à Paris », Marianne, 18 avril 1934. Il s’agit de son tout premier article.

à l’ouverture d’un nouveau restaurant sur l’avenue des Champs-Élysées528, etc. Bref, il traite de sujets dont il est un connaisseur avisé, mais qui apparaissent bien secondaires et futiles en comparaison de l’actualité brûlante traitée par ailleurs. De fait, ils sont relégués dans les dernières pages du journal.

Ce sont des articles analogues qu’il commence par publier en avril 1935 dans l’hebdomadaire 1935. Le climat intellectuel et idéologique y est cependant bien différent de celui qui règne à Marianne. Fondé en 1933 par les éditions Plon et dirigé par l’intellectuel maurrassien Henri Massis529, ce journal qui a pour particularité de se donner pour titre l’année en cours – on a 1933, puis 1934, 1935, etc. – est proche politiquement de l’Action Française. L’essentiel de ses collaborateurs sont liés, de près ou de loin, au mouvement royaliste. On peut ainsi y lire des articles d’Abel Bonnard, Philippe Henriot, Jean-Pierre Maxence, Robert Brasillach ou encore Thierry Maulnier défendre des positions fermement nationalistes, antiparlementaristes, anticommunistes et, pour certains, fortement antisémites. On y dénonce par exemple l’accueil par la France des antifascistes italiens et marxistes allemands fuyant leur pays, ce dont on tient le Parti communiste et la SFIO pour responsables530. On affiche son soutien au mouvement agraire et au Front paysan farouchement hostiles à la République parlementaire531. Dès mars 1935, on en appelle au maréchal Pétain pour prendre la tête d’un État fort, seul à même d’endiguer la dévirilisation et l’affaiblissement du pays et assurer la défense nationale532. Dans un contexte marqué par la formation progressive du Front populaire et un basculement du rapport de force politique en faveur des antifascistes533, 1935 526 Emmanuel d’Astier, « Moyses et ses Bœufs », Marianne, 12 décembre 1934.

527 Emmanuel d’Astier, « Volterra », Marianne, 19 décembre 1934. Léon Volterra est, entre autres, propriétaire des Folies-Bergère, du Casino de Paris et du théâtre Marigny.

528 Emmanuel d’Astier, « ʺ″Le Triompheʺ″ de M. Lefranc », Marianne, 9 janvier 1935.

529 Henri Massis est dans l’entre-deux-guerres une figure importante des intellectuels nationalistes. Proche de Maurras, il est en 1919 l’auteur du manifeste « Pour un parti de l’intelligence », signé par une cinquantaine d’intellectuels nationalistes et catholiques se proclamant les défenseurs de l’« intelligence » et de la France contre le bolchévisme et l’ignorance. Rédacteur en chef de La Revue universelle, il rédige en 1935 le manifeste « Pour la défense de l’Occident » – « l’une des pétitions les plus mobilisatrices de l’entre-deux-guerres (Jean-François Sirinelli, Intellectuels et passions française, op. cit., p. 147) » – déclaration d’hostilité à des sanctions de la SDN contre l’Italie mussolinienne suite à son invasion de l’Éthiopie.

530 1935, « La France n’est pas un camp de concentration », 1935, 23 janvier 1935.

531 « Dans l’ordre politique, lutte contre un parlementarisme néfaste et méprisé, contre les troupes subventionnées ou dupées qui le défendent encore, contre les scandales dont les plus grands ne sont peut-être pas ceux dont on parle le plus. Dans l’ordre social, lutte contre l’anarchie économique d’aujourd’hui, lutte pour l’organisation corporative de demain. Voilà le sens du mouvement paysan. (1935, « Front paysan », 1935, 13 mars 1935) »

532 Cf. notamment 1935, « La voix du Maréchal Pétain », 1935, 27 mars 1935.

533 Les élections municipales de mai 1935 « révèlent une évidente poussée vers l’extrême-gauche (Georges Lefranc, Histoire du Front populaire (1934-1938), Paris, Payot, 1965, p. 71). En effet, tandis que les socialistes se maintiennent et que les communistes doublent le nombre de leurs élus, les radicaux ainsi que les modérés de droite subissent un net recul. Si l’on observe également de bons résultats de la part des candidats nationalistes, notamment ceux investis par les Croix-de-Feu, la dynamique politique est incontestablement en faveur du Front

participe activement au processus de radicalisation de la droite sur la base, notamment, de l’anticommunisme.

En marge de ces prises de position politiques très fermes, Emmanuel d’Astier continue quant à lui d’écrire, en apparence distant, sur les hauts lieux du Paris mondain et chic, saluant l’ouverture par Louis Moyses d’un Nouveau Bœuf534, évoquant les orchestres noirs américains des cabarets535 ou les restaurants et cafés des Champs-Élysées536.

1.2. Antisémitisme, antirépublicanisme et anticommunisme

Comparée à celle de Marianne, la rédaction de 1935 est cependant plus accordée à ses propres opinions politiques, ce qui ne va pas tarder à se faire sentir. Car si jusqu’à ce milieu des années 1930, d’Astier n’est pas engagé politiquement et semble manifester un certain détachement vis-à-vis de l’actualité politique, il n’est pas pour autant indifférent. En l’occurrence, il reste fortement marqué par sa socialisation politique initiale, qui n’a pas été radicalement remise en cause par une socialisation concurrente. La marine est réputée pour être le corps le plus conservateur de l’armée française – d’Astier a d’ailleurs indiqué que la pensée de Maurras était célébrée parmi les officiers. Quant aux milieux intellectuels qu’il fréquente (ou a fréquenté), les opinions politiques qui y circulent sont plurielles et n’ont donc pas, de ce fait, suffisamment de constance et de consistance pour infléchir une socialisation jusque-là très cohérente. Certes, les surréalistes penchent nettement à gauche et même vers le communisme537. Mais d’Astier n’est pas intégré au groupe et si Jacques Rigaut, dont il est le plus proche, exprime bien une révolte contre l’ordre établi, celle-ci ne se traduit pas clairement en termes politiques. Cependant, d’une manière générale, le rayonnement de l’Action Française est grand dans le champ intellectuel des années 1920538. Son ami Pierre Drieu La Rochelle est d’ailleurs, au début de la décennie, fortement séduit par le mouvement,

populaire. La progression en voix et en sièges de l’alliance SFIO-PCF (qui ont très souvent fait liste commune) précipite le ralliement du Parti radical au Rassemblement populaire, acté officiellement le 14 juillet 1935.

534 Emmanuel d’Astier, « Le Bœuf change de toit », 1935, 17 avril 1935.

535 Emmanuel d’Astier, « Où deux noires valent mieux qu’une blanche », 1935, 1 mai 1935.

536 Emmanuel d’Astier, « Champs-Élysées », 1935, 15 mai 1935.

537 Péret, Aragon, Breton, Éluard et Unik adhèrent au Parti communiste en 1927.

538 « A droite, l’Action française connaît une seconde apogée et continue, au moins jusqu’en 1926, à être un pôle dominant d’aimantation des clercs et un point de référence dans les joutes idéologiques du temps. (Pascal Ory et Jean-François Sirinelli, Les Intellectuels en France de l’affaire Dreyfus, op. cit., p. 77) »

sans toutefois y adhérer formellement. Et bien qu’il prenne par la suite ses distances avec lui, il demeure fasciné par Maurras539.

Au milieu des années 1930, les idées maurrassiennes qui ont fourni à d’Astier un premier code de perception politique du monde continuent donc d’exercer une influence déterminante sur son interprétation des événements politiques. Il admire toujours Maurras540 et, bien qu’il n’en soit pas membre, se sent encore proche de l’Action Française. La connivence idéologique dans laquelle il se trouve avec les autres rédacteurs de 1935 exerce alors un effet incitatif, implicite et diffus, à s’exprimer politiquement. C’est ainsi qu’il va, dans un premier temps, révéler des opinions antisémites.

Un reportage sur le mont-de-piété et le prêt sur gages lui en fournit une première occasion541. Dans son article, d’Astier décrit l’activité de plusieurs bureaux du Crédit municipal parisien dans lesquels il s’est rendu. Notant que la plupart d’entre eux sont gravement touchés par la crise économique, il souligne en particulier l’omniprésence des Juifs en ces lieux qui, faisant main-basse sur le prêt sur gages, tirent profit de la situation. Il reproduit alors quelques-uns des stéréotypes antisémites les plus éculés, à commencer par la prédilection supposée des Juifs pour l’argent, qui sous-tend l’ensemble de son texte. Cependant, il livre une description physique dégradante, déshumanisée du Juif. Être sale, laid, petit, faible, dégoûtant et agressif, il tient plus selon le portrait qu’il en dresse, de l’animal que de la personne humaine.

« Il y a là ʺ″la bandeʺ″, une assemblée de rapaces, la juiverie occidentale assaisonnée du ghetto d’Europe Centrale. […] Un juif slovaque plein de pellicules et de mucosités, dont le chapeau mou est fixé à jamais dans sa forme par la sueur, truste les couverts et les service de table. Quand un objet passe de main en main il vous l’arrache en grognant : ʺ″tonne… tonne !ʺ″, il se jette dessus comme une bête, et sortant de la poche de son gilet la loupe de bijoutier, il renifle férocement pour trouver le poinçon. […] Il n’y a pas un homme ici qui ait plus d’un mètre soixante cinq. C’est une assemblée d’horribles nabots, bossus, tordus, grimaçants. Ils ont une petite loupe vissée à l’œil qui complète le groin envahi de poils, où les oreilles et le nez sont des nids à poussière. Ils sont cassés en deux sur une pile de bijoux navrants, l’héritage d’une famille, le joie des fiançailles, les

539 Cf. Jacques Cantier, Pierre Drieu La Rochelle, op. cit., pp. 163-164.

540 Claude Roy, qui fait la connaissance d’Emmanuel d’Astier en janvier 1936, dit de leur première conversation : « Il défendit Maurras contre mon reproche de n’être pas ʺ″socialʺ″, ni dans le monde. Il disait qu’il n’est pas nécessaire d’être avec son temps, mais utile de mettre son temps avec soi. (Claude Roy, Moi je, op. cit., p. 266) »

souvenirs de mariage et de première communion. Ils reniflent çà et le soupèsent dans leurs pattes en se délectant à l’idée des gains futurs. Cette racaille qui absorbe aux dépends du public tous les objets du Mont de Piété, on l’appelle en haut-lieu, avec un faux air de réprobation ʺ″la bandeʺ″, mais on n’a rien cherché pour lui rogner les griffes.542 »

Identifiables par leurs propriétés physiques spécifiques, les Juifs, en outre, se reconnaissent entre eux. C’est ainsi qu’ils forment « la bande », soudée et solidaire, dont le dessein larvé est de piller le peuple français de ses biens.

« Ils écoulent dans le peuple ce qu’ils lui ont volé grâce à une association où ils sont capables de tout, sauf de se manger entre eux. Non contents de ce monopole de fait, et comme le trafic des reconnaissances est devenu trop dangereux, ces Gosbecks du Mont ont trouvé mieux pour duper le gogo… : ʺ″Israël effectue avantageusement tout dégagement au Mont de Piétéʺ″, ainsi ils acquièrent les objets au plus bas prix du capital prêté, et ils empochent le boni que le Crédit Municipal réservait à ses clients sur les ventes aux enchères. Si peu antisémite que l’on soit, en sortant de là, on pense que Drumont n’exagérait pas tellement, et on cherche dans les rues ensoleillées quelques têtes chrétiennes.543 »

Emmanuel d’Astier exprime là un antisémitisme somme toute traditionnel, puisant l’essentiel de ses arguments – la référence à Édouard Drumont en est un indicateur – dans un fonds discursif déjà en circulation à la fin du XIXe siècle : conception raciste des Juifs comme groupe distinct caractérisé par des propriétés physiques particulières et fondamentalement étranger à la nation française chrétienne, dénonciation de l’avidité des Juifs, du pouvoir qu’ils acquièrent par l’accumulation financière, de la dépossession du peuple français de ses richesses et de sa souveraineté dont ils sont coupables, etc.544 Cet antisémitisme, qui avait connu une phase de reflux après la Première Guerre mondiale, est réactivé et actualisé dans les années 1930. Stimulé par une significative immigration juive venue essentiellement d’Allemagne et d’Europe centrale545, par la crise économique qui avive le sentiment de

542 Ibid.

543 Ibid.

544

Cf. notamment Michel Winock [1990], Nationalisme, antisémitisme et fascisme en France, Paris, Seuil, 2004.

concurrence des travailleurs français avec les travailleurs étrangers546, enfin par l’éclatement de scandales politico-financiers (en particulier l’affaire Stavisky) dans lesquels des Juifs sont impliqués, l’antisémitisme (sous diverses formes) se répand alors largement dans la société française, n’épargnant pas les milieux intellectuels547.

Moins d’un mois après ce premier article, d’Astier récidive en rendant hommage à l’écrivain et journaliste Édouard Drumont, l’une des grandes figures de l’antisémitisme en France à la fin du XIXe siècle548, auteur en 1886 de La France juive549. L’article est le récit par d’Astier de son « pèlerinage » sur la tombe de Drumont au Père-Lachaise550. Il y fait part de son dépit de trouver une « tombe à l’abandon, modeste, presque pauvre : un carré de terreau, semé de gravier entouré d’une grille que mange la rouille. Contre cette grille est posée une pierre dont l’inscription à demi effacée est masquée par une croix. Enfin vous déchiffrerez Édouard Drumont, homme de lettres, 1844-1917… C’est tout.551 » L’indigence de la tombe de Drumont contraste, se désole d’Astier, avec l’opulence de quelques tombes voisines appartenant à des hommes qui furent ses adversaires politiques : la « tombe fastueuse et du pire goût552 » d’Auguste Burdeau, ancien ministre impliqué dans le scandale de Panama, ou celle, similaire, de l’ancien ministre des Cultes de Gambetta, le républicain Eugène Spuller. Mais surtout, la tombe de Drumont est toute proche d’une « belle dalle funéraire, fraichement fleurie553 », celle de l’escroc juif Stavisky : « Drumont, pauvre Drumont, si abandonné, couché tête à tête pour le sommeil éternel à côté de Stavisky !554 »

Sa promenade dans les allées du Père-Lachaise fournit selon d’Astier une démonstration de ce que les ennemis de la (vraie) France, au premier rang les Juifs, sont parvenus à la dominer, s’accaparant les richesses, le pouvoir et les honneurs aux dépends de ses défenseurs, tels Drumont, rejetés dans la pauvreté et dans l’oubli.

546 D’une manière générale, les années 1930 sont marquées par une forte xénophobie, qui s’exerce contre les Juifs, mais aussi contre les immigrés italiens et polonais et, à partir de 1937, contre les réfugiés espagnols. Cf. Ralph Schor, L’Opinion française et les immigrés en France de 1919 à 1939, Paris, Publications de la Sorbonne, 1985.

547 Sur le phénomène, voir en particulier Ralph Schor, L’Antisémitisme en France dans l’entre-deux-guerres, Bruxelles, Complexe, 2005. Schor souligne notamment que les livres et la presse antisémites se vendent bien et même de mieux en mieux à mesure que l’on s’approche de 1939. Parmi les indicateurs de la forte poussée antisémite, L’Action française, qui avait quelque peu modéré son discours antisémite dans les années 1920, est dans la décennie suivante à nouveau à la pointe de la propagande antisémite.

548 L’antisémitisme de Drumont s’appuie sur une dénonciation de la Révolution, de la République et du capitalisme moderne, d’inspiration juive, qui conduisent à la destruction de la vraie France, c’est-à-dire la France catholique et traditionnelle (Cf. Michel Winock, Nationalisme, antisémitisme et fascisme en France, op. cit.).

549 Le livre est alors un immense succès de librairie.

550 Emmanuel Drumont, « Le nommé Drumont », 1935, 26 juin 1935.

551 Ibid.

552 Ibid.

553 Ibid.

« Pour gagner la grande porte, je traversai la 96ème division où les tombes sans croix portent des triangles et des caractères hébraïques : ce sont les tombes israélites, luxueuses. Et tandis que La France juive traîne pour finir sa carrière dans les boîtes des quais, ceux qu’elle a fait trembler un jour reposent sous les fleurs et les hommages… Un jour peut-être dans les temps qui viendront, le ʺ″nommé Drumontʺ″ aura sa revanche.555 »

Si d’Astier exprime très clairement son antisémitisme, il laisse aussi poindre dans cet article son antirépublicanisme. L’évocation dépréciative d’Eugène Spuller, grande figure républicaine des débuts de la IIIe République556, le laisse en tout cas assez nettement supposer. Ses propos sont plus clairs début juillet 1935, qui manifestent une véritable défiance envers la République. À l’occasion d’une enquête sur les bibliothèques municipales de la ville de Paris, d’Astier met en évidence que la plupart d’entre elles sont affligeantes par manque de budget, ce qui lui permet de faire plus généralement remarquer que la « république ne peut pas se vanter d’avoir accrue la richesse monumentale de Paris. Dans ces mairies, les bibliothèques sont les parents pauvres que l’on relègue derrière les postes de police ou sous les combles. Poussière, saleté, incurie, désordre républicain : tout y est.557 »

« Désordre républicain », voilà en quelque sorte l’un des mots de passe des mouvements et idéologues des droites extraparlementaires des années 1930. Slogan largement employé sans être toujours précisé, il synthétise la dénonciation globalisante d’un régime en crise ; en crise politiquement (multiplication des renouvellements ministériels, nombreux scandales politico-financiers), économiquement (incapacité des gouvernements successifs à résoudre la crise économique) et socialement (aggravation de la conflictualité sociale) ; un régime dont le « désordre » entraîne le déclin de la France et auquel il doit être remédié par l’instauration d’un État fort, autoritaire, à même d’assurer l’ordre.

D’Astier ne fait pas, à l’inverse des Juifs, de la critique de la République le thème central ou premier d’un article. Mais celle-ci affleure tout de même dans plusieurs textes. Ainsi une conséquente enquête sur la « banlieue rouge » de Paris558 lui permet-elle par exemple de

555 Ibid.

556 Ami de Léon Gambetta, Eugène Spuller est un des acteurs importants du camp républicain lors de la crise 16